Intervention de Pascal Colombani

Réunion du mercredi 30 novembre 2022 à 17h00
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Pascal Colombani, ancien administrateur général du CEA, et membre de l'Académie des technologies :

Si l'on avait mis à la tête d'Areva un véritable industriel, comme j'en ai connu et comme j'en fréquente encore tous les jours – je pense à Philippe Varin et à Jacques Aschenbroich –, les choses auraient bien marché. En vous disant cela, je ne me fais pas d'Anne Lauvergeon une amie. De toute façon, elle sait ce que je pense. De manière plus générale, c'est un travers français que de ne pas capitaliser sur les compétences existantes et de mettre à ces places stratégiques des personnes qui seraient sans doute très bonnes ailleurs. Anne Lauvergeon n'est pas seule en cause : c'est une personne entreprenante, intelligente, mais qui n'était malheureusement pas bien entourée. L'état-major d'Areva, c'est-à-dire le comité exécutif, était faible.

La deuxième raison de l'échec d'Areva, c'est que ce groupe, qui a hérité des moyens de Framatome et de Cogema, ne disposait pas de capacités d'ingénierie architecturale comme en avait EDF, par exemple. On aurait pu les organiser, mais on ne l'a pas fait – cela rejoint ma première observation.

Enfin, Areva s'est un peu construit en opposition à EDF, ce qui a eu de très mauvais effets. Parce que nous n'avons pas voulu conjuguer nos efforts pour résoudre nos problèmes internes et nous étendre à l'étranger, nous avons fait des erreurs de débutant. Après mon départ, quand Areva a construit à Olkiluoto le prototype du réacteur nucléaire de nouvelle génération – je ne sais pas ce que M. d'Escatha a pu vous dire à ce sujet –, il n'a pas fait appel à Alstom, son partenaire habituel, mais à Siemens. Alors qu'il avait l'habitude de travailler avec Bouygues ou Vinci, il est allé trouver un bétonneur en Finlande, un pays dont l'expérience nucléaire n'était pas comparable à celle de la France. Quant au contrôle-commande, il n'a pas été confié aux entreprises qui constituent maintenant le groupe Atos, lesquelles avaient pourtant conçu tous nos systèmes antérieurs. En ignorant complètement l'existence d'EDF et en faisant participer Siemens, Mitsubishi et d'autres entreprises étrangères à ce projet, Areva s'est sans doute placé dans les plus mauvaises conditions pour construire un prototype. La même erreur a été commise dans la réponse à l'appel d'offres des Émirats arabes unis, et peut-être même lors de négociations en Chine, car le bruit est venu à mes oreilles que certains de nos clients s'étaient inquiétés de ne pas voir EDF, l'opérateur mondial de référence ayant cinquante-six réacteurs en état de fonctionnement, dans notre proposition.

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