Intervention de Christophe Bentz

Séance en hémicycle du jeudi 12 janvier 2023 à 9h00
Inciter les entreprises à augmenter les salaires nets de 10 % — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Bentz, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Notre dispositif, qui vise tous les salaires jusqu'à trois fois le Smic, profitera donc à près de 90 % des salariés. La mesure d'augmentation ponctuelle du Smic proposée par les groupes siégeant à gauche de cet hémicycle ne nous avait pas paru adaptée car elle se limitait aux seuls salariés touchant le Smic, lequel est déjà indexé sur l'inflation, contrairement à tous les autres salaires. Elle ne correspondait pas à l'enjeu global car elle excluait les classes moyennes et pesait lourdement sur les entreprises de taille modeste. N'oublions pas qu'il s'est produit un décrochage du niveau de rémunération de toutes les catégories professionnelles, en particulier des classes moyennes, la renégociation des salaires n'ayant pas permis de suivre le cours de l'inflation.

C'est pourquoi nous proposons la mise en place de ce nouvel outil qui s'inspire de l'existant tout en étant mieux adapté à la situation d'urgence que nous connaissons. Depuis une trentaine d'années, les allégements de cotisations ont certes permis de favoriser la création d'emplois, mais pas nécessairement de valoriser les salaires. Notre dispositif se concentre donc sur les difficultés actuelles des classes populaires et moyennes, à savoir la stagnation des salaires qui se traduit, dans un contexte d'inflation et de flambée des prix, par une perte nette de pouvoir d'achat.

En proposant une exonération de cotisations patronales pour une majoration salariale appliquée à l'ensemble de l'entreprise, nous comptons réduire les effets de seuil liés au régime actuel de cotisations et d'exonérations sociales. Aujourd'hui, lorsqu'une entreprise souhaite augmenter un salarié au Smic à hauteur de 10 % de son salaire net, cette majoration engendre une hausse de 18 % des coûts salariaux pour l'employeur. Concrètement, quand le salaire net d'un employé au Smic augmente de 130 euros par mois, l'employeur est redevable de 150 euros de cotisations patronales supplémentaires, soit un taux de 91 % de cotisations appliqué à la hausse de salaire brut.

Au-delà des effets de seuil liés aux exonérations actuelles, toute majoration salariale est soumise au taux normal de cotisations patronales qui atteint environ 37 % entre 1,6 et 2,5 Smic et 41 % entre 2,5 et 3,5 Smic, ce qui peut dissuader les employeurs d'augmenter les salaires dans un contexte économique durablement incertain, en particulier nos TPE – très petites entreprises – et nos PME – petites et moyennes entreprises.

Avec notre proposition de loi, l'exonération serait subordonnée à la signature d'un accord d'entreprise portant sur une majoration de tous les salaires inférieurs à trois fois le Smic, ce qui recouvre, je le répète, près de 90 % des salariés du secteur privé.

Enfin, cette majoration salariale doit être substantielle et encadrée, dans le contexte d'une inflation historique. Les entreprises devront, dès lors, garantir au moins 10 % de hausse de salaire pour obtenir l'exonération. Si l'ensemble des employeurs du secteur privé s'en saisissaient, cette mesure permettrait d'attribuer 45 milliards d'euros de salaire supplémentaire à plus de 15 millions de salariés. L'augmentation serait calculée à partir des salaires effectivement pratiqués dans l'entreprise à l'ouverture des négociations.

Au-delà de la situation d'urgence dans laquelle nous nous trouvons, il est important de bien intégrer les nouveaux dispositifs aux dispositifs existants. Nous y veillerons.

L'esprit général de notre proposition de loi renvoie à l'incitation des entreprises, à travers des mécanismes éprouvés mais recentrés sur la question essentielle des salaires, seule à même de répondre à la fois à l'urgence de mieux rémunérer le travail et à la crise actuelle du pouvoir d'achat.

Il nous faut entendre le cri des Français qui bossent et qui, malgré tout, peinent à finir le mois. Leur préoccupation pour le pouvoir d'achat est fondée, leurs attentes sont légitimes, leurs demandes doivent être prises en compte. Permettre par tous moyens d'augmenter les salaires de la France qui travaille est un impératif, au-delà de tous les clivages politiques et partisans. Il s'agit de défendre le pouvoir d'achat, de valoriser l'effort et le travail, de soutenir nos entreprises, de permettre à tous de vivre et de faire vivre sa famille plus dignement en cette période de crise sociale et économique aiguë.

Écoutons les Français. Ils ont besoin de nous. Ils attendent un signal fort de notre part. Ils demandent des mesures efficaces, rapides et concrètes. Soyons à la hauteur.

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