Intervention de Corinne Vignon

Séance en hémicycle du lundi 16 janvier 2023 à 21h30
Interdiction de la maltraitance sur les chiens et les chats par colliers étrangleurs — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCorinne Vignon, rapporteure de la commission des affaires économiques :

Je suis très heureuse que nous abordions aujourd'hui dans cet hémicycle la question du bien-être animal, si importante aux yeux de nos concitoyens. Au cours des dernières années, le législateur s'est emparé à plusieurs reprises de cette problématique essentielle, notamment dans le cadre de la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (Egalim) ou dans celui de la loi du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes, dont je tiens à saluer les rapporteurs, Loïc Dombreval, Dimitri Houbron et Laëtitia Romeiro Dias. Je veux également saluer Aurore Bergé, présidente de notre groupe, Renaissance, dont l'engagement constant sur ce sujet a permis d'importantes avancées, ainsi que les professionnels et les associations de protection animale, en particulier la Fondation Brigitte Bardot, qui a particulièrement œuvré sur la question qui nous intéresse aujourd'hui.

En 1896, Émile Zola s'interrogeait sur son amour des bêtes et appelait à déclarer la guerre à la souffrance, « l'abominable souffrance dont vit la nature et que l'humanité devrait s'efforcer de réduire le plus possible, d'une lutte continue, la seule lutte à laquelle il serait sage de s'entêter ». Au fond, c'est à cet appel que nous répondons depuis plusieurs années en nous efforçant, par la loi, de réduire et de supprimer les souffrances animales.

Le texte dont nous discutons aujourd'hui apporte une pierre supplémentaire, modeste mais essentielle, à la lutte contre la souffrance des animaux. Car il est bien question, avec les colliers à décharge électrique, les colliers étrangleurs et les colliers à pointes, de souffrance. Sur ce point, aucun débat : les vétérinaires et la communauté scientifique sont absolument unanimes pour dénoncer les souffrances physiques et psychiques infligées aux animaux avec l'utilisation de tels accessoires. De nombreuses études concordantes démontrent qu'ils entraînent de graves lésions physiques et psychiques.

J'ai projeté en commission les photos insoutenables, transmises par des vétérinaires, de brûlures et de perforations de la peau résultant de l'utilisation de colliers électriques et à pointes. Le bureau de l'Assemblée nous interdit de présenter des images dans l'hémicycle, mais quelques mots suffiront à vous convaincre de la nécessité d'interdire ces colliers.

L'utilisation « normale » des colliers à choc électrique – c'est à dessein que je mets le mot entre guillemets – a des conséquences psychologiques importantes sur les animaux, car elle engendre des comportements de stress, de terreur et d'anticipation de la douleur qui modifient durablement le comportement des chiens, y compris lorsque l'impulsion électrique a été envoyée une seule fois. Faut-il même le préciser, l'utilisation des colliers à choc électrique entraîne également des lésions physiques importantes, comme les brûlures et les pertes de poils. Quant aux colliers étrangleurs et à pointes, ils sont responsables de perforations de la peau, d'écrasements de la trachée, de pression intraoculaire, d'instabilité cervicale, d'arthrose dégénérative ou encore de paralysie du nerf laryngé.

Tout cela concourt, à court et à long terme, à dégrader l'état psychique et physique du chien. Les colliers se transforment en véritables instruments de torture lorsqu'ils sont utilisés par des propriétaires mal informés ou malveillants. On nous a rapporté des cas, trop nombreux pour être anecdotiques, de colliers fixés sur les parties génitales du chien ou de pointes aiguisées pour être plus douloureuses. De manière générale, les études démontrent que le réglage de la puissance des colliers électriques est systématiquement inadapté, le maître ayant tendance à augmenter rapidement la violence de la décharge pour obtenir l'obéissance de l'animal.

Or ces colliers sont très largement utilisés en France : selon une étude de 2018, un chien sur quatre en est équipé ou en a été équipé. Ce sont des objets très accessibles, placés entre les mains d'un large public et acquis sans connaissance aucune de leur dangerosité et de leurs effets réels sur le chien. Pour les maîtres, dont il ne faut pas sous-estimer la détresse, ils représentent une solution rapide à des problèmes complexes.

Je veux dire aux propriétaires qui utilisent ces colliers pour éduquer leurs chiens ou limiter leurs aboiements, lesquels posent des problèmes de voisinage, que ces colliers ne font qu'accroître les difficultés qu'ils prétendent résoudre. Ils croient à tort que ces instruments leur permettront de régler les problèmes de comportement de leurs animaux. Toutes les études démontrent qu'ils contribuent au contraire à développer des conduites dangereuses : l'animal stresse, souffre et devient agressif ; le risque de morsure est accru. Malheureusement, ce sont souvent les enfants qui sont les victimes les plus gravement atteintes.

La question des colliers coercitifs devient alors un enjeu de sécurité publique. Leur usage généralisé, sur des chiens souvent hypersensibles ou hyperactifs que l'on cherche ainsi à maîtriser, tend à aggraver les problèmes de comportement. On multiplie ainsi les risques de morsure, mais aussi d'abandon par des maîtres dépassés par la situation – abandons qui finissent souvent par des euthanasies.

Chers collègues, permettez-moi d'insister sur ce point : nos refuges sont saturés de chiens au comportement inadapté, notamment des staffs et des malinois, sur lesquels des colliers coercitifs ont été systématiquement utilisés. Or non seulement ces colliers sont inefficaces et même contre-productifs, mais ils sont d'autant plus injustifiables qu'il existe des alternatives respectueuses du bien-être animal et dont l'efficacité en matière d'éducation canine a été largement démontrée. Je pense à des méthodes de dressage positives, mais aussi à certains types de harnais qui permettent de faire face à des difficultés de comportement sans blesser l'animal.

Il est temps de faire cesser la souffrance des animaux et de respecter pleinement les dispositions du droit européen et national qui interdisent d'infliger des souffrances à un animal dans le cadre de son éducation. Plusieurs pays l'ont fait, pour les motifs que je viens d'évoquer : le Danemark, l'Australie, l'Allemagne, la Suisse, l'Autriche, la Slovénie, l'Angleterre, la Finlande, la Suède, l'Écosse et tout récemment la Belgique.

Les travaux de la commission ont montré que ce sujet nous rassemblait par-delà les clivages politiques. Je salue nos collègues de l'ensemble des groupes pour la qualité de nos discussions. Nos échanges constructifs ont permis de préciser le champ d'application de la proposition de loi, de fixer les sanctions et d'assurer l'application directe et immédiate du texte dès sa promulgation, sans passer par des décrets.

Cette proposition de loi peut sembler modeste par son objet, mais elle ouvre le champ de la réflexion à des sujets plus vastes et aura des conséquences indirectes importantes. En interdisant le recours à cette solution de facilité que constituent les colliers coercitifs, elle encouragera la généralisation de méthodes de dressage canin plus respectueuses de l'animal. Elle nous donne également l'occasion de nous interroger sur la formation des éducateurs canins et sur la nécessité d'encadrer cette profession afin d'en garantir l'uniformité.

Enfin, chers collègues, le texte sur lequel nous sommes appelés ce soir à nous prononcer constitue une étape importante de cette guerre contre la souffrance animale dont parlait Émile Zola. C'est notre honneur de la mener, tant la manière dont nous traitons les animaux est révélatrice de la société que nous formons. Comme le disait le poète britannique Lord Byron, « dans la vie, le plus sûr des amis, le premier à vous accueillir, le premier à vous défendre, celui dont le cœur honnête appartient pour toujours à son maître, qui travaille, se bat, vit et respire pour lui tout seul », c'est le chien.

Soyons bienveillants avec l'animal comme il l'est avec nous. Stoppons la maltraitance, même involontaire, et unissons-nous autour de ce texte modeste, mais attendu, qui marque une étape importante, car il répond à une demande forte et profondément juste de nos concitoyens.

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