Intervention de Capitaine de vaisseau Guillaume Desgrées du Loû

Réunion du mercredi 30 novembre 2022 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Capitaine de vaisseau Guillaume Desgrées du Loû, bureau des opérations navales :

Je suis un adjoint de l'amiral Xavier Petit, chargé des opérations pour le compte de l'amiral Vandier, chef d'état-major de la marine.

Les cinq points évoqués par le général Breton trouvent chacun des illustrations et des applications dans le domaine naval.

Pour la marine, le retour d'expérience de la guerre en Ukraine comprend deux volets.

D'abord, cette guerre fait la démonstration de la dimension stratégique du fait maritime. La guerre a des conséquences à l'échelle mondiale, dont la décontinentalisation des flux énergétiques et la transformation de la géopolitique de l'énergie. Elle met en évidence cinq axes d'action pour la marine nationale : la nécessité de se doter en amont des conflits d'une stratégie de points d'appui, de partenariats solides et d'une capacité d'endurance à la mer ; l'obligation de protéger les flux maritimes, ce qui suppose que nous travaillions davantage avec les armateurs et l'ensemble du monde maritime ; le domaine hybride, dont l'importance ne cesse de croître ; l'adaptation de nos équipements, notamment pour tout ce qui concerne les drones, les armes antidrones et les armes à énergie dirigée ; et enfin la préparation opérationnelle et l'entraînement de nos équipages aux conflits de haute intensité : concrètement, il s'agit de poursuivre l'effort engagé avec l'exercice Polaris 21, grâce notamment au volet naval de l'exercice Orion, prévu au début de l'année 2023.

Ensuite et plus directement, nous devons tirer du volet naval du conflit ukrainien, les conclusions les plus opérationnelles pour nous. Certains épisodes ont marqué les esprits : la perte du croiseur Moskva, touché par deux missiles antinavires tirés depuis la côte ; le feuilleton des combats autour de l'île aux Serpents, au large d'Odessa et à proximité de la Roumanie ; les salves de missiles de croisière Kalibr tirées depuis des bâtiments en mer ; les attaques de drones navals ; les attaques contre les bases navales et les navires à quai. Malgré ses pertes, la marine russe conserve son pouvoir de nuisance.

Certains aspects connus de la guerre navale ont été plus particulièrement mis en lumière : la guerre des mines, avec les opérations de minage et de déminage ; le renseignement d'intérêt maritime ; le rôle de l'amphibie, tel qu'il a été utilisé par la marine russe ; les vulnérabilités des chaînes logistiques pour les forces navales ; les questions juridiques liées aux notions de belligérance et de cobelligérance, à la liberté de navigation, aux blocus maritimes.

Enfin, on observe des phénomènes disruptifs, avec des ruses de guerre, le recyclage de matériel – utilisation de missiles antinavires à destination de cibles terrestres, utilisation de mines marines à terre, emploi de drones dans le domaine naval – ou l'explosion du champ informationnel.

Nous en tirons des pistes de travail dans six directions : la projection de puissance à partir d'une force navale, en particulier les tirs de missiles de croisière ; les moyens permettant de mener un combat de haute intensité dans la durée ; la défense maritime du territoire ; l'emploi des drones dans le domaine maritime ; la mise au point de tactiques innovantes, comme le désilhouettage et les manœuvres de déception ; les armes et les leviers du faible au fort ; le champ informationnel.

Ces conclusions sont bien entendu partielles : le processus de recueil et d'analyse se poursuit.

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