Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du mercredi 25 janvier 2023 à 15h00
Accord france-pays-bas — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Depuis 2016, la France et les Pays-Bas ont émis le souhait de renforcer une coopération déjà riche dans leurs territoires ultramarins de la zone Caraïbes et Amérique du Sud. Cette alliance, géographiquement et politiquement naturelle, n'est pas nouvelle. Et pour cause : l'île de Saint-Martin est, depuis le traité de Concordia du 23 mars 1648, partagée par une frontière d'une dizaine de kilomètres entre nos deux pays. Le processus conventionnel entamé il y a déjà sept ans devrait aboutir en mars prochain à un accord bilatéral mettant fin à l'imprécision du tracé de cette frontière et à ses conséquences en matière fiscale notamment. L'ouragan Irma qui, le 6 septembre 2017, a frappé avec une violence inouïe ces régions malheureusement placées sur la trajectoire directe de l'œil du cyclone – quinze personnes y ont perdu la vie et 85 % des bâtiments ont été endommagés –, et, plus récemment le Brexit puis la guerre en Ukraine ont favorisé le rapprochement entre nos deux nations.

Déjà liés par l'accord du 28 juillet 1992, la France et les Pays-Bas ont signé en août 2021, à l'occasion de la visite du Premier ministre néerlandais à Paris, une déclaration d'intention. Celle-ci prévoyait, pour la zone caribéenne et sud-américaine, un renforcement de la coopération en matière non seulement de défense, notamment dans la lutte contre la criminalité organisée, mais aussi d'échanges opérationnels. Le dernier rapport du Mica Center – Centre d'information, de coopération et de vigilance maritimes – fait état des menaces majeures que représentent les trafics de drogue, d'êtres humains ou d'armes, sans oublier la pêche illicite, entraînant, dans l'arc antillais, l'un des taux de mortalité les plus élevés au monde. Cet accord va officialiser, faciliter et intensifier une coopération déjà forte entre la France et les Pays-Bas dans le cadre des entraînements militaires, dans la gestion des catastrophes naturelles ou dans celle de la crise liée à la covid-19. Je rends ici hommage à nos 2 120 militaires déployés en Guyane et aux 1 060 soldats supplémentaires stationnés en Guadeloupe et en Martinique.

Au-delà de cet accord et des coûts qu'il pourrait représenter – absents pour l'heure des rapports parlementaires –, c'est des outre-mer français qu'il nous faut débattre. Ils sont l'un des impensés les plus criants de notre politique nationale. Et pour cause : la vision que la France a de ces territoires se limite trop souvent à des problèmes sociaux. Trop souvent, les outre-mer tels la Martinique ou la Guadeloupe ne sont vus que sous le prisme d'une actualité agitée par les grèves et les conflits durs.

Je ne parlerai pas de la Guyane, dont on pourrait croire que la seule richesse consiste en orpailleurs et en entrées clandestines. Pourtant, c'est grâce à la Guyane que la France dispose de sa plus longue frontière terrestre – avec l'un des plus grands pays au monde en plus, le Brésil. Ce pays est autant le voisin de la France que le sont l'Italie ou l'Allemagne en Europe. Les Antilles françaises, insérées dans l'important espace caraïbe, à proximité du Mexique et des États-Unis, ont elles aussi un rôle stratégique à jouer : celui-ci ne peut se limiter au tourisme de masse et à la redistribution d'aides destinées à acheter la paix sociale pour mieux oublier l'absence d'une véritable ambition de développement. Ne l'oublions pas, nos outre-mer sont souvent pauvres comparés à la métropole mais riches comparés à leurs voisins immédiats. Par rapport à Cuba et à Haïti, les Antilles françaises sont des îlots de prospérité et de stabilité. Et que penser de Mayotte, exclue de la Commission de l'océan Indien (COI) aux seules fins de ménager les Comores ? Celles-ci s'apprêtent à prendre la tête de l'Union africaine et à faire entendre leurs revendications sur Mayotte tout en négociant des aides financières de Paris dans le cadre de la COI. Cherchez l'erreur…

Enfin, nous votions la semaine dernière un moratoire sur l'exploitation minière des fonds marins. Dois-je rappeler ici que c'est grâce à nos outre-mer que nous possédons la plus grande zone économique exclusive au monde après les États-Unis ? Nos outre-mer sont, du fait de leurs emplacements stratégiques, des territoires vitaux pour notre pays et ils font de la France un acteur majeur dans le concert des nations. La France est le seul pays présent dans six des sept continents et dans les trois grands océans de la planète. Pour sauvegarder la puissance française, nous nous devons d'avoir une politique volontariste pour ces régions ou départements qui sont la France.

Je souscris donc à l'accord dont nous discutons, mais il nous reviendra de décider ce qu'il convient de faire pour que nos territoires français d'outre-mer se transforment en leviers de puissance économique, géostratégique et militaire. La tâche est immense mais la France le mérite !

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