Intervention de Hubert Ott

Séance en hémicycle du mercredi 25 janvier 2023 à 15h00
Limitation de l'engrillagement des espaces naturels et protection de la propriété privée — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHubert Ott :

En préambule, je rappelle que cette proposition de loi, née au Sénat sous l'impulsion de Jean-Noël Cardoux, est arrivée à l'Assemblée dans le cadre de discussions préalables en commission, avant d'être présentée lors de la niche du groupe Démocrate, le 6 octobre dernier, à l'initiative de Richard Ramos.

Le texte nous revient quasi inchangé du Sénat : mis à part une modification apportée à l'article 5, les sénateurs ont confirmé notre travail. Ce résultat n'est pas le fruit du hasard, mais découle de l'état d'esprit qui a prévalu lors des différentes étapes de nos discussions, à savoir une volonté transpartisane de produire une synthèse consensuelle mais néanmoins fidèle aux aspirations initiales.

Si j'insiste sur ce point, c'est qu'il n'était pas acquis d'avance de faire régner un esprit de concorde dans ces débats sur la protection de la nature, la préservation de la biodiversité et du patrimoine forestier. En fait, tout au long de nos échanges en commission ou dans l'hémicycle, la grande pluralité politique de notre législature n'a pas été un obstacle mais un atout : elle a permis de produire un texte enrichi et équilibré qui atteint l'objectif initial. C'est pourquoi je remercie tous les groupes parlementaires : personne n'a perdu de vue que nous servions mieux l'intérêt général si nous partagions la même volonté de faire aboutir ce texte.

Le désengrillagement élargi à l'ensemble du territoire va indiscutablement contribuer à améliorer la fonctionnalité des écosystèmes, notamment forestiers. De nombreux animaux sauvages vont retrouver la liberté de circuler sans obstacle, ce qui répond à une aspiration de la société.

Cette liberté retrouvée va surtout leur permettre d'occuper pleinement leur niche écologique dans un espace dans lequel les activités humaines ne doivent plus introduire de contraintes. En effet, tout ce qui empêche la libre circulation d'une espèce animale entrave la subtile imbrication des relations entre espèces vivantes sur un même territoire. L'équilibre naturel s'en trouve fragilisé, ce qui menace la pérennité de l'écosystème tout entier.

Il ne faut pas non plus oublier que la cohabitation des gibiers avec les strates arbustives et arborescentes, dans un milieu forestier où se pratique de plus en plus une sylviculture fondée sur la régénération naturelle spontanée de peuplements faits d'essences mêlées, nécessite une liberté de circulation des animaux herbivores à grande échelle. La limitation de leurs déplacements conduit inexorablement à une pression trop forte sur les jeunes pousses d'arbre, ce qui peut compromettre la régénération d'un massif boisé.

Cette réalité s'impose encore davantage à une époque où nous connaissons des périodes de grande sécheresse, facteur aggravant qui affecte inévitablement la santé des arbres et donc leur aptitude à réagir, à se reproduire et finalement à survivre. Il nous revient donc de faire prendre pleinement conscience de la nécessité, grâce au désengrillagement, de donner une nouvelle chance à nos forêts. Cet effort contribuera à éviter le dangereux affaissement de notre patrimoine vivant.

Permettez-moi enfin de mettre l'accent sur une dimension sous-jacente de ce désengrillagement : la durée de vie d'un arbre, qui nous impose d'intégrer le temps long en matière de gestion forestière.

L'arbre et son bois, que nous finissons par utiliser, sont l'œuvre de la nature qui, pour ce faire, a mis des décennies à piéger du carbone. Nos forêts possèdent donc de multiples vertus : elles contribuent fortement à la décarbonation de l'atmosphère tout en l'enrichissant en oxygène ; elles entraînent une pondération significative des excès climatiques grâce à leur grand potentiel d'évapotranspiration ; elles nous fournissent du bois, matière noble et renouvelable ; elles incarnent de grands espaces d'expression de la biodiversité, qui complètent tous les autres milieux de notre environnement naturel ou cultivé.

N'oublions jamais que tout cela ne peut exister, s'accomplir et durer qu'à la faveur du temps. Il a toujours fallu et il faudra toujours des décennies, voire des siècles, pour constituer des environnements forestiers dignes de ce nom. Alors, rappelons-nous que nous avons le devoir d'intégrer ce temps long dans notre manière d'aborder toute richesse naturelle. La vraie valeur découle avant tout du temps.

Grâce à ce texte sur le désengrillagement des forêts, nous faisons collectivement et fièrement un vrai pas en direction du respect de la nature. Puisse cette étape nous inspirer pour tous les autres défis que nous aurons à relever ensemble – je dis bien ensemble. L'avenir de notre beau pays et de son exceptionnel patrimoine naturel l'exige de nous, surtout si nous voulons inscrire la transition écologique au premier rang de nos priorités par respect pour nos concitoyens et les générations futures.

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