Intervention de Sabine Thillaye

Réunion du mercredi 18 janvier 2023 à 14h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabine Thillaye, rapporteure (Dem) :

Le second texte dont nous souhaitons vous entretenir est la révision de la directive de 2011 sur les retards de paiement, annoncée par la présidente de la Commission européenne dans son dernier discours sur l'État de l'Union. Nous travaillons en amont afin d'avoir la possibilité de nous exprimer sur le sujet.

L'enjeu est assez considérable. La défaillance d'un client du fait d'un retard de paiement peut entraîner la disparation d'un fournisseur, et, par un mécanisme de contagion, la déstabilisation d'une filière entière. La Commission européenne estime que seules 40% des entreprises sont payées dans les délais contractuels ou légaux, et que les retards de paiement sont à l'origine d'une faillite sur quatre parmi les PME européennes. La révision de la directive de 2011 devant être présentée cette année doit être l'occasion d'améliorer un cadre juridique défaillant.

D'abord, les entreprises créancières renoncent trop souvent à recourir aux règles protectrices de la directive de 2011 telles que la possibilité d'imposer des intérêts moratoires. Une entreprise privilégie en pratique le maintien de bonnes relations commerciales, même en cas de non-respect des délais de paiement. Ces délais sont fixés en principe à trente jours pour les administrations publiques et les entreprises. Le recours à la médiation, très active en France, pourrait aussi être encouragé dans l'Union européenne.

Ensuite, les paiements interentreprises peuvent dépasser le délai de 30 jours en cas d'accord entre les parties, sous réserve que cette dérogation ne constitue pas un « abus manifeste » de la part de l'entreprise débitrice. Or, l'abus de la liberté contractuelle est défini de manière imprécise dans la directive de 2011, qui créé une zone grise à l'origine de pratiques déloyales. Certaines grandes entreprises profitent de leur pouvoir de marché en fixant à 120 jours leurs délais de paiement. Un délai de paiement maximum pourrait ainsi être appliqué aux entreprises, à la manière des autorités publiques.

Enfin, nous déplorons le manque de données officielles sur les retards de paiement en Europe. La Commission a annoncé le lancement d'un observatoire à l'été 2023, à partir du projet pilote sur le secteur du bâtiment. Cet outil est indispensable pour mieux connaître et prévenir ces phénomènes préjudiciables aux entreprises, sur le modèle de l'observatoire des délais de paiement créé en France dès les années 1990.

En conclusion, deux critères importants devraient selon nous orienter les discussions à venir sur la révision. D'une part, la maîtrise des délais doit reposer non seulement sur les relations inter-entreprises, mais aussi sur l'exemplarité des pouvoirs publics lorsqu'ils sont débiteurs. D'autre part, le renforcement du cadre juridique ne doit pas faire peser une charge administrative disproportionnée sur les PME, par exemple si le reporting des comportements de paiements était demandé aux entreprises.

Nous vous tiendrons bien sûr informés de la suite de ces travaux que la Commission européenne ne fait qu'initier. C'est une manière d'attirer votre attention sur ce sujet important pour nos entreprises.

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