Intervention de François Braun

Réunion du mardi 5 juillet 2022 à 15h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

François Braun, ministre :

Vous me demandez si je réintégrerai les soignants non vaccinés. Je peux vous répondre simplement que ce n'est pas d'actualité, comme l'a rappelé le Président de la République, et que ce n'est pas l'objet de ce texte. Cela étant, j'ai beau avoir joué au rugby pendant dix ans, je n'ai pas pour habitude de botter en touche. Je m'attacherai donc à répondre le plus honnêtement possible à toutes les questions qui se poseront.

Plutôt que de commencer par les soignants non vaccinés, je préfère souligner la responsabilité et l'engagement de l'immense majorité des professionnels qui se sont fait vacciner. Cette vaccination relève d'une double responsabilité, individuelle et collective. On se fait vacciner pour soi, pour ses proches et sa famille, mais aussi pour protéger l'ensemble du système de santé. Ne pas se faire vacciner, c'est prendre le risque d'augmenter le nombre de malades, d'accroître la charge qui pèse sur notre système de santé, et de moins bien prendre en charge les patients, qu'ils souffrent de la covid-19 ou d'autre chose. Notre ministère prendra toutes les mesures nécessaires pour faire prendre conscience du caractère essentiel de cette responsabilité tant individuelle que collective. Cela étant, rappelons que selon la dernière enquête, la proportion d'agents suspendus est très faible, de l'ordre de 0,53 %. D'autre part, il reste possible de suspendre cette obligation par décret, après avis des autorités scientifiques, si la situation épidémique le permet.

J'en viens à la stratégie vaccinale. Sur les préconisations des autorités scientifiques, nous concentrons nos efforts sur les personnes les plus fragiles : celles âgées de plus de 60 ans, les personnes immunodéprimées et celles atteintes de pathologies chroniques. La HAS est du même avis. Bien entendu, cette décision pourra être révisée en fonction de l'évolution de la pandémie. Il n'est pas prévu de rouvrir les centres de vaccination pour le moment mais, s'il fallait élargir le public susceptible de recevoir une dose de rappel, la question serait posée.

Concernant le passe sanitaire, la septième vague n'est pas aussi virulente que la première. Cette pandémie aura au moins eu le mérite de nous enseigner qu'il faut rester humble et modeste face à l'évolution de ce virus et nous adapter aux données dont nous disposons. Selon un rapport de janvier du Conseil d'analyse économique, instance indépendante, l'instauration du passe sanitaire a permis d'éviter 4 000 décès et 32 000 hospitalisations. Compte tenu de la saturation de nos services, je n'ose imaginer dans quel état serait l'hôpital si cette mesure n'avait pas été prise. En outre, elle a permis de soutenir l'économie et d'éviter des dispositions plus restrictives et plus longues, dont les conséquences auraient été encore plus graves pour nos concitoyens.

L'adaptation est donc la règle. Nous devons vivre avec ce virus, ce qui ne signifie pas qu'il est immobile. Au contraire, il évolue sans cesse et nous devons être suffisamment réactifs.

Certaines questions étaient hors sujet mais j'y répondrai tout de même. Le Ségur de la santé était indispensable et des efforts sans précédents ont été consentis, par étapes : ce fut ainsi au tour des personnels médico-sociaux de bénéficier en début d'année d'une revalorisation de leur salaire. Personne n'a jamais dit, cependant, que le Ségur était suffisant et c'est pour cette raison qu'une conférence des parties prenantes a été lancée.

La fin de l'état d'urgence marque celle du passe vaccinal, qui ne sera plus exigible après le 31 juillet. Il en est de même pour toutes les mesures prises dans le même cadre.

En revanche, ce projet de loi tend à maintenir la possibilité d'exercer un contrôle sanitaire exceptionnel à nos frontières, dans des circonstances particulières. Que se serait-il passé si cette mesure n'avait pas existé lorsque le variant omicron a surgi en Afrique du Sud ? Loin de moi l'intention de stigmatiser l'outre-mer, comme a pu le craindre M. Gosselin. Au contraire, je veux le protéger. J'ai personnellement participé aux évacuations sanitaires des patients antillais. C'est un vrai pont aérien qui a été installé et c'est dans cet état d'esprit que je continuerai à travailler pour l'outre-mer. Je m'y rendrai d'ailleurs prochainement, pour témoigner de notre intérêt et pour honorer la mémoire d'un collègue, hélas disparu, qui s'est beaucoup investi dans la lutte contre la covid-19.

S'agissant des masques, faut-il passer par la recommandation, l'incitation, l'obligation ? La question mérite, en effet, d'être posée. Nous vivons depuis deux ans et demi avec le virus, et ce n'est pas fini. La HAS nous prédit de nouvelles vagues, mais on peut espérer que le virus, plus contagieux, sera moins dangereux. Nous pourrions aussi imposer des tests à la chaîne, en permanence. Nous pouvons surtout éduquer nos citoyens. Le titre de mon ministère ne vous aura pas échappé : santé et prévention. L'un de mes objectifs sera de transmettre cette culture de la prévention aux personnels hospitaliers qui sont en contact avec des personnes fragiles. Les soignants ont la responsabilité de porter le masque pour limiter la transmission de maladies, qu'il s'agisse de la covid-19 ou de la grippe. Ils doivent retrouver ce réflexe. C'est un geste citoyen qu'il faut adopter pour freiner la diffusion du virus, dont on craint toujours un nouveau variant plus dangereux.

Le tribunal administratif de Paris a reconnu l'État fautif, le 28 juin dernier, pour sa gestion des masques. Mais dans des décisions contraires, le tribunal administratif de Lyon a considéré que les conditions d'engagement de la responsabilité de l'État n'étaient pas réunies. Il faut l'entendre aussi. Toutes les options juridiques seront examinées pour démontrer devant les juridictions qu'aucune faute ne peut être imputée à l'État en l'espèce.

La robustesse du système de test a été mise en doute. C'est montrer peu de considération pour les professionnels qui continuent à se mobiliser tous les jours, week-end compris, jusqu'à tard le soir, pour tester nos concitoyens. Jusqu'à 12 millions de tests ont été réalisés en une semaine en janvier et je félicite les professionnels qui se sont mobilisés.

La stratégie du Gouvernement est claire. Il faut, tout d'abord, renforcer les gestes barrières, porter le masque dans les lieux surpeuplés, se laver les mains. Ces usages déjà un peu oubliés sont efficaces contre la covid-19, mais aussi contre les épidémies de bronchiolite ou de gastro-entérite. Nos concitoyens sont responsables et ils respecteront ces recommandations. Il faut ensuite vacciner les plus fragiles et, enfin, renforcer les traitements – l'antiviral Paxlovid et les anticorps monoclonaux.

Pour ce qui est des EHPAD, je reconnais que la situation est préoccupante. Seuls 50 % des personnes en EHPAD sont vaccinées, ce qui n'est pas normal. Le ministère a interpellé les directions des établissements et facilité la distribution de vaccins. Les ARS exercent un rétrocontrôle des déclarations de vaccination : les établissements qui n'ont pas déclaré de vaccinations devront s'en expliquer.

La covid-19 n'est pas la première zoonose à laquelle nous sommes confrontés, ni la dernière, et nous ne pourrons faire l'économie d'une réflexion sur la santé globale. Le Conseil scientifique sera remplacé par un comité de veille sur les risques sanitaires, dont la composition n'est pas encore arrêtée, mais qui devra intégrer les professionnels qui suivent cette problématique, en particulier les vétérinaires.

La date du 31 mars 2023 a été retenue car elle intervient après l'hiver, à une période où l'on peut raisonnablement penser, à la suite des scientifiques et de la HAS, que la vague hivernale sera redescendue. Mais avant ce répit, l'hiver sera sans doute marqué par une hausse des cas de grippe et de covid-19, dont les symptômes sont proches de ceux de la grippe mais qu'il faudra continuer à distinguer. Nous devons donc conserver la possibilité de dépister la résurgence d'un variant particulier jusqu'à la fin de l'épidémie de grippe.

Je dirai bien évidemment un mot de la crise des urgences, puisque je me suis vu confier une mission flash sur les urgences et soins non programmés. Le terme « flash » a été moqué, mais je le revendique car il était devenu impératif d'apporter des réponses pratiques et pragmatiques, non pas à la crise des urgences, mais à celle de l'hôpital et du système de santé dans son ensemble.

La crise des urgences n'est que la partie émergée de l'iceberg. Les urgences sont le point d'aboutissement de toutes les difficultés, en amont comme en aval. Imaginez deux plaques tectoniques qui s'affrontent : c'est l'éruption. Bien évidemment, nous ne résoudrons pas tout en trois mois. Nos recommandations avaient pour objectif de passer ce cap difficile et de limiter les dégâts. Elles s'inspirent de pratiques qui ont donné de bons résultats dans certains territoires. Ce n'est pas l'alpha et l'oméga, mais une boîte à outils dans laquelle chaque territoire pourra puiser. Avant la fin de la semaine, le cadre de ces mesures devrait être défini. C'est bien à l'échelle des territoires que les solutions doivent être trouvées, car les problèmes qui se posent dans l'est mosellan ne sont pas les mêmes que dans le pays basque.

Chacune de ces recommandations s'accompagne d'un objectif principal et d'indicateurs, qui seront suivis dès la semaine prochaine pour conduire l'évaluation sur ces trois mois. Si les recommandations sont efficaces, nous pourrons en rediscuter, sinon nous devrons y mettre un terme.

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