Intervention de Hubert Ott

Séance en hémicycle du mardi 31 janvier 2023 à 15h00
Fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d'emballages ménagers et des producteurs de papier — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHubert Ott :

La proposition de loi de notre collègue Denis Masséglia vise deux objectifs : d'une part, fusionner les filières de recyclage dites REP du papier graphique et des emballages ménagers ; d'autre part, maintenir la possibilité pour la presse de payer en nature l'écocontribution, au moyen d'encarts publicitaires à vocation élargie à la transition écologique dans son ensemble.

Le système de la responsabilité élargie des producteurs, créé en 1992 pour organiser le recyclage et financer les entreprises du secteur, concrétise le principe du pollueur-payeur. Faire fusionner la filière du papier graphique et celle des emballages ménagers présente un avantage certain. En effet, selon l'Agence de la transition écologique (Ademe), la quantité de déchets traités continue d'augmenter, entraînant la hausse des contributions perçues par les recycleurs. Parallèlement, l'usage du papier décline, induisant naturellement une baisse continue de la quantité de papier à recycler. Il paraît donc logique d'intégrer la filière du papier, désormais modeste, à la filière plus significative des emballages ménagers. Ce changement simplifiera la vie des Français, qui pourront jeter les déchets en question dans une seule poubelle au lieu de deux, et rationalisera le travail des collectivités territoriales, qui n'organiseront plus qu'une seule collecte. Cette fusion n'entraînera aucun changement en ce qui concerne la quantité de déchets, leur taux de recyclage ou leur taux d'acquittement.

Sachant que le gisement de papier à recycler continuera à décliner, l'existence même d'une REP dédiée au papier est menacée à long terme. Elle a donc tout intérêt à s'intégrer à une filière dynamique recyclant des matières similaires et ayant atteint la masse critique de rentabilité – pour rappel, la quantité de déchets papier est dix fois inférieure à celle des emballages ménagers. Ainsi, la participation financière des producteurs d'emballages pourra contribuer à la préservation de la filière de recyclage du papier graphique. En effet, nous ne devons pas laisser dévaloriser le papier noble, blanc, celui des livres, des cahiers et des journaux, par son recyclage sous forme de carton ; nous devons le maintenir dans le cycle de recyclage du papier de qualité. Dans ce secteur comme dans bien d'autres, gardons à l'esprit l'importance de privilégier la production française. Comment pourrait-il en être autrement au pays de La Fontaine, Zola ou Hugo, dès lors qu'il s'agit du papier, le support noble et historique de la culture écrite française ?

Rappelons-nous l'objectif de circularité de la loi Agec, visant le réemploi et la réduction des déchets. Tant que la production de déchets ménagers ne décroîtra pas comme décroît la production de papier, nous pourrons légitimement attendre de la filière globale qu'elle préserve celle du papier.

La presse, grâce au support papier, demeure, dans toute sa diversité, le vecteur essentiel de notre vitalité démocratique. Sa pérennité et son indépendance sont les piliers de la liberté d'expression. Ainsi, selon une étude parue le 24 janvier dans le journal La Croix, l'information publiée dans la presse papier reste perçue comme la mieux traitée, la plus rigoureuse, donc la plus imperméable aux fausses informations.

Aussi devons-nous nous garder d'oublier que cette presse indépendante, essentielle au débat public, qui agit au service du libre arbitre de chaque citoyen, est menacée. La chute constante des tirages et la réduction des personnels des rédactions nous obligent à prendre des mesures adaptées : faire peser sur la presse une nouvelle taxe mettrait en danger son fragile équilibre économique. En outre, le mouvement actuel de concentration conduit à l'acquisition des publications en difficulté par des groupes spécialisés dans d'autres secteurs d'activité. Cette tendance n'est pas de nature à renforcer l'indépendance des lignes éditoriales, bien au contraire. Ainsi, il paraît bien normal que ces bienfaiteurs qui considèrent la presse comme un actif dans leur portfolio contribuent effectivement au financement de l'innovation dans le secteur, et plus largement à la filière de recyclage. Après tout, comme l'a bien montré Le Monde diplomatique, il n'existe guère qu'une poignée de patrons de presse, ce qui laisse peu de place à des groupes dédiés purement à la presse. Après Canal+, verra-t-on l'acquisition par Bolloré du journal L'Humanité ?

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