Intervention de Cédric Lewandowski

Réunion du jeudi 19 janvier 2023 à 17h00
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Cédric Lewandowski, Directeur Exécutif Groupe EDF en charge de la Direction du Parc Nucléaire et Thermique :

Une de vos questions porte sur l'indisponibilité du parc et sur un lien avec une politique de maintenance qui aurait été racornie du fait d'une ambiance générale qui menait à un retrait du nucléaire : j'y réponds par la négative. À aucun moment le groupe EDF n'a relâché ses efforts sur le parc existant. D'ailleurs, les Français ne comprendraient pas que nous puissions afficher une posture strictement politique vis-à-vis d'outils aussi puissants que des réacteurs nucléaires. En effet, notre posture est d'abord technique, scientifique et industrielle et rien n'a jamais été abandonné dans la politique de maintenance. Toutefois, nous avons été confrontés à la corrosion sous contrainte en 2022, qui s'ajoutait au programme du grand carénage. Nous nous sommes donc posé des questions sur la puissance qui serait véritablement disponible. RTE nous a demandé de fournir entre 38 et 40 gigawatts au mois de décembre : nous avons consenti d'importants efforts, et nous pouvons remercier nos salariés, car nous sommes parvenus à délivrer la puissance demandée. Ensuite, RTE a demandé de fournir 45 gigawatts de puissance disponible au mois de janvier et nous avons rempli cette mission.

Les sujets des ressources humaines et de relance sont effectivement primordiaux et j'ai mis l'internalisation au cœur de mon mandat. Il nous revient de réinternaliser un certain nombre d'activités afin d'être moins dépendants vis-à-vis de fournisseurs, même si nous ne remettons pas en cause la sous-traitance et la filière. Nous avons, à ce jour, perdu des capacités, même de surveillance, d'un outil de travail sur lequel nous n'avons plus assez de prises. Nous avons, par conséquent, lancé un programme, qui sera déployé dès cette année, visant à reprendre la main sur les ouvertures et les fermetures de cuves. Nous prévoyons également de réunir à nouveau en interne certaines compétences en termes de soudage. J'ai aussi demandé à chaque directeur de centrale d'adresser des propositions de réinternalisation d'activités. Concrètement, nous cherchons un juste équilibre entre l'internalisation et la sous-traitance.

Vous évoquez également la possibilité de récupérer éventuellement des moyens financiers pour le parc actuel en nous montrant moins conquérants. Cependant, la question ne se pose pas de cette manière. En effet, nous avons heureusement noué des contrats à l'international qui nous permettent de faire vivre notre ingénierie et notre capacité à faire redémarrer notre propre filière. Les Anglais mènent d'importants projets, de même que l'Inde et l'Europe qui, depuis deux ans, pense à nouveau au nucléaire. Cette dynamique est tout à fait essentielle pour la filière et pour notre corps d'ingénierie. Je crois effectivement à l'export dans le domaine nucléaire, car il nous permet de conserver les forces dont nous aurons besoin pour mener à bien le programme de Belfort.

Par ailleurs, les sujets d'endettement du groupe excèdent mon domaine de responsabilité et Jean-Bernard Lévy vous a déjà exposé des éléments relatifs à l'ARENH. Effectivement, celui-ci contribue aux difficultés que nous rencontrons, car ce prix de 42 euros a été conçu plus de dix auparavant et son montant n'a pas fait l'objet de revoyure. La CRE a d'ailleurs estimé qu'il n'était pas dimensionné au coût économique réel de production.

Luc Rémont est effectivement notre nouveau PDG et il a reçu une lettre de la Première ministre, qui lui demande entre autres d'élaborer une feuille de route de son projet pour EDF. Il n'est donc aucunement question d'un projet de restructuration, mais de l'adaptation d'EDF aux enjeux majeurs à venir.

En outre, six réacteurs aux États-Unis ont effectivement obtenu une licence d'exploitation jusqu'à 80 ans alors qu'ils présentent des technologies à peu près similaires aux nôtres. Il existe aujourd'hui un consensus scientifique, technique et économique sur le fait que notre parc est adapté pour fonctionner jusqu'à 60 et la question du passage à 80 ans induit de mener des travaux d'étude, que nous avons déjà engagés, notamment avec l' Electric Power Research Institute (EPRI), l'homologue américain du CEA.

Enfin, j'ai été extrêmement frappé par le fait que l'ensemble de nos salariés ait tenu à venir travailler jusqu'au 22 février 2020 à Fessenheim, alors même que nous nous interrogions sur la dangerosité du COVID-19, ce qui prouve l'implication de ceux-ci dans le service public et l'intérêt général. Nous avons ensuite engagé le prédémantèlement et, actuellement, nous ne travaillons pas à la relance de cette centrale. Toutefois, nous estimons qu'outre le travail réglementaire à remettre en œuvre, il faudrait entre sept et dix ans pour reconstruire Fessenheim, car nous n'avions pas engagé les travaux post-Fukushima, de même que les études sur les effluents ainsi que sur la prolongation. Nous nous sommes par ailleurs engagés à faire du démantèlement de Fessenheim un démantèlement exemplaire, à la fois en termes financiers, de délais, de sécurité et de sûreté.

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