Intervention de Jean-François Ricard

Réunion du mercredi 1er février 2023 à 14h30
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements au sein de l'administration pénitentiaire et de l'appareil judiciaire ayant conduit à l'assassinat d'un détenu le 2 mars 2022 à la maison centrale d'arles

Jean-François Ricard, procureur de la République antiterroriste :

Je tiens à préciser de nouveau que l'affectation en QER de M. Elong Abé n'était pas impossible parce qu'il était dangereux. Celle-ci était inopportune, à l'été 2019, parce qu'à cette époque il était en pleine instabilité. La session QER aurait été dynamitée par l'intéressé. Je ne vois pas pour quelle raison nous aurions pu nous opposer à son affectation en QER dès lors que l'individu aurait été mieux stabilisé par la suite. Je n'ai aucun moyen de prédire quoi que ce soit sur l'avenir des sortants de prison. Je vous ai fourni des chiffres, qui sont évidemment alarmants. Nous avons un certain nombre de mesures à notre disposition, qui peuvent être prononcées ab initio. Le suivi socio-judiciaire n'était que très peu utilisé jusqu'à présent car il n'était pas applicable aux personnes condamnées du chef d'association de malfaiteurs terroriste antérieurement à l'été 2016. Ce n'est que depuis environ un an que nous commençons à l'appliquer beaucoup plus massivement. Les autres mesures concernent principalement la surveillance judiciaire. Sans évoquer les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (Micas), toute une série de mesures est applicable, avec leurs limites, d'autant plus qu'un certain nombre de ces individus ont une pratique extrêmement poussée de la dissimulation. Oui, le danger est tout à fait sérieux ; et oui, nous disposons de moyens limités dans le cadre législatif actuel. Un texte avait été adopté par l'Assemblée nationale. Il a été retoqué par le Conseil constitutionnel. La dernière mesure entrée en vigueur a un peu tardé à pouvoir être utilisée dès lors que les décrets d'application ont mis du temps à être publiés. On commence à la mettre en œuvre, mais elle est extrêmement lourde et demande deux ans de préparation.

En ce qui concerne les DPS, les chiffres sont connus. Au 25 juillet 2022, 235 détenus étaient inscrits au registre DPS, dont 54 – près de 23 % – pour terrorisme. Les critères DPS ont évolué. Jusqu'en 2022, cinq critères étaient dénombrés – depuis, il y en a six –, notamment l'appartenance à la mouvance terroriste et, surtout, le risque d'évasion.

En ce qui concerne les exemples de DPS, la position du parquet antiterroriste est connue – je l'assume totalement – et applicable à toute une série d'autres cas. Par exemple, avant que le PNAT n'existe, Jean-Marc Rouillan, condamné pour complicité dans l'assassinat de Georges Besse, a été inscrit au répertoire des DPS pendant plus de vingt ans. C'est quelque chose d'assez courant pour des individus condamnés pour fait de terrorisme en matière d'assassinat. M. Elong Abé avait été inscrit au registre DPS le 10 novembre 2015. Dans le cas d'Yvan Colonna, vous connaissez la décision du Conseil d'État du 29 janvier 2018. Cet arrêt est extrêmement motivé sur le fond et explique pourquoi cette inscription est juridiquement et factuellement fondée. Je ne lirai pas le dernier avis émis par le parquet en la matière. Je comprends qu'on puisse être en profond désaccord avec cet avis, mais celui-ci s'inscrit dans une politique parfaitement cohérente et qui n'est en rien applicable uniquement aux personnes poursuivies en matière de terrorisme corse. Je vous rappelle que les positions que nous avons prises ont été extrêmement utiles puisque le nombre des condamnés en matière de terrorisme corse est aujourd'hui infime. Le terrorisme auquel nous avons affaire chaque jour est un terrorisme de masse, avec des centaines d'individus ayant des engagements extrêmement forts. C'est celui-là qui, comme vous d'ailleurs, nous préoccupe quotidiennement.

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