Intervention de Gabriel Attal

Réunion du jeudi 7 juillet 2022 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Gabriel Attal, ministre délégué :

Les recettes fiscales nettes ont en effet connu une augmentation considérable, de 37,9 milliards d'euros par rapport à la prévision initiale. Pour décomposer, les recettes de l'impôt sur les sociétés dépassent les prévisions de 15,3 milliards d'euros, celles de la taxe sur la valeur ajoutée de 10 milliards d'euros et celles de l'impôt sur le revenu de 5,4 milliards d'euros. Ces chiffres traduisent la meilleure santé de nos entreprises, la vigueur de la consommation des ménages et le dynamisme de la masse salariale. Ils ne sont pas une conséquence de l'inflation, qui n'a démarré qu'à la fin de l'année dernière, mais de la reprise économique très forte. L'inflation pèse sur le déficit de l'État puisqu'elle conduit à augmenter les dépenses alors que la croissance recule. Les mesures que nous vous présenterons ce soir, lors de l'examen du PLFR pour 2022, pour revaloriser un large périmètre de prestations sociales en témoignent.

En ce qui concerne le plan de relance, il est utile de rappeler les objectifs macroéconomiques de court terme que nous nous étions fixés au moment de son lancement, le 3 septembre 2020. La croissance du PIB était initialement estimée à 5 % pour 2021. Elle a finalement atteint presque 7 % selon l'INSEE. Notre premier objectif était de retrouver notre niveau économique d'avant-crise mi-2022 ; il a en fait été atteint au troisième trimestre 2021, plus tôt donc, et plus tôt aussi que nos voisins. Nous voulions également faire baisser dès 2021 le niveau du chômage ; or l'emploi salarié en France a dépassé son niveau d'avant-crise dès le deuxième trimestre 2021. Le déficit public est assez proche de 7 %, soit un point de moins que prévu, tandis que près d'un million d'entreprises ont été créées en 2021. En matière de compétitivité et d'attractivité, la France est restée en 2020 au premier rang européen des pays attractifs pour les investissements étrangers. Ces résultats ont été salués par le comité d'évaluation du plan France relance, organe indépendant présidé en 2021 par Benoît Cœuré, par le Fonds monétaire international, par l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) ou encore par des observateurs indépendants comme le prix Nobel d'économie Paul Krugman, qui a salué l'efficacité de la réponse française à la crise et qui a placé la France parmi les pays bénéficiant du plus fort rebond.

Au premier trimestre, l'emploi salarié a dépassé de 2 points son niveau d'avant-crise. Nous sommes sortis plus vite de la crise que nos voisins : l'Italie ou l'Allemagne en sont restées à un point. Sur le plan macroéconomique, la France atteint le plus haut niveau d'emploi salarié de son histoire – 26 millions de contrats de travail en cours. C'est le fruit des réformes que nous avons engagées. La qualité de l'emploi ne peut être remise en cause puisque la part des contrats durables, des CDI, dans l'emploi salarié a progressé ces dernières années pour dépasser 51 %. Bien entendu, ce bilan positif ne nous exonère pas de poursuivre nos efforts.

S'agissant des niches fiscales, nous avons engagé au cours du précédent quinquennat un important travail d'évaluation et de bornage, supprimé une soixantaine de dépenses fiscales inefficientes et conduit quelques grands chantiers comme la refonte du dispositif Pinel. Nous avons amélioré la documentation budgétaire, comme l'illustre le budget vert. Et il ne suffit pas de multiplier les obligations déclaratives pour le plaisir d'afficher un chiffre : ce serait contraire à nos objectifs de simplification. C'est d'une vraie évaluation qualitative des dispositifs dont nous avons besoin. Nous en débattrons lors de l'examen de la prochaine loi de programmation des finances publiques, qui sera l'occasion de proposer des principes de bonne gestion des dépenses fiscales et d'évaluation. Nous avons vraiment la volonté de faire le tri dans nos dépenses fiscales selon une approche critique, constructive et efficace.

L'écart qui existe entre le déficit constaté et nos prévisions pour 2021 s'observe dans beaucoup de pays, tout particulièrement chez nos voisins ou dans les pays comparables. En France, il s'établit à 6,4 % du PIB en 2021, contre 8,2 % prévus par la deuxième loi de finances rectificative (LFR2) pour 2021. Deux effets cumulés, l'augmentation de la croissance, qui a été de 6,8 % du PIB contre 6,25 % prévus en LFR2, et la bonne résistance des prélèvements obligatoires, expliquent ces 37 milliards d'euros de recettes fiscales nettes supérieures aux prévisions. En outre, les dépenses publiques ont été moins dynamiques que prévu, ce qui a amélioré le solde public. De tels écarts dus à une amélioration de la situation ont été constatés dans toute la zone euro.

S'agissant de l'évolution des dépenses, l'exécution des crédits de la mission Plan d'urgence face à la crise sanitaire s'est élevée à 34,4 milliards d'euros en 2021, après 41,8 milliards en 2020. Les principales autres dépenses supplémentaires concernent la charge de la dette – + 2 milliards – et l'indemnité d'inflation – + 3,3 milliards, dont une partie est dépensée sur 2022.

S'agissant du déficit structurel, vous constatez un écart avec le bilan dressé par la Cour des comptes. Il s'explique par le fait que la présentation et l'exécution en projet de loi de règlement se comparent sur la base des hypothèses propres à la loi de programmation des finances publiques, alors que la Cour des comptes opère des recompositions sur la base d'hypothèses actualisées. Ce ne sont donc pas toujours les mêmes périmètres qui sont comparés.

Le Gouvernement a actualisé sa prévision de PIB potentiel dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2021, puis dans le PLF pour 2022, pour tenir compte des effets de la crise. Certaines dépenses engagées en 2020 pour faire face aux effets de la crise sanitaire et soutenir l'activité économique, considérées alors comme temporaires, ont en outre été qualifiées en 2021 de dépenses structurelles. Cela ne signifie pas qu'elles deviendront pérennes mais, par souci de sincérité budgétaire, nous devons prendre acte que les dépenses de soutien à un secteur économique durablement et lourdement fragilisé ont vocation, même si elles sont déjà en baisse, à durer encore un peu – je pense au fonds de solidarité pour les entreprises ou à l'activité partielle. La loi de finances pour 2023 et la loi de programmation des finances publiques nous permettront d'y voir plus clair.

Les reports de crédits ont atteint un volume exceptionnel en 2021. D'une manière générale, l'année 2017 a marqué le point de départ d'une baisse du niveau des reports. Nous avons atteint en 2019 le plus faible niveau de reports généraux enregistrés depuis l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Du fait de la crise économique et des incertitudes qui en découlaient, nous n'avons malheureusement pas pu confirmer cette tendance en 2021 et 2022. Dans un contexte en permanente évolution, il est impossible de réaliser des prévisions budgétaires aussi fiables : il faut s'ajuster ensuite grâce aux reports.

Les reports ont notamment concerné la mission Économie, pour 2,3 milliards d'euros. Il a fallu financer des dispositifs prioritaires du plan de relance qui se déploient sur deux ans et, par conséquent, reporter des crédits ouverts pour 2021 en 2022 – dont le dispositif sur les repreneurs ou le programme 367 Financement des opérations patrimoniales envisagées en 2021 et en 2022 sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ». La mission Sport, jeunesse et vie associative est concernée pour 0,2 milliard d'euros, pour le financement de la compensation des pertes en billetterie essuyées par les clubs professionnels et du dispositif Pass'Sport. La mission Travail et emploi présente aussi un décalage dans le calendrier du versement des fonds du plan d'investissement dans les compétences ou le décaissement de certains dispositifs du plan de relance.

Pour ce qui est des annulations de crédits, je le répète, nous avons beau nous appliquer à établir les prévisions les plus sincères possibles, le contexte de la crise sanitaire rend l'exercice difficile. Les annulations opérées par la présente loi de règlement sont importantes, mais l'ordre de grandeur reste dans la lignée des deux années précédentes. D'une manière générale, soit les annulations résultent d'un besoin constaté inférieur aux prévisions, soit elles sont d'ordre technique, les crédits étant devenus sans objet. Elles concernent pour l'essentiel des crédits du titre 2. Ainsi, la sous-consommation du compte d'affectation spéciale Pensions n'a pas vocation à être rattrapée l'année suivante.

Enfin, l'évolution du nombre de prêts garantis par l'État au cours du deuxième semestre de l'année 2021 traduit une meilleure santé économique des entreprises. La hausse des remboursements anticipés et la baisse du nombre de défaut d'entreprises réduisent le taux de sinistralité en 2021. Nous actualiserons dans les prochains textes, eu égard au contexte économique que nous connaissons désormais, les prévisions de sinistralité et les impacts budgétaires qui en découlent.

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