Intervention de Agnès Carel

Réunion du mercredi 15 février 2023 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAgnès Carel :

Lorsqu'un parent ou un proche offre un smartphone à un enfant, il ne mesure pas vraiment les dangers auxquels il l'expose, notamment en ce qui concerne les réseaux sociaux. Selon la Cnil, la première inscription sur un réseau se situe autour de 8 ans et demi et plus de la moitié des 10-14 ans sont déjà inscrits. Pourtant, ces canaux dits de divertissement et de création de liens ne sont pas inoffensifs. Ils sont responsables de nombreux troubles et produisent des conséquences pouvant devenir dramatiques.

L'addiction constitue l'un des principaux dangers qui guette les enfants quand ils sont surexposés, ce qui est souvent le cas. En découvrant les réseaux sociaux, l'enfant risque d'avoir accès à des contenus inappropriés pour son âge, ainsi qu'à des contenus mensongers ou trompeurs. Le jeune se retrouve seul devant son écran et visionne des images qui peuvent être violentes ou pornographiques, qui peuvent promouvoir l'usage de drogues ou de certaines dérives.

Malgré la politique que ces réseaux prétendent appliquer pour protéger la sensibilité de leurs utilisateurs, l'exposition à des contenus inadaptés reste bien réelle et permanente. Ainsi, l'algorithme de recommandation peut entraîner un jeune qui regarde un simple match de foot vers des images d'un match de boxe, d'un match de rue ou de bagarres, d'accidents de rue, de violences urbaines ou de meurtres.

De plus, les enfants peuvent entrer en contact avec des individus malveillants, voire avec de véritables prédateurs. Pour rester dans l'anonymat et contacter de jeunes mineurs, ces personnes ont recours à des stratégies variées comme l'usurpation d'identité. Les conséquences de ces rencontres peuvent virer au cauchemar.

Les réseaux sociaux peuvent aussi ouvrir la porte au cyberharcèlement, dont il résulte des blessures indélébiles menant parfois à des drames.

Souvent, les jeunes méconnaissent et comprennent mal les arborescences de ces réseaux. Ils ne mesurent donc pas le caractère intemporel de leurs publications, qui reviendront tôt ou tard les hanter, comme de véritables boomerangs. Dans leur vie amicale et affective, la notion de temporalité n'est pas non plus très présente. Ils pensent communiquer en vase clos avec leurs amis mais en tant qu'adultes, nous savons que les amis d'aujourd'hui peuvent devenir les ennemis de demain. Les photos partagées comme les nude pourront quitter le cercle intime et le piège se refermera sur eux, les entraînant dans la spirale infernale du manque confiance en soi. Si les notions de vie privée et d'intimité restent floues à leur âge, les conséquences de cette porosité sont difficiles à quantifier.

Les méfaits des réseaux sociaux ne sont pas toujours connus des parents, qui publient trop souvent des photos et des vidéos de leurs enfants, les exposant à la récupération des clichés par des individus malveillants ou des influenceurs, dans un but lucratif. Le contrôle parental constitue la pierre angulaire de la protection des jeunes mais les parents ne sont pas toujours conscients des dangers. Les enfants n'ayant ni la maturité ni le discernement nécessaires, il est urgent de reconsidérer l'âge auquel ils peuvent accéder aux réseaux sociaux.

Aujourd'hui, cet âge est fixé à 13 ans mais cette règle reste symbolique puisqu'en 2022, 62 % des moins de 13 ans possédaient un compte sur au moins un réseau. La loi informatique et libertés a déjà réhaussé la majorité numérique à 15 ans et la présente PPL, que défend le groupe Horizons, prévoit d'étendre cette majorité aux réseaux sociaux.

Cette PPL s'inscrit aussi dans une dynamique de responsabilisation des plateformes. Elle renvoie la question des procédés à développer pour assurer le respect de l'âge plancher à un décret du Conseil d'État. Par ailleurs, le texte vise à demander au Gouvernement la remise d'un rapport sur les conséquences de l'utilisation des réseaux sociaux sur le bien-être et la santé mentale des jeunes, les données demeurant très insuffisantes en la matière.

L'enfant doit être au centre de nos considérations et rester notre seule boussole. Il est donc urgent de prendre ce problème à bras-le-corps et je remercie Laurent Marcangeli d'avoir pris cette initiative, soutenue par l'ensemble de notre groupe.

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