Intervention de Laurent Marcangeli

Réunion du mercredi 15 février 2023 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Marcangeli, rapporteur :

Je commencerai par mentionner que Le Parisien évoque aujourd'hui la question de la chirurgie esthétique chez les jeunes, venant ajouter un nouvel article aux nombreux qui sont déjà parus récemment en la matière. Nous sommes confrontés ici à un sujet de société majeur, à un sujet politique, au sens étymologique du terme.

Il ne s'agit pas pour autant de tout révolutionner : cette PPL représente une petite brique, posée avec humilité dans le cadre d'une niche parlementaire. Elle ne pourra pas embrasser l'ensemble des sujets concernés. À cet égard, certains m'ont demandé pourquoi nous avions décidé de resserrer le champ du texte sur les réseaux sociaux. Nous avons fait un choix délibéré, les réseaux sociaux occupant une place prépondérante dans notre société, même si d'autres espaces jouent aussi un rôle important comme les forums, le jeu en ligne ou la pornographie, au sujet de laquelle une loi a été votée récemment.

Il serait mal venu pour les responsables politiques que nous sommes de cracher sur les possibilités offertes par les réseaux sociaux que nous utilisons fréquemment. En revanche, tous les acteurs doivent être placés devant leurs responsabilités.

La première responsabilité incombe aux pouvoirs publics, qui doivent se donner les moyens de pouvoir encadrer les choses. Vous avez cité Gaspard Koenig, que j'ai rencontré dans le cadre de la phase de réflexion ayant précédé la rédaction du texte. Cet homme libéral, au sens premier du terme, avait écrit dans une note publiée sur son blog qu'il fallait interdire les réseaux sociaux aux mineurs. Il allait donc au-delà de ce que je propose. Quand je l'ai rencontré, je lui avais demandé comment un homme aussi libéral pouvait prôner ce type de mesures, ce à quoi il avait répondu qu'être libéral nécessitait aussi de fixer des règles. En effet, il ne saurait y avoir de libertés sans qu'elles soient encadrées. Notre problème consiste précisément à définir ces limites de façon juste et le curseur est difficile à placer.

Nombre d'entre vous se sont posé la question de l'âge et j'aurai l'occasion de répondre en détails lorsque nous débattrons des amendements. Cependant, je voudrais déjà rappeler que nous ne sommes pas tenus par des règlements étrangers mais qu'un certain nombre d'éléments règlementaires et légaux, appartenant notamment à la nomenclature internationale, nous font pencher vers le choix de l'âge ici proposé.

J'ai également entendu vos interrogations légitimes quant à la faisabilité technique du contrôle. Je ne pense pas qu'il soit du ressort du législateur d'inclure une recette miracle dans le texte. En effet, la loi ne sera pas infaillible et des techniques permettent de contourner les procédés existants. Par ailleurs, des réflexions sont en cours en la matière. Dans le cas de l'accès à la pornographie, par exemple, l'adoption de la loi de 2020 a été suivie d'évolutions rapides. Pour assurer la faisabilité technique des mesures prévues par la PPL, je souhaite m'abriter derrière des organismes existants, en lesquels nous sommes censés avoir confiance : l'Arcom et la Cnil. Ensuite, un décret du Conseil État viendra préciser les choses.

J'en viens à la question importante des fournisseurs d'accès, que je n'ai pas mentionnée dans mon propos introductif. Qu'il s'agisse d'un abonnement téléphonique ou d'un abonnement internet, il faut être majeur pour avoir la possibilité de signer un contrat. Les mineurs doivent donc être représentés, ce qui est important. Par ailleurs, nous devons nous poser la question de la responsabilité de nos quatre fournisseurs d'accès, qui joueront un rôle prépondérant dans la régulation.

Je voudrais enfin rappeler quelques éléments. D'abord, il ne s'agit pas de tenir un discours moralisateur sur la question.

Ensuite, je veux remettre les parents au cœur du dispositif et le débat suscité par cette PPL a vocation à interpeller les consciences. On ne peut rester inactif alors que chaque semaine, chaque mois, des faits divers nous rappellent l'importance de ce sujet de société.

Par ailleurs, je ne souhaite pas déclarer la guerre aux opérateurs mais les placers devant leurs responsabilités. Ces opérateurs économiques tirent un bénéfice du service qu'ils produisent et doivent assurer une protection minimale à celles et ceux qui y ont recours. Les sanctions prévues en cas de manquement doivent être justes et proportionnées, ce dont nous débattrons lors de l'examen des amendements.

Enfin, je voudrais rappeler le caractère essentiel de notre culture scientifique en la matière, qui est encore défaillante. Une première génération de jeunes adultes, qui sont déjà parents parfois, a grandi avec les réseaux sociaux. Or j'ignore l'influence que ces réseaux exercent sur leur vie quotidienne. Nous serons encore confrontés à des évolutions technologiques majeures et les réseaux tels que nous les connaissons seront bientôt complètement dépassés ; il faudra encore s'armer de nouveaux outils.

Cette loi constitue un premier pas, une brique qui composera un édifice plus large, qu'il s'agit de construire aux niveaux national, européen et mondial, puisque internet ne connait pas de frontières. Plutôt que de laisser les opérateurs et le monde très vaste d'internet créer leurs propres lois et vivre selon leurs propres usages, nous avons la responsabilité de nous interroger, de débattre et de proposer des solutions, même de façon modeste.

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