Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du mardi 7 mars 2023 à 15h00
Garantir le respect du droit à l'image des enfants — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

La vengeance est un plat qui se mange chaud, apparemment ! En effet, c'est évidemment la présence au sein de notre assemblée d'un député condamné pour violences conjugales qui a motivé votre précipitation à déposer cette proposition de loi. Soyons clairs, le statut d'élu ne doit s'accompagner d'aucun privilège, d'aucun passe-droit. Le devoir d'exemplarité existe et mérite d'être rappelé. Mais votre projet de loi ressemble beaucoup trop à un texte de circonstance, d'opportunité, un texte d'émotion et, pire, de règlement de comptes.

Personne ici ne cautionne les actes que vous visez, bien évidemment, et nous ne devrions même pas avoir à le rappeler. Mais les violences faites aux femmes sont un sujet trop important pour que l'on en fasse un objet bassement politicien. Je m'y refuse. Personne ne peut me suspecter de sympathie particulière à l'égard de celui que vous visez au travers de votre texte, mais j'ai déjà eu l'occasion de le dire dans cet hémicycle : je déteste les lynchages, les chasses en meute et l'injustice.

Dans le passé, certains députés ont été poursuivis et condamnés pour des faits certainement aussi graves. Vous n'avez pas jugé bon, alors, de tirer de ces faits des textes de loi. Certains ont donné des coups de casque ; d'autres ont avoué avoir dealé de la drogue ; d'autres encore, y compris très récemment, en avoir consommé. Où sont vos propositions de loi ? Je ne les réclame pas, tant je les trouve dictées par l'émotion, presque toujours contre-productives et souvent adoptées sans aucun recul. En l'occurrence, je trouve injuste de poursuivre de votre vindicte un individu qui n'a simplement pas la même couleur politique que vous.

Je m'interroge donc sur le caractère et l'intérêt symbolique de cette proposition de loi. Les Français ne sont pas dupes. Ils savent faire la différence entre la politique d'affichage, pour ne pas dire de racolage, et celle de fond, celle qui s'attache à traiter en profondeur leurs problèmes. Le sondage du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof) de 2022 a confirmé cette tendance, puisque 75 % des Français se disaient déjà très méfiants à l'égard de responsables politiques trop déconnectés du réel et trop soucieux de leurs propres intérêts.

Les violences faites aux femmes ne sont ni tolérables ni acceptables. En 2022, 9 % des femmes se disaient encore victimes de violences conjugales physiques ou sexuelles, et 11 % d'injures, d'insultes ou de dénigrement de la part de leur conjoint. Ces actes et ces paroles doivent être combattus dans l'hémicycle comme à l'extérieur, mais ils doivent l'être avec efficacité – une qualité que ne revêt malheureusement pas cette proposition de loi. Celle-ci ne fait que créer une peine complémentaire obligatoire, qui n'aura en réalité aucun caractère dissuasif.

L'exigence de transparence dans la vie publique et de probité des élus est naturellement, je le redis, un enjeu majeur pour renforcer la confiance des citoyens en leurs représentants. Lorsqu'un élu manque à son devoir d'exemplarité, c'est la démocratie qui est fragilisée. Mais prenons garde, à force de mesurettes de circonstance, à ne pas fragiliser plus encore le contrat social qui lie les citoyens et l'État. Certes, en condamnant les auteurs d'actes de violence à une peine d'inéligibilité, l'État enverrait un signal fort quant à sa détermination à lutter contre les violences conjugales. Mais prenons garde à respecter un principe cardinal de notre droit, celui de la proportionnalité des peines. En l'état actuel de notre droit, seuls les délits les plus graves induisent une peine d'inéligibilité obligatoire – j'insiste sur le terme « obligatoire ». Ne serait-il pas opportun, pour continuer d'obéir au principe de proportionnalité, de laisser au juge le soin d'apprécier l'opportunité de la peine ?

Et que dire de votre incohérence à vouloir que soit prononcée une peine obligatoire d'inéligibilité – alors qu'elle est aujourd'hui facultative, je le répète – à l'encontre de l'auteur de violences aggravées, même primo-délinquant, alors que, pas plus tard que jeudi dernier, vous avez refusé – vous associant ainsi à l'extrême gauche – de voter une peine minimale en cas d'agression, en récidive, de nos forces de sécurité ou d'une personne dépositaire d'une mission de service public ? Cherchez l'erreur !

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