Intervention de Marie-Noëlle Battistel

Séance en hémicycle du lundi 13 mars 2023 à 16h00
Accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires et fonctionnement des installations existantes — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Noëlle Battistel :

En tout état de cause, il est impératif de maintenir une organisation assurant la séparation des missions d'expertise et de décision, indispensable à l'indépendance de la première. Seule la science doit fonder l'expertise. Il appartient ensuite au régulateur d'équilibrer ces prescriptions avec les contraintes économiques, industrielles et budgétaires lorsqu'il rend ses décisions. L'organisation duale de l'ASN et de l'IRSN apporte cette assurance, comme c'est le cas dans le domaine de la santé avec l'Anses – l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail – et l'Inrae – Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement –, qui ont signé le 3 mars une nouvelle convention quinquennale de collaboration. Cela prouve que les synergies que vous souhaitez entre l'ASN et l'IRSN sont possibles sans fusion.

Il est également essentiel pour la bonne information du public que les avis de l'expertise restent publiés indépendamment de ceux relatifs à la décision afin que tous les éléments des arbitrages soient connus. Si vous avez heureusement abandonné le projet de transférer la recherche au CEA – le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives –, ce qui aurait lourdement affaibli l'expertise à terme, celle-ci demeurera la variable d'ajustement budgétaire d'une entité dont le volume des missions de contrôle va exploser. Enfin, vous n'avez apporté aucune information quant au devenir des activités économiques de l'IRSN, par exemple dans le domaine de la dosimétrie. Supprimons donc les articles 11 bis et 11 ter, ayons un débat public et une concertation véritable sur ce sujet majeur et proposez un nouveau dispositif dans le projet de loi de programmation sur l'énergie et le climat.

Madame la ministre, vous l'avez vous-même indiqué en commission : ce projet de rapprochement ne sera appliqué qu'après quinze à dix-huit mois de concertation. Pourquoi donc agir aujourd'hui, dans la précipitation ? En outre, en ne permettant pas de débat serein et sérieux sur celui-ci, vous renforcez l'idée selon laquelle le projet de loi de programmation ne verra jamais le jour.

Ainsi, le présent projet de loi, tel qu'adopté en commission, préempte le débat sur la loi de programmation sur l'énergie et le climat et entérine un scénario de relance du nucléaire pour que cette énergie représente 50 % du mix énergétique futur, sans débat d'ensemble. Il remet en cause, sans fondement apparent, l'organisation de la sûreté nucléaire en contournant les obligations constitutionnelles qui auraient permis d'éclairer le Parlement sur les conséquences de cette réforme. Enfin, il n'assure pas la proportionnalité entre les enjeux énergétiques et ceux de préservation de l'environnement à valeur constitutionnelle, au vu des atteintes à la loi « littoral » et de l'insuffisante prise en compte du changement climatique, notamment de la disponibilité de la ressource en eau.

Il y a donc lieu, dans l'attente de la présentation du projet de LPEC et puisque nous ne pouvons plus déposer de motion de renvoi en commission, d'opposer une motion de rejet préalable au présent texte de programmation de la construction de quatorze réacteurs électronucléaires et de réorganisation de la sûreté nucléaire.

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