Intervention de Christine Decodts

Réunion du mardi 28 février 2023 à 17h15
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristine Decodts, rapporteure pour avis :

En préalable, je tiens à remercier, pour leur disponibilité et leurs contributions pertinentes, les personnalités qualifiées et les élus que nous avons auditionnés.

Ce projet de loi, qui a été enrichi lors de son examen au Sénat, est techniquement complexe. Son objectif est de faciliter, dans un domaine stratégique pour notre politique énergétique, des procédures longues quant à leur mise en œuvre. Il s'agit donc de les accélérer, sans remettre en cause la sécurité et la sûreté.

Pour illustrer mon propos, permettez à la Dunkerquoise que je suis de revenir sur la centrale nucléaire de Gravelines, qui fait partie des deux plus puissantes d'Europe. Cette centrale, dont la construction a été lancée en mai 1974 – j'avais alors 8 ans –, a été mise en service en 1980, dans un site nucléaire de 150 hectares au cœur du département du Nord, le plus densément peuplé de notre pays.

Il y a presque vingt ans, en 2004, le maire de Gravelines M. Bertrand Ringot, que je salue, et son conseil municipal présentaient la candidature de leur commune pour l'accueil de deux EPR – réacteurs pressurisés européens – en mettant en avant les éléments suivants : la situation géographique, en bordure de la mer du Nord, la disponibilité foncière autour du site, l'acceptation de la population, confirmée par les résultats du baromètre régulièrement tenu par EDF, les besoins en énergie des industries électro-intensives, comme l'usine Aluminium Dunkerque, premier site de production d'aluminium dans l'Union européenne, situé juste à côté, les enjeux d'Arcelor en matière de décarbonation, mais aussi les ressources humaines et les entreprises partenaires disponibles.

Les installations de la centrale de Gravelines sont nécessaires au développement du territoire avoisinant, et l'exemple de cette commune illustre que le déploiement de l'énergie nucléaire est possible même dans des zones densément peuplées.

Le 10 février 2022, le Président de la République a détaillé la nouvelle politique énergétique de la France dans un discours qui, prononcé à Belfort dans le cadre du plan d'investissement France 2030, annonçait la reprise en main de notre destin énergétique. Il s'agit de consommer moins d'énergie et de gagner en sobriété énergétique, l'objectif étant de réduire de 40 % la consommation d'énergie en 2050 et de produire davantage d'énergie décarbonée par le développement massif des énergies renouvelables et la consolidation de la filière nucléaire.

Cette consolidation passe inéluctablement par la prolongation des réacteurs qui peuvent être prolongés et par le lancement d'un grand programme de nouveaux réacteurs nucléaires, comme le projet de Gravelines et celui de Penly, pour lequel le débat public a été clôturé hier, lors d'un séminaire consacré à la participation du public à la gouvernance des projets nucléaires.

Le compte rendu et le bilan du débat public seront disponibles avant le 27 avril. EDF et RTE – Réseau de transport d'électricité – auront alors trois mois pour indiquer les enseignements qu'ils en tirent et leurs réponses aux recommandations formulées. Je remercie Mme Chantal Jouanno, que notre commission a auditionnée, pour son dynamisme au service de la consultation des populations.

J'ai toujours gardé en tête, lors des auditions, les enjeux sociaux, économiques et environnementaux dans nos territoires, qu'ils soient ruraux ou urbains : ils sont au cœur des travaux de notre commission, et j'ai souhaité prendre du temps pour écouter les élus locaux. Rien ne peut être bâti sans eux dans le cadre de projets aussi structurants pour les territoires. Les élus locaux ont dit ce que M. Patrice Vergriete, président de l'agglomération de Dunkerque, résume souvent par cette phrase : « Notre rôle d'élu local est de faire lien avec la population et de donner une vision cohérente de l'avenir d'un territoire. »

J'ai également souhaité prendre du temps pour échanger avec l'Association nationale des comités et commissions locales d'information (CLI), situés auprès des installations nucléaires de base. Je salue en particulier le travail de mon collègue et voisin M. Paul Christophe, président de la CLI de Gravelines, qui a toujours beaucoup œuvré pour mener une concertation large et ouverte en matière de sûreté nucléaire.

J'ai souhaité rendre concret et vivant ce texte relatif à un sujet qui est ultrasensible, le nucléaire, et dont tout indique qu'il le sera encore plus. C'est vrai depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, dont nous venons de commémorer tristement la première année, et en raison des défis environnementaux au cœur des changements climatiques. C'est également un sujet sensible pour l'avenir de notre autonomie énergétique – décarbonée – et pour l'avenir industriel de notre pays.

Alors oui, mes chers collègues, nous devons accélérer les procédures relatives à la construction de nouvelles installations nucléaires et garantir le fonctionnement des installations existantes sans compromettre la sécurité des populations. C'est tout l'enjeu et toute l'ambition du texte qui nous est proposé, et c'est notre responsabilité d'y veiller en tant qu'élus de la nation.

Il nous restera un autre grand défi national à relever au plus vite : l'orientation, la formation et le recrutement pour permettre la réalisation du grand projet qui nous attend, mais aussi la facilitation de l'accès des femmes aux métiers du nucléaire. Des marges de progrès existent, en effet : les femmes représentent 24 % des 220 000 salariés de la filière nucléaire française, elle-même composée de 3 200 entreprises qui contribuent au développement des tissus économiques locaux.

Ce texte représente un pas de plus vers une France plus souveraine énergétiquement. C'est une nécessité face aux défis de notre temps.

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