Intervention de Jean-Noël Barrot

Séance en hémicycle du jeudi 6 avril 2023 à 15h00
Indemnisation des dégâts causés par le retrait-gonflement de l'argile — Présentation

Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications :

D'ores et déjà, malgré le coût limité de cette garantie obligatoire, le phénomène de non-assurance est marqué dans certaines zones et ce sont autant de sinistrés qui, n'ayant pas de contrat d'assurance, ne pourront pas bénéficier du régime. La représentation parlementaire nous alerte d'ailleurs régulièrement à ce propos. Je pense par exemple aux départements et collectivités d'outre-mer, très exposés aux effets du changement climatique. Autrement dit, si nous alourdissons les conditions d'assurance, nous prenons le risque de voir les assureurs refusent certains dossiers, plaçant ainsi nos concitoyens dans une position encore plus inconfortable que celle dans laquelle ils se trouvent aujourd'hui.

L'effet très incertain, malgré leur coût certain, de telles dispositions doit nous amener à nous interroger : les assurés sinistrés seront-ils réellement mieux indemnisés grâce à la proposition de loi ? Ainsi, la présomption simple de causalité pose un problème principiel ainsi qu'un problème de fond, et pourrait finalement être préjudiciable aux sinistrés. En effet, au-delà du principe fondamental du droit civil selon lequel toute personne demandant l'exécution d'une obligation doit en apporter la preuve, faire porter sur l'assureur la charge de la preuve qu'un sinistre n'est pas la conséquence d'un phénomène de RGA engendrera des études techniques complémentaires qu'un simple constat permet, dans certains cas, de lever, allongera inutilement les délais d'indemnisation et alourdira la charge de gestion, répercutée sur les primes d'assurance. Cette idée, séduisante en apparence, ne profitera pas aux sinistrés.

De la même manière, le recours systématique à une expertise d'assuré financée par l'assurance est une fausse bonne idée. Elle se heurte d'abord à un problème majeur de mise en œuvre liée à la disponibilité d'experts compétents en matière de sécheresse. Par ailleurs, cette profession n'est, à ce jour, encadrée par aucun texte de loi ni aucune obligation de compétence professionnelle. Le Gouvernement entend mettre fin à cette situation en harmonisant le cadre de certification de ces experts. Si les effets d'aubaine, aux frais du régime et donc des assurés, sont probables, l'amélioration de l'indemnisation perçue par les sinistrés est beaucoup plus incertaine. C'est pourquoi, sans renverser la charge de la preuve, l'ordonnance du 8 février 2023 prévoit un encadrement de l'activité des experts sécheresse, afin d'homogénéiser et d'augmenter la qualité des expertises. Cet encadrement répond aux mêmes objectifs que ceux poursuivis par la proposition de loi, tout en évitant ses effets néfastes.

Par ailleurs, les experts soulignent à l'unisson que le caractère systématique de l'étude de sol géotechnique ne peut qu'entraîner des délais de gestion insoutenables qui se répercuteront sur les délais de traitement et d'indemnisation des sinistres, alors même que de très nombreux sinistres ne justifient pas une telle étude, qui vise à analyser le sol mais ne permet pas d'établir le lien de causalité avec le dommage constaté. Cette étude est nécessaire, au cas par cas, selon les sinistres, et les travaux du Gouvernement dans le cadre du décret « expertise » précisant les dispositions de l'ordonnance du 8 février 2023 visent notamment à adresser ce point.

Nous ne voulons pas que l'alourdissement des procédures et l'augmentation de leur coût ne découragent les assureurs de couvrir ceux de nos concitoyens exposés à des sinistres dont, au demeurant, l'indemnisation ne pourrait être que faible, la prise en charge d'une telle indemnisation l'empêchant l'assureur de rentrer dans ses frais.

Pour ces raisons, le Gouvernement a déposé des amendements de suppression de l'article 1er et des alinéas 1 à 4 de l'article 2. Il est et restera à la disposition des parlementaires pour préciser les travaux en cours et les y associer. N'hésitez pas à vous faire connaître si vous souhaitez y participer.

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