Intervention de Matthieu Marchio

Séance en hémicycle du vendredi 5 mai 2023 à 9h00
Crise de l'hôpital public

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMatthieu Marchio :

La nation doit garantir « à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé ». Ce n'est pas un vœu pieux mais un principe inscrit dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui doit s'imposer à toute politique concernant la santé publique. Or celui-ci est aujourd'hui bafoué. Vous connaissez la triste réalité de l'hôpital public, mais permettez-moi de vous rappeler que cette crise résulte d'un manque de moyens financiers et humains, qui s'est aggravé au fil des années. Les gouvernements successifs ont négligé l'hôpital public, le privant des fonds et des ressources dont il a besoin pour fonctionner. À cela se sont ajoutées les tensions affectant la médecine de ville, qui entraînent un report des demandes de prise en charge et des soins vers l'hôpital. Les conséquences sont délétères, notamment pour les services d'urgences, saturés.

Si aucun territoire n'est épargné, l'essoufflement du système hospitalier est particulièrement criant dans les zones rurales et plus généralement en dehors des métropoles, mettant en exergue les fractures territoriales déjà importantes de notre pays. Un rapport de l'Association des maires ruraux de France (AMRF) de janvier 2021 évoque un nombre de médecins dans les territoires ruraux deux fois inférieur à celui dans les territoires urbains. De nombreux centres hospitaliers, accueillant une population rurale faute de services de santé et de médecins dans les petites communes, souffrent d'un manque de moyens particulièrement grave. C'est le cas de l'hôpital de Valenciennes ou du site de l'hôpital de Douai à Dechy sur lequel j'ai déjà plusieurs fois interpellé le ministre de la santé. Ces établissements sont en sous-effectifs, les personnels soignants sont épuisés et les spécialistes manquent – les directeurs doivent se disputer pour les récupérer pour leur centre hospitalier, souvent au détriment d'un autre.

Les moyens financiers font défaut. Selon une étude menée par la Fédération hospitalière de France en 2020, près de 47 % des établissements hospitaliers publics se trouvent dans une situation financière difficile ou très difficile. La qualité des soins s'en ressent dans certains territoires comme le Douaisis, où le site de l'hôpital de Dechy s'est vu à plusieurs reprises obligé de fermer ses urgences pédiatriques, faute de personnel.

La santé et l'espérance de vie des habitants sont directement affectées par de telles carences. Je rappelle à notre assemblée quelques chiffres édifiants. En 2022, l'espérance de vie était de 83 ans pour une femme et de 77 ans pour un homme dans le Nord, contre 87 ans pour une femme et 82 ans pour un homme à Paris – cela représente quatre années de vie en moins. Où sont les principes républicains que j'évoquais en introduction ? Où est l'égalité républicaine quand certains de nos concitoyens meurent d'un AVC alors qu'ils avaient un rendez-vous chez le cardiologue deux mois plus tard, quand des rendez-vous pour des scanners fonctionnent par faveur pour ne pas dire par piston, quand les spécialistes se concentrent majoritairement dans les métropoles attractives ou sur la Côte d'Azur, laissant sur le carreau les territoires dit périphériques ? En fait de République, c'est plutôt sous l'Ancien régime que nous vivons en matière de santé ; les privilégiés se soignent – tant mieux –, mais les moins favorisés crèvent.

La politique menée par Emmanuel Macron a sa part de responsabilité. Le Gouvernement a retiré 1,6 milliard d'euros à l'hôpital public dans la LFSS pour 2018, puis 1 milliard dans celle de 2019. Il aura fallu attendre la plus grande crise sanitaire de notre siècle pour arrêter de faire des économies sur le dos de l'hôpital public. Votre responsabilité est donc lourde ; les soignants vous le rappellent d'ailleurs en des termes souvent plus vifs que les miens.

Face à cette triste situation, le groupe Rassemblement national souhaite une politique de rupture, tant avec la privatisation rampante de certains services de santé, qui accentue les inégalités territoriales, qu'avec les politiques qui conduisent à la suppression de lits, de postes et à la fermeture de services de proximité. La Macronie n'a jamais été avare de cadeaux fiscaux aux plus favorisés mais elle peine à financer la santé publique. Sachez qu'avec nous, les priorités financières serviront ceux qui en ont le plus besoin. Nous défendons le recrutement de 10 000 soignants, la revalorisation à la hausse du salaire des infirmiers et l'instauration d'incitations financières fortes afin de réduire le nombre de déserts médicaux. Je reconnais que des efforts sont déjà menés en ce sens, mais que ceux qui prétendent que leur résultat est satisfaisant viennent s'installer ne serait-ce que six mois dans le bassin minier !

Madame la ministre déléguée, j'ai rappelé ici la réalité d'un monde hospitalier que vous connaissez, mais aussi la réalité sociale de territoires abandonnés comme le mien, que votre gouvernement, totalement déconnecté, ignore. Je n'attends pas grand-chose d'Emmanuel Macron qui prouve constamment son mépris social, mais j'ai toujours espoir que les cris d'alarme finiront un jour par être entendus et suivis d'effets.

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