Intervention de Philippe Juvin

Séance en hémicycle du vendredi 5 mai 2023 à 9h00
Crise de l'hôpital public

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Juvin :

Nous sommes réunis au chevet d'un grand malade, l'hôpital public. Pour l'hôpital public, comme pour beaucoup de nos services publics, on met beaucoup d'argent pour peu d'efficacité. Pour quelle raison ? Parce que l'argent ne va pas aux soins et qu'on ne se soucie pas suffisamment du service rendu.

À ce sujet, madame la ministre déléguée, votre décision – celle de votre administration, peut-être – d'interdire de communiquer au journal Le Point les données nécessaires à l'établissement de son classement des hôpitaux est incompréhensible. La transparence sur les résultats – quelles que soient les imperfections des outils d'évaluation – est toujours un moteur pour améliorer la qualité.

Le sujet, urgent, qui nous réunit aujourd'hui, ce sont les difficultés de recrutement à l'hôpital public. Pour la clarté du propos, je me focaliserai sur les médecins. Le problème est d'abord démographique : nous ne formons pas suffisamment de médecins en France. Quand un médecin part à la retraite, il n'en faut pas un pour le remplacer, mais deux ou trois. Notre proposition est simple, nous vous demandons de doubler le numerus clausus. Vous me répondrez que vous l'avez supprimé ; c'est faux, vous avez simplement changé son nom en numerus apertus. Preuve qu'il existe toujours, vous affirmez l'avoir augmenté de 15 % – ce qui est exact, mais insuffisant.

Vous me répondrez : « nous ne pouvons pas faire plus, nous n'avons pas les capacités de formation. Nous ne disposons pas des terrains de stages. » Calembredaines ! Des stages, il y en a partout, à condition qu'on accepte d'affecter massivement des étudiants partout en dehors des centres hospitaliers universitaires (CHU), dans le public ou dans le privé.

Vous ajouterez : « il faut dix ans pour que cela produise des effets. » La belle affaire ! Une décision politique met parfois dix ans à produire ses effets et, si nous avions commencé il y a dix ans, nous aurions moins de soucis. Madame la ministre déléguée, doublez le numerus clausus maintenant ; les Britanniques l'ont fait l'année dernière.

Deuxièmement, il faut traiter et payer correctement les médecins. Je prendrai deux exemples, aux extrêmes de la vie professionnelle : les externes et les médecins retraités. Les premiers sont payés 260 euros brut par mois ! C'est honteux et, surtout, totalement injustifié. Nous, Les Républicains, vous demandons de payer désormais les externes au SMIC horaire. Si vous ne le faites pas, nous le proposerons lors de l'examen du PLFSS pour 2024.

Quant aux médecins retraités, je décrirai un cas symptomatique : ce praticien hospitalier de grande qualité – dernier échelon – a pris sa retraite le 31 décembre dernier. Son hôpital étant en difficulté, il a accepté de venir travailler le 1er janvier, en tant que retraité. Il a été réembauché comme attaché premier échelon, au plus bas de l'échelle des salaires de la fonction publique ! Comment voulez-vous que les retraités acceptent de revenir travailler à l'hôpital dans ces conditions ?

Pour ce qui est des médecins libéraux, nous avons fait adopter en commission des affaires sociales, contre l'avis de la majorité mais avec le soutien de tous les autres groupes, une disposition qui vise à exonérer les médecins retraités de cotisations retraite. Fort heureusement, elle a été reprise après le recours à l'article 49.3. Mais adoptée au mois de décembre, elle n'est toujours pas appliquée. Madame la ministre déléguée, il faut faire appliquer la loi par votre administration !

Nous proposons aussi qu'aucun médecin salarié en cumul emploi-retraite ne puisse être rémunéré sur une base inférieure à celle qui était la sienne avant de prendre sa retraite. Soyons clairs, le jour où les médecins retraités ne viendront plus nous aider, la médecine de ville et le système hospitalier s'écrouleront….

Enfin, un hôpital public qui fonctionne, c'est un hôpital qui fait confiance à ses personnels. Arrêtez de nous engluer dans des tâches administratives. Donnez aux services de l'autonomie, y compris financière. Et surtout, de grâce, simplifiez la vie des soignants ! Permettez-leur de passer du temps auprès de leurs malades, et non en réunion ou devant leur ordinateur, ou à remplir des questionnaires absolument inutiles. Alors, vous verrez, les soignants cesseront de déserter l'hôpital public. On parle de l'attractivité de l'hôpital public, mais que se passe-t-il ? Les personnels votent avec leurs pieds et partent…

À l'hôpital public, madame la ministre déléguée, c'est désormais tous les jours l'état d'urgence. Mais il n'est pas condamné à aller mal. J'aurais voulu parler d'innovation, d'intelligence artificielle, de sécurité des patients, de qualité des soins, des relations entre le secteur public et le secteur privé, de la médecine de ville. Le temps est malheureusement compté….

Madame la ministre déléguée, je ne doute pas de votre bonne volonté, mais la communication ne remplace pas l'action. Cessez d'organiser de grandes concertations, dont la principale utilité est de gagner du temps. Agissez, mieux encore, obtenez des résultats !

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