Intervention de Anne Bergantz

Séance en hémicycle du vendredi 5 mai 2023 à 9h00
Crise de l'hôpital public

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnne Bergantz :

En préambule, je salue l'engagement des professionnels de santé qui, au quotidien, dispensent des soins de qualité. Les Français reconnaissent cette qualité ; dans leur immense majorité, ils souhaitent que le système de santé soit préservé, tout en s'inquiétant de son évolution.

Car, malgré les efforts déployés par ses acteurs et les politiques, notre système souffre d'indéniables dysfonctionnements, dont la crise des hôpitaux est une des manifestations les plus criantes. Cette crise revêt plusieurs formes : perte de sens, crise financière, du recrutement, de la gouvernance, crise structurelle et organisationnelle, sociétale et sociale. L'épuisement professionnel, le manque de personnel, impliquant des fermetures de lits et l'engorgement des urgences en sont les effets concrets. Héritage des erreurs du passé, ces symptômes sont la conséquence des politiques de restriction de l'offre décidées dans les années 1970, avec l'instauration du numerus clausus, mais aussi d'un mode de financement de l'activité hospitalière qui apparaît contre-productif sur le long terme.

À bien des égards, le secteur hospitalier concentre tous les dysfonctionnements de notre système de santé, et on exige de lui qu'il réponde à tous les défis. C'est pourquoi la majorité présidentielle s'est mobilisée dès 2017. Si les dernières années ont permis des avancées importantes, il reste du chemin à parcourir ; nous devrons faire face, quoi qu'il arrive, à un manque de personnel soignant pendant quelques années encore.

Des solutions sont déjà déployées ou expérimentées : services d'accès aux soins (SAS), médecins généralistes au sein des urgences de certains hôpitaux, développement de l'éducation thérapeutique des patients. Il faut également progresser en matière de prévention et de responsabilisation des patients.

Trois axes de réflexion me semblent importants. Premier axe : il faut mieux accompagner les sorties d'hospitalisation et prévenir les réhospitalisations, notamment celles des personnes âgées très fragiles, cumulant parfois plusieurs pathologies avec l'isolement et la précarité, ce qui complique leur sortie d'hospitalisation. Elles se transforment alors parfois en bed-blockers – la hantise de tout service –, tout en représentant une perte de chance pour d'autres patients.

Sur mon territoire, dans les Yvelines, on tente aussi de trouver des réponses. On propose par exemple de mettre en place une maison commune afin de coordonner l'ensemble des acteurs autour de l'accompagnement des personnes âgées, de prévoir une admission directe, de se soucier de l'aidant qui reste à domicile ou d'accompagner la sortie d'hospitalisation sans que la charge mentale repose uniquement sur le médecin traitant. Des solutions d'hébergement temporaire en Ehpad, sans reste à charge, sont également offertes, cofinancées par l'agence régionale de santé (ARS) et le conseil départemental.

D'autres départements expérimentent des programmes d'accompagnement nutritionnel pour les personnes âgées sortant d'hospitalisation ; en 2020, l'état de dénutrition de 400 000 personnes âgées vivant à domicile a entraîné l'hospitalisation de 40 % d'entre elles.

Deuxième axe : la prévention et l'éducation à la santé en milieu scolaire et professionnel, tout au long de la vie, devraient être des piliers de notre système de santé. De nombreux outils numériques sont disponibles et pourraient y aider : suivi nutritionnel adapté, objectif journalier d'activité physique, amélioration de la qualité du sommeil.

Troisième axe : la tarification. Sans sortir complètement de la tarification à l'activité, une révision du modèle de financement des hôpitaux s'impose. On pourrait ainsi envisager l'ajout d'une dotation populationnelle et prévoir une part de tarification liée à la qualité. Ce nouveau modèle, à affiner, permettrait d'améliorer à grande échelle la pertinence et la qualité des soins.

Ces quelques éléments pourraient apporter des résultats probants à court terme, mais ne sauraient résoudre le problème d'ensemble. Nous avons toujours eu tendance à apporter des réponses conjoncturelles – en réaction aux événements –, là où la solution devrait être systémique. Il faut désormais résoudre la crise du système de santé dans son ensemble, dont la crise des hôpitaux fait partie intégrante.

Je ne suis pas certaine qu'il s'agisse seulement d'un problème de moyens financiers. Les dépenses consacrées aux soins hospitaliers s'élèvent à près de 100 milliards d'euros en 2020 en France. Elles représentent 3 350 euros par habitant et par an en France, avec un reste à charge de 7 %, parmi les plus faibles au sein des pays de l'OCDE. Il ne s'agit donc pas tant d'augmenter les dépenses que d'en améliorer l'utilisation, dans l'intérêt des patients et des équipes médicales.

Pour conclure, je rappellerai l'importance de laisser le temps aux réformes précédentes de se déployer pleinement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion