Intervention de Chantal Jourdan

Séance en hémicycle du vendredi 5 mai 2023 à 9h00
Crise de l'hôpital public

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChantal Jourdan :

Le constat est partagé par tous, et visible sur l'ensemble du territoire. L'hôpital public est en crise, il menace de s'effondrer. Dans nos permanences, nous recevons de nombreux témoignages qui relatent une situation inquiétante. Cette situation, c'est celle du personnel soignant qui n'en peut plus – les témoignages de fatigue physique et mentale sont toujours plus nombreux. La perte de sens revient sans cesse également.

Cette situation, c'est celle des structures qui dysfonctionnent : équipes instables, démissions, recours à l'intérim avec les dérives que l'on connaît, lits supprimés par manque de soignants, services fermés, tels que des maternités ou des urgences.

Cette situation, c'est celle des patients, les premiers touchés par ces dysfonctionnements. Les retours témoignent généralement d'une bonne prise en charge une fois les services intégrés, grâce aux soignants qui exercent avec conscience leur mission en faisant oublier l'inconfort matériel – également souvent signalé.

Mais le problème principal réside dans l'accès aux soins et touche les plus fragiles. Je pense surtout aux personnes âgées, dont les familles ou les structures d'accueil évoquent ces difficultés. Face à cette situation, certes, il y a eu le Ségur. Mais cela ne suffit pas. Pour preuve, le Gouvernement annonce régulièrement des recettes organisationnelles ou invente des slogans – « des urgences pour les seules personnes qui en relèvent », « un médecin traitant pour chaque Français en affection de longue durée », etc.

Comment comptez-vous faire dans les déserts médicaux ? Le mal est profond et il a une cause : la santé a été livrée au secteur financier. Je n'exonère pas les gouvernements successifs de cette responsabilité mais, aujourd'hui, nous devons en tirer les leçons.

Il faut revoir la philosophie qui guide notre système de santé et le fonctionnement de l'hôpital public. Ainsi, le financement de l'hôpital, principalement basé sur la tarification à l'acte, a placé les hôpitaux dans une logique financière et a induit la recherche d'actes rentables, entraînant un recours massif à la chirurgie ambulatoire – pour gagner en productivité, les établissements ont intérêt à accélérer la sortie des malades et à libérer des lits.

Cela pose un problème grave en matière de qualité des soins, notamment concernant le suivi et l'accompagnement des patients. L'intervention médicale n'est pas seulement un acte technique, elle repose sur une relation entre le patient et le soignant, qui exige du temps. Si la T2A est adaptée à certains actes chirurgicaux précis, elle ne peut satisfaire aux besoins des nombreux patients chroniques que reçoit l'hôpital public. Il faut établir les budgets en fonction des besoins des malades et non en suivant une logique de rentabilité. Il n'est pas possible de gérer l'hôpital comme une entreprise.

La même logique doit s'appliquer au pilotage : il faut rendre au travail clinique toute sa valeur. Pour cela, nous devons revoir les conditions de travail, la reconnaissance de la pénibilité, les rémunérations et la gouvernance de l'hôpital, pour permettre aux soignants d'exercer dignement et de retrouver du sens à leur mission. Il faut rendre aux soignants une liberté d'organisation : ils ont prouvé leur capacité à répondre aux besoins pendant les premiers temps de la crise sanitaire en laissant de côté les protocoles excessifs. Faisons-leur confiance !

Plus généralement, nous avons besoin, pour soulager l'hôpital, de réformer le système de santé. Il faut repenser l'articulation entre la médecine de ville et l'hôpital public, sans reporter sur l'un la mission de l'autre. Il faut protéger l'hôpital de la privatisation, des effets des dépassements d'honoraires et de l'intérim. Il faut lutter contre les déserts médicaux, notamment en régulant l'installation des médecins, comme le prévoit la proposition de loi transpartisane que nous défendons. Elle n'attend que d'être discutée dans cet hémicycle.

Le Président de la République a qualifié l'hôpital de « trésor de la République ».

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