Intervention de Olivier Andrault

Séance en hémicycle du vendredi 5 mai 2023 à 9h00
Quelles réponses à l'envolée des prix des produits de grande consommation

Olivier Andrault, chargé de mission à l'UFC-Que choisir :

Je suis chargé de mission à l'UFC-Que choisir depuis dix-sept ans et vous m'avez demandé d'intervenir aujourd'hui pour donner le point de vue de la première association de consommateurs de France, et doyenne en Europe, sur l'inflation des prix alimentaires que nous connaissons actuellement.

Je donnerai d'abord quelques chiffres. En moyenne, l'inflation que nous avons connue l'an dernier s'élève à 6 %, mais celle que nous observons ces derniers mois est bien plus importante, étant donné qu'elle est à deux chiffres, de l'ordre de 17 % selon les produits. Notons d'ailleurs que ce chiffre masque de fortes disparités : nous constatons en effet de très fortes augmentations de prix sur les huiles alimentaires, les pâtes, le sucre, la volaille, la viande et le lait.

Les causes de cette inflation sont connues. Il s'agit, entre autres, de la guerre en Ukraine, ce pays et la Russie étant deux grands exportateurs de blé et de graines de tournesol ; du covid-19 et de la stratégie zéro covid de la Chine, qui ont entraîné une hausse du coût du transport maritime ; des mauvaises récoltes de blé dur au Canada ; de certaines interdictions d'exportations, comme celles de l'Indonésie sur l'huile de palme et de l'Inde sur le blé. Et à tous ces facteurs cumulés, s'ajoute évidemment la hausse considérable des prix de l'énergie, qui se répercute à tous les stades de la production des produits alimentaires.

L'impact de l'inflation sur les consommateurs, qui nous intéresse particulièrement aujourd'hui, est terrible. Il faut en effet savoir que l'alimentation représente en moyenne 16 % du budget des ménages, et même 18 % s'agissant des 20 % des consommateurs les plus pauvres. Le budget alimentaire n'est, par surcroît, pas n'importe quel champ de dépenses, ce budget étant contraint. Si l'on peut parfaitement décider de ne pas partir en vacances cette année et de reporter ses projets à l'année suivante, ou de différer l'achat de produits « plaisir » tels qu'une nouvelle télévision ou un nouveau smartphone, il est impossible d'en faire autant en ce qui concerne l'alimentaire, qui est, j'insiste, un budget contraint.

À cet égard, les consommateurs les plus pauvres subissent une double peine. En effet, les produits que cette population achète le plus souvent – les produits de base notamment – sont ceux dans lesquels les matières premières occupent la part la plus élevée – à la différence des produits fortement élaborés ou de grande marque, dans lesquels la part de matières premières est plus faible. Ainsi, ce sont les produits de base qui sont les plus concernés par l'inflation, car les matières premières déterminent une part importante de leur prix total.

De plus, s'agissant du circuit d'achat, du type de magasin choisi, les consommateurs les plus pauvres font souvent leurs courses dans ce qu'on appelle le hard discount. Là encore, dans la mesure où les autres coûts ont généralement déjà été réduits dans ce type de commerces, la part des matières premières dans la formation des prix des produits est logiquement importante. Une augmentation du coût de ces dernières sera donc encore plus sensible sur les tarifs pratiqués, les consommateurs subissant donc bien une double peine.

J'ajouterai un autre élément, auquel on ne pense pas souvent lorsqu'on cherche à expliquer l'inflation. En effet, une mesure a été prise avant l'augmentation assez considérable des prix des produits alimentaires à laquelle nous assistons, se pérennise et produit selon nous un effet inflationniste s'ajoutant aux autres facteurs. Je fais ici référence à l'augmentation du seuil de revente à perte.

Cette mesure a été instaurée dans le but d'augmenter le revenu agricole – du moins est-ce la justification qui avait été officiellement communiquée – et impose une marge minimale de 10 % sur tous les produits alimentaires. Quel est le lien entre l'imposition d'une marge minimale à la grande distribution, toutes enseignes confondues, et le revenu agricole, me demanderez-vous ? Selon nous, il n'y en a aucun. Nous nous interrogeons toujours sur la justification réelle de cette mesure. Toujours est-il qu'imposer une marge minimale de 10 % sur les produits alimentaires revient à augmenter le prix de certains produits, qui étaient précédemment vendus avec une marge moins importante, inférieure à 10 %. De l'inflation a ainsi été créée de manière artificielle.

Nous avons mesuré l'impact inflationniste de ce dispositif lors de son entrée en vigueur, en février 2019, sur l'ensemble de l'offre alimentaire, tous circuits et tous modes de consommation confondus et quel que soit le profit du consommateur. La mesure a selon nous entraîné une hausse des prix de 0,83 %, alors que les prix des produits alimentaires, hors période inflationniste, n'affichent normalement que très peu de variations.

Une nouvelle fois, ce facteur inflationniste a induit une double peine pour les consommateurs modestes, celui-ci s'étant particulièrement vérifié dans les hypermarchés.

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