Intervention de Gérard Le Puill

Séance en hémicycle du vendredi 5 mai 2023 à 9h00
Quelles réponses à l'envolée des prix des produits de grande consommation

Gérard Le Puill, journaliste :

Une note de l'Insee du 28 avril dernier démontre que les prix au départ de la ferme sont restés quasiment stables pendant sept ans, de 2014 à 2020 inclus, oscillant entre les indices 100 et 110. Subitement, à partir de 2021 et plus encore en 2022, ils ont grimpé jusqu'à l'indice 145, voire au-delà. Cette évolution est certes liée à la guerre en Ukraine, mais il faut aussi souligner que durant des années, les prix agricoles au départ de la ferme ont été bien trop bas, en particulier pour les céréales et la viande. Si le prix du blé a flambé au printemps 2022, il a baissé, depuis, de 30 % sur un an. Dans le même temps, le prix du maïs reculait de 23 %, et celui du vin – pourtant un produit à part – de 10 %. D'autres prix ont en revanche continué d'augmenter : + 18 % pour les pommes de terre, + 17,7 % pour les fruits et légumes, + 12 % pour les gros bovins et les veaux, + 55 % pour les porcs et + 16 % pour le lait de vache.

Comment expliquer ces augmentations subites ? J'y vois des explications politiques. Dans la perspective de la sortie des quotas par pays de lait et de viande bovine en 2015, plusieurs États membres, comme les Pays-Bas et l'Irlande, ont accru leur cheptel de vaches laitières. Dès 2016, une partie de la production de lait n'a plus trouvé de débouchés dans les produits transformés. De 370 euros en 2014, le prix des 1 000 litres de lait à la ferme est tombé à 270 euros en 2016, puis s'est maintenu à un niveau trop bas les années suivantes. Étant pris à la gorge, les éleveurs ont progressivement réduit leur cheptel laitier. Or, le prix de la viande bovine étant également très bas du fait d'un surplus de vaches de réforme, le phénomène a eu des répercussions sur le secteur des bovins allaitants – races charolaise, limousine et autres – : là aussi, les prix ont fortement reculé durant des années. C'est ainsi qu'en 2022, la France comptait 830 000 vaches de moins qu'en 2015, voire qu'en 2017. Cette diminution du volume de viande, également constatée dans les autres pays de l'Union européenne, a entraîné une augmentation des prix.

Nous avons assisté à un phénomène similaire, mais pour des raisons un peu différentes, concernant la viande porcine. Tant que les volumes étaient supérieurs aux débouchés – en particulier quand la Chine a réduit ses importations –, le prix du kilo de carcasse de porc vendu au marché de Plérin, dans les Côtes-d'Armor, se situait entre 1,30 et 1,20 euro. Ce fut le cas de juin 2021 à février 2022. En mars, avril et mai 2023, il a atteint pas moins de 2,35 euros : il a donc presque doublé par rapport à 2020.

Tout cela prouve que dans l'Union européenne, les prix sont toujours soumis à des phénomènes spéculatifs, à la hausse ou à la baisse. Si nous voulons que les paysans continuent de produire, il faut travailler différemment. La solution la plus pertinente consiste à contractualiser les achats à un prix qui tienne compte des coûts de fabrication et des volumes de production. Malheureusement, cette pratique n'a pas cours dans l'Union européenne. Elle est en revanche de mise dans la filière du lait à Comté.

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