Intervention de Philippe Chalmin

Séance en hémicycle du vendredi 5 mai 2023 à 9h00
Quelles réponses à l'envolée des prix des produits de grande consommation

Philippe Chalmin, président de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires :

Le choc majeur subi par les marchés agricoles en 2022, qui se poursuit en 2023, trouve plusieurs explications : la flambée des prix mondiaux des grandes commodités agricoles – céréales, oléoprotéagineux, sucre, produits laitiers – ; les aléas climatiques ; l'accession de la Chine au rang de premier acheteur mondial de denrées agricoles ; et enfin, naturellement, la guerre en Ukraine.

Pour certains produits toutefois, les explications sont davantage européennes – M. Le Puill l'a signalé. C'est particulièrement le cas des produits animaux : le prix des bovins a augmenté de 32 % en moyenne en 2022, celui du lait à la ferme de 18 %, et celui du porc de 25 %. Si nous constatons une certaine détente des marchés mondiaux au cours des premiers mois de 2023, due à des perspectives de récolte favorables, la situation reste tendue sur les marchés animaux en Europe. Le prix du porc a ainsi flambé ces quatre derniers mois, la viande bovine se maintient au-dessus du niveau symbolique de 5 euros le kilo de carcasse à l'entrée à l'abattoir, les 1 000 litres de lait se paient plus de 500 euros, et le kilo de carcasse de porc frôle les 2,50 euros.

Les consommateurs font les frais de cette situation, même si les prix des denrées alimentaires n'ont pas crû dans les mêmes proportions que ceux des produits agricoles. Rappelons que l'industrie et la distribution ont subi deux grands chocs en 2022, l'augmentation des prix agricoles et la hausse du coût de l'énergie, auxquels s'ajoute le renchérissement du papier et du carton destinés aux emballages.

Ces hausses ont été répercutées sur le consommateur avec certains décalages. La famille de produits dont le prix a crû le plus fortement en 2022 est celle des pâtes alimentaires, à + 26 % : la mauvaise récolte canadienne de l'automne 2021 a causé une hausse du prix du blé dur. Le prix du panier de produits laitiers de grande consommation suivi par l'Observatoire a, quant à lui, augmenté de 7 % en 2022. Celui de la carcasse de viande bovine, que nous reconstituons à l'étape du consommateur, a crû de 13 %.

Les premiers mois de 2023 font apparaître une baisse de certains prix agricoles – en particulier des céréales – et du coût de l'énergie. En revanche, le rattrapage des produits alimentaires se poursuit : en mars 2023, le prix du lait de consommation était supérieur de 14,8 % à la moyenne de 2022, et celui de la viande hachée de 12,9 %. Même la baguette a gagné 7 %, malgré le recul des prix du blé et de l'énergie.

M. Le Puill a employé le mot tabou de spéculation. Appelons un chat un chat : les marchés agricoles ont pour caractéristique d'être instables, au niveau mondial comme au niveau européen, depuis la fin de la politique agricole commune (PAC) historique qui gérait les marchés. Cette instabilité est liée aux aléas climatiques et aux troubles géopolitiques mondiaux ou nationaux. Pardon de rappeler une règle économique de base – quelque peu libérale, j'en conviens – : à un instant donné, un prix est le résultat de la rencontre entre l'offre et la demande. Dans un monde instable, où la seule certitude est que demain, le prix sera différent de celui d'aujourd'hui, nous anticipons nécessairement les prix en fonction de notre vision de l'avenir. Nous spéculons tous, au sens étymologique, puisque la racine latine de ce verbe renvoie à l'idée d'observer, et par extension à celle de se projeter en avant. Un prix, qu'il soit agricole, énergétique ou monétaire, est la somme des anticipations que se forgent les opérateurs du rapport entre l'offre et la demande.

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