Intervention de Gabriel Attal

Réunion du mercredi 26 avril 2023 à 15h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics :

Vous me permettrez de compléter les propos de Bruno Le Maire au sujet du programme de stabilité et de dire un mot des projets de loi de règlement auxquels cette audition est, je crois, également consacrée.

Le programme de stabilité traduit notre volonté de maîtriser nos finances publiques dans un contexte macroéconomique qui, comme Bruno Le Maire l'a dit, n'a rien à voir avec celui qui nous avait permis de mener le « quoi qu'il en coûte ». Il y a un an, lorsque j'ai pris mes fonctions, la France empruntait encore à un taux d'intérêt d'environ 1 %. Elle emprunte aujourd'hui à plus de 3 %, autrement dit, nos taux d'intérêt ont triplé en deux ans. Aucun pays au monde pourrait ne rien changer quand tout change autour de lui, et il est urgent de reprendre le contrôle en s'engageant résolument sur une trajectoire de désendettement.

Il faut reprendre le contrôle, mais pas de n'importe quelle manière. Nous refusons un réflexe fiscal qui consisterait à augmenter les impôts. Depuis 2017, nous les avons baissés de 50 milliards d'euros : 25 milliards pour les ménages et 25 milliards pour les entreprises. C'est un motif de fierté, d'autant que nous collectons davantage avec des taux plus bas. Nous avons, par exemple, fait passer le taux de l'impôt sur les sociétés de 33 % à 25 %, mais nous collectons plus d'impôt sur les sociétés qu'à l'époque où le taux était de 33 %, parce que la baisse de la fiscalité libère l'activité économique, élargit l'assiette taxable et permet donc davantage de recettes pour l'État.

Nous assumons, par ailleurs, de faire des économies en 2024 et les années suivantes, sans renoncer aux priorités qui ont été fixées. La revue des dépenses que nous avons lancée permettra d'entrer dans le détail de ces économies, mais nous savons d'ores et déjà que nous pouvons mieux faire dans de nombreux domaines. Une lettre de cadrage adressée par la Première ministre à l'ensemble des ministres nous invite à identifier 5 % de marge de manœuvre dans les budgets des ministères. En clair, ce n'est pas de l'austérité, mais tout simplement de la responsabilité.

Bruno Le Maire l'a dit, nous rehaussons nos ambitions concernant le déficit pour 2027. Je crois profondément qu'il n'y a pas d'autre chemin que celui du sérieux budgétaire, car être sérieux, c'est ce qui permet d'être ambitieux pour nos services publics, pour notre école, notre police, notre justice et notre armée, pour lesquelles nous avons engagé un réarmement budgétaire inédit, et ambitieux aussi pour notre hôpital public et nos soignants, qui ont tant donné pendant la crise sanitaire et que nous devons continuer à soutenir.

Enfin, je pense qu'il faut prouver aux contribuables que leur argent est bien employé. Quand la dépense publique d'un pays représente un tel volume, les citoyens sont en droit d'attendre les meilleurs services publics d'Europe. Nous voulons diminuer le poids de la dépense publique par rapport à la richesse nationale : dans le programme de stabilité qui vous est présenté, il passera de 57,5 % du PIB en 2022 à 53,5 % en 2027, mais l'enjeu n'est pas tant de dépenser moins que de dépenser mieux. Beaucoup de Français, en réalité, ont le sentiment de payer beaucoup d'impôts mais de ne pas toujours voir à quoi ils servent.

C'est la raison pour laquelle j'ai lancé hier l'opération « En avoir pour mes impôts », qui permettra de faire une transparence totale et de dire clairement aux Français comment leurs impôts sont dépensés, au niveau national comme au niveau local. Les contribuables pourront retrouver, à l'échelle de leur département, la déclinaison de ce que leurs impôts financent. Ils pourront le savoir dans leur préfecture, dans leur centre des impôts, dans leur espace France service et, bien sûr, sur internet.

Cette opération permet également de lancer une grande consultation grâce à laquelle chaque Français pourra dire directement comment il pense que ses impôts doivent être dépensés, pour quelles priorités et pour quels services publics, mais aussi quelles économies peuvent être réalisées.

Je souhaite, au fond, avec Bruno Le Maire, placer la stratégie de réduction de notre déficit et de notre dette sous le signe de la confiance : la confiance que les Français doivent retrouver dans l'impôt, la confiance dans nos services publics, qui sont notre priorité et que nous voulons hisser de nouveau au premier rang en Europe, et la confiance dans l'État et en sa capacité à lutter contre toutes les fraudes aux finances publiques – c'est l'objet du grand plan que je présenterai prochainement. La première traduction concrète en est le projet de loi de modernisation des pouvoirs de nos douaniers, dont l'examen commencera au Sénat à la fin du mois de mai et devrait débuter ici à la mi-juin.

J'en viens, rapidement, à la question de l'exécution budgétaire. Cette année, la situation est originale, puisque nous présentons pour la première fois deux projets de loi de règlement. Nous devons, en effet, présenter à nouveau le projet de loi de règlement pour 2021 parce que, chacun s'en souvient, il a été rejeté à l'Assemblée nationale en lecture définitive, le 3 août dernier, alors qu'il y avait été adopté lors des deux précédentes lectures. Par ailleurs, nous présentons la loi de règlement pour l'exercice 2022.

Chacun vote évidemment comme il l'entend, mais je veux faire part de la circonspection qui est la mienne face au rejet d'un texte d'exécution budgétaire. Il s'agit, certes, d'un texte financier, et il est naturel que nous ayons des désaccords sur la politique à mener – sinon nous appartiendrions tous à la même famille politique –, c'est-à-dire des désaccords sur l'avenir, mais pas sur la constatation de ce qui s'est produit dans le passé. Je suis conseiller municipal, d'opposition, depuis près de dix ans, et je n'ai pas le souvenir d'avoir voté contre un compte administratif présenté au printemps par la majorité de ma commune, car c'est tout simplement l'état des comptes de l'année précédente. On peut changer l'avenir, mais difficilement le passé.

Quels enseignements pouvons-nous tirer de la photographie de 2022 ? Le premier est l'efficacité de notre politique économique. En nous attaquant au prix de l'énergie, nous avons préservé la croissance économique et donc contribué au dynamisme des recettes, principal facteur de l'amélioration de notre déficit public. Les recettes ont, en effet, progressé de 7,3 % en 2022, après avoir augmenté de 8,4 % en 2021. Cette évolution repose principalement sur la progression de l'impôt sur les sociétés, qui a augmenté de 15,8 milliards d'euros. Cela nous a permis d'atteindre un record : 62,1 milliards ont été prélevés à ce titre l'année dernière, ce qui a fortement contribué à la baisse de notre déficit public, qui est passé de 6,5 % à 4,7 %. La réalité, c'est que nos choix économiques se sont révélés vertueux sur le plan budgétaire. Comme pendant la crise du covid, nous avons fait le choix de la protection des Français face à la vie chère, tout en poursuivant le redressement de nos finances publiques.

Néanmoins, et c'est le deuxième enseignement du projet de loi de règlement pour 2022, le solde des administrations publiques demeure très dégradé, précisément parce que nous avons déployé des moyens considérables pour casser la spirale inflationniste. Au total, pour les années 2021 et 2022, nous avons mis 34,5 milliards sur la table pour lutter contre l'inflation grâce au bouclier énergétique.

Dernier point, nous devons impérativement tenir nos objectifs en matière de finances publiques à l'horizon 2027. Il faudra engager des efforts importants en ce qui concerne la dépense publique. C'est le travail que nous avons lancé, avec Bruno Le Maire, dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances (PLF) pour 2024. Nous ne proposons pas, je le rappelle très clairement, l'austérité ; nous défendons seulement la responsabilité.

Les prochaines marches vers les 3 %, à l'horizon 2027, seront plus difficiles à franchir, parce que l'environnement économique n'est plus le même. En 2022, nous avons été portés par une croissance de 2,6 % ; elle s'établira autour de 1 % cette année, dans un contexte de ralentissement mondial, même si la France continue à mieux s'en sortir que la plupart de ses voisins et des autres pays.

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