Intervention de Benjamin Lucas-Lundy

Réunion du mercredi 3 mai 2023 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBenjamin Lucas-Lundy :

Soit vous n'êtes pas sérieux, soit vous êtes sérieusement malhonnêtes, intellectuellement : un débat aussi important que celui du maintien de l'ordre et de l'organisation des mobilisations sociales mérite mieux que ce genre d'opération politicarde qui vise à détourner l'attention de ce qu'est la réalité du maintien de l'ordre dans notre pays, que la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté a rappelée ce matin à la radio.

On cherche à détourner l'attention d'un mouvement historique, exemplaire, pacifique, de lutte contre une réforme injuste et brutale. C'est la stratégie de communication du Gouvernement et de la majorité, qui voudraient que l'on passe à autre chose. De l'aveu même de conseillers du Président de la République, vous cherchez à lancer des appels à l'ordre, comme en 1968. Mais n'est pas le général de Gaulle qui veut, et surtout pas Emmanuel Macron !

Je le dis d'entrée de jeu, pour éviter les gesticulations à venir – qui auront tout de même lieu, à n'en pas douter : nous condamnons l'ensemble des violences, d'où qu'elles viennent, et nous l'avons toujours fait. La violence, physique et verbale, le harcèlement nous répugnent : toute l'histoire de notre formation politique et tout notre héritage politique en témoignent.

Expliquer n'est pas excuser. Je parle de malhonnêteté intellectuelle parce que quand on cherche d'où viennent la violence et la radicalisation de certains groupes et actions, on comprend qu'elles naissent aussi du fait que notre pacte démocratique ne se porte pas bien. Pour apaiser la société et organiser un maintien de l'ordre respectueux de nos grands principes démocratiques, ce n'est pas créer une commission d'enquête qu'il faut, mais changer de ministre de l'intérieur !

Votre malhonnêteté intellectuelle s'exprime aussi par l'arbitraire de votre proposition, même si les amendements que vous avez déposés, tout en n'allant pas assez loin, vont dans le bon sens. Les bornes temporelles que vous fixez disent quel type de mouvements vous visez. Vous avez d'ailleurs refusé de soutenir la proposition de loi de notre collègue Aurélien Taché pour dresser un état des lieux exhaustif de la menace terroriste d'extrême droite. Voilà pourtant une menace bien réelle sur la sécurité de nos concitoyens, nos libertés publiques et notre pacte démocratique. Les propos de M. Odoul le montrent, par votre discours sur une prétendue extrême gauche, par cette petite musique que vous faites entendre depuis le début de ce second quinquennat chaotique, vous servez la soupe au Rassemblement national.

Une grande démocratie s'honorerait de mener une réflexion collective et apaisée sur le maintien de l'ordre, sur la nature des mouvements sociaux et sur la façon dont on réduit la part de violence dans notre société et dont on est capable d'organiser des débats démocratiques respectueux de l'opinion populaire. Quand 1 ou 2 millions de personnes se mobilisent, elles doivent être entendues. Cela mériterait qu'il y ait au Gouvernement, notamment au ministère de l'intérieur, des gens qui ne traitent pas leurs opposants politiques de « terroristes intellectuels » quand ceux-ci les interrogent sur le maintien de l'ordre ou notre fonctionnement démocratique et républicain. Cela est plus nécessaire que vos gesticulations politiques, qui visent à détourner l'attention de l'actualité démocratique de notre pays.

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