Intervention de Michel Castellani

Séance en hémicycle du jeudi 11 mai 2023 à 9h00
Mobilité internationale des alternants pour un "erasmus de l'apprentissage" — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Castellani :

Nous aurions pu parler d'Erasmus lors de la Journée de l'Europe. Cela aurait été un beau symbole tant le programme est un succès de l'Union européenne. Malheureusement nous avons perdu beaucoup de temps sur un autre sujet, dont l'intérêt m'échappe quelque peu : l'obligation de pavoiser le fronton des mairies.

Le programme Erasmus est justement le contraire d'un ordre vertical et jacobin : il participe assurément au sentiment d'appartenance européen, à la construction d'une identité européenne. Il permet de renforcer les liens entre les différents États membres, par la rencontre, les échanges, comme l'ont indiqué M. le rapporteur et Mme la ministre déléguée.

Au niveau individuel, il contribue à développer des compétences nécessaires à l'insertion professionnelle, mais aussi à l'épanouissement personnel et culturel. Malheureusement, son pendant Erasmus +, ouvert aux apprentis depuis 1995, ne rencontre pas le même succès. Rares sont ceux qui y recourent, alors même que le nombre d'apprentis augmente en France. En 2021, seuls 18 000 apprentis ont bénéficié d'une mobilité, d'une durée moyenne d'une quinzaine de jours seulement. Alors que dans l'enseignement supérieur 40 000 étudiants en ont bénéficié, pour une durée moyenne de plusieurs mois.

Soucieux de garantir à tous les étudiants – à l'université comme en apprentissage – les mêmes chances de partir à l'étranger, les membres du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires soutiennent donc cette proposition de loi, qui permettra de lever les freins à la mobilité internationale des alternants.

Le texte lèvera un premier frein d'ordre juridique. Le droit en vigueur, qui prévoit deux types de mobilité pour les apprentis et les personnes en contrats de professionnalisation, empêche le maintien de la rémunération du jeune pour les mobilités de plus de quatre semaines. Aussi, nous considérons que la piste d'un droit d'option entre mise en veille et mise à disposition est intéressante, notamment pour les grandes entreprises qui disposent d'une filiale à l'étranger et souhaitent y envoyer les alternants en mission. Cela permettra à leur filiale française de continuer à rémunérer leur apprenti, tout en permettant à celui-ci de vivre une expérience à l'étranger. La mesure risque en revanche d'être sans effet sur les entreprises de taille plus modeste, qui seront sans doute peu nombreuses à mettre à disposition des alternants et à leur garantir une rémunération. Si nous sommes favorables à cette proposition, nous sommes donc lucides quant au nombre potentiellement limité d'apprentis concernés.

Le principal frein demeure financier. La priorité est de garantir des revenus suffisants aux apprentis. Il faut démocratiser Erasmus + au-delà de l'enseignement supérieur, en s'assurant que le programme profite à tous, particulièrement aux familles les moins aisées. La proposition de loi ne prévoit malheureusement rien sur ce point pourtant important.

Nous souscrivons à l'objectif de prise en charge par les Opco des coûts de la mobilité et de la protection sociale. L'article 3 mériterait toutefois d'être plus explicite sur ce point, plutôt que de renvoyer à un décret la fixation des règles de prise en charge forfaitaire. Il faut écrire noir sur blanc que les cotisations sociales seront bel et bien prises en charge par le CFA ou l'organisme de formation.

Le montant des bourses doit être revu, car il ne compense pas la perte de rémunération des apprentis. La récente réforme annoncée par le Gouvernement n'apaise absolument pas cette préoccupation ; nous le regrettons. Au-delà des freins financiers, il faut aussi tout mettre en œuvre pour faciliter l'accès à l'information et l'accompagnement. Les référents mobilité doivent être présents dans tous les CFA ; ils sont encore trop peu nombreux et inégalement répartis.

En commission, nous avons abordé la création d'un portail unique de la mobilité en apprentissage : nous souscrivons pleinement à un tel projet. Quels engagements ont été pris à ce stade en la matière ? Enfin, notre groupe appelle à poursuivre la réflexion sur les dispositifs d'échange pour les apprentis ultramarins et leur évaluation, car leur situation géographique et économique tout à fait particulière constitue un frein supplémentaire.

Même s'il reste donc des obstacles à lever pour démocratiser le programme Erasmus +, notre groupe soutiendra la proposition de loi.

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