Intervention de Marc Fesneau

Séance en hémicycle du jeudi 11 mai 2023 à 9h00
Garantir le respect du droit à l'image des enfants — Discussion générale

Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire :

Enfin, soyons force de proposition pour trouver des solutions adaptées à chaque pays du marché unique. Compte tenu des enjeux liés à l'utilisation des produits phytosanitaires, nous devons absolument obtenir des résultats en matière de nouvelles techniques génomiques si nous souhaitons préserver tant l'abondance que la qualité de notre production agricole. Il faut également défendre des alternatives crédibles comme le biocontrôle.

Le projet de résolution propose, en son paragraphe 7, l'instauration d'une planification relative aux produits phytosanitaires, dont je dirai quelques mots. Cette disposition fait écho à l'action lancée par la Première ministre lors du Salon de l'agriculture, consistant à travailler selon une méthode de planification en ce qui concerne les produits phytosanitaires, à prévoir l'arrêt ou l'évolution de l'usage de certaines molécules et à y préparer les filières. Comme l'a dit la Première ministre à cette occasion, cela signifie qu'il ne saurait y avoir de surtransposition – ou simplement d'évolution juridique – en la matière, sauf motif de santé publique. Cette exigence essentielle constitue un point d'équilibre auquel, je le sais, l'Assemblée nationale se montrera attentive.

Un défi majeur nous attend : sur les 450 substances actives autorisées dans l'Union européenne, près de la moitié feront l'objet d'un nouvel examen dans les cinq ans à venir. Il nous faut affronter résolument la situation telle qu'elle se présente à nous, examiner les risques d'impasse et développer des solutions alternatives fiables.

De façon générale, la tendance européenne au retrait des substances phytosanitaires est incontestable ; ce serait faire erreur que de la nier. Les retraits sont relativement harmonisés, hormis en ce qui concerne quelques éléments évoqués lors de la discussion générale. En revanche, la réglementation relative aux conditions d'utilisation des produits phytosanitaires – je pense aux diverses chartes et aux ZNT, zones de non-traitement – est plus contraignante en France que dans la plupart des autres pays européens. C'est pourquoi l'harmonisation européenne de la transition agroécologique grâce au règlement SUR répond à des enjeux majeurs. J'estime préférable que nous tenions ce débat et défendions ces exigences au niveau européen ; c'est pourquoi le règlement SUR me semble un véhicule intéressant.

En effet, il nous faut absolument avancer en Européens sur ces sujets, car nous évoluons – je crois utile de le rappeler – dans un marché unique. Aligner les règles et les calendriers français et européens revient à nous assurer que nous n'importons pas et ne consommons pas, au détriment de nos agriculteurs et plus généralement des Français, des produits non conformes à nos normes sanitaires et environnementales.

Nous souhaitons donc impulser un changement de méthode. Pour ce faire, le premier chantier consiste à planifier, à permettre aux agriculteurs de se projeter dans l'avenir et à accepter la temporalité du changement. On accepte de donner quinze ou vingt ans à des secteurs économiques tels que l'aéronautique, l'automobile ou le logement pour faire évoluer leur modèle ; comment exigerait-on de l'agriculture qu'elle accomplisse cette transition en un ou deux ans ? Nous avons besoin d'une planification crédible, d'objectifs ambitieux et d'une temporalité tenable, sous peine de faire s'effondrer le système.

Il est également nécessaire de travailler plus intensément à la mise au point et au déploiement d'un ensemble de solutions qui, si elles peuvent parfois avoir recours à des méthodes chimiques – car c'est parfois la seule solution : pour ma part, je l'assume –, ne reposent pas uniquement sur elles.

Nous devons aussi faire front commun pour défendre la souveraineté alimentaire de la France, la santé publique et l'environnement, qui relèvent de l'intérêt collectif. À cette fin, il convient d'éviter les silos et de faire collaborer l'ensemble des acteurs du secteur, qu'il s'agisse de l'Anses, de l'Inrae, des instituts techniques ou encore des représentants des filières agricoles, afin qu'ils trouvent ensemble des solutions alternatives.

Par ailleurs, la planification doit concilier notre capacité à produire et l'impératif climatique. Je suis convaincu que si notre modèle n'évolue pas, notre souveraineté alimentaire en sera menacée et que, par conséquent, le statu quo serait la pire des politiques, y compris pour les agriculteurs. Je le sais, personne n'a réellement envie de changer ses méthodes ; tout système économique tend à conserver son fonctionnement. Il s'agit simplement de trouver les bons mots pour expliquer cette nécessité – en se gardant de dénigrer ou de montrer du doigt les uns et les autres – et de prévoir des mesures crédibles auxquelles nous dédierons les moyens nécessaires.

On m'a d'ailleurs interpellé sur les moyens consacrés à la recherche. Je rappelle que France 2030 a permis d'augmenter de près de 2 milliards d'euros les crédits spécifiquement dédiés à la recherche de solutions alternatives en matière agricole. Grâce à cette somme significative, l'Inrae, les instituts techniques et les structures similaires pourront accélérer leurs travaux.

La planification comporte trois défis, dont le premier réside dans la sauvegarde de la souveraineté alimentaire. Il faut éviter de remplacer une production européenne ou française par des produits importés, car il s'agirait à la fois d'une défaite économique et d'une défaite environnementale ; le travail au niveau européen prend donc toute son importance.

Le second défi réside dans la formulation des objectifs. En effet, ceux-ci doivent être à la fois ambitieux et réalistes, ce qui implique des moyens adéquats. Il me paraît donc nécessaire de concevoir la politique agricole de manière globale, car nous ne saurions multiplier les évolutions juridiques et changer chaque année les règles du secteur, traitant tour à tour et indépendamment la question des produits phytosanitaires, celle du bien-être animal et celle de la biodiversité. Cela ôterait aux agriculteurs toute visibilité sur l'avenir.

Aucun système économique ne peut tenir avec des règles qui changent tous les ans. Nous avons donc besoin d'une planification pour nous donner des règles et avancer. Il faut évoluer, mais il ne faut pas que les règles changent tout le temps. Je ne connais pas un acteur économique qui puisse supporter de changer de règles tous les ans, voire tous les six mois, quand on est bien fâché, si vous me permettez cette expression.

Il faut sortir des représentations simplistes.

Troisièmement, il faut assumer que la transition prend du temps. Dire que cela prend du temps ne veut pas dire qu'on ne veut pas le faire. Il faut être réaliste et reconnaître que certaines transitions sont nécessaires, y compris dans l'intérêt du monde agricole.

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