Intervention de Pieyre-Alexandre Anglade

Séance en hémicycle du lundi 22 mai 2023 à 16h00
Programmation militaire 2024-2030 — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes :

M. le rapporteur l'a rappelé, nous débattons dans un contexte international qui donne une responsabilité particulière à la France et à nos armées : grands conflits internationaux, parfois de haute intensité comme en Ukraine, tensions géopolitiques exacerbées, renforcement des grandes puissances autoritaires, accentuation d'une stratégie clairement destinée à remettre en cause l'ordre international que nous le connaissons depuis la fin de la guerre froide, ordre dans lequel la France et l'Europe avaient pris toute leur place et qui nous permettait d'assurer la paix.

Alors que la guerre est de retour en Europe et que les nationalismes belliqueux redoublent d'efforts, le rôle de la France, puissance d'équilibre qui dispose de la première armée de l'Union européenne, est d'assurer aux femmes et aux hommes qui nous protègent les moyens de le faire. En prévoyant 413 milliards d'euros d'investissements sur sept ans et en portant notre effort de défense à 2 % du PIB, ce projet de loi de programmation militaire permet à notre pays d'être à la hauteur des défis de notre époque.

Comme l'a rappelé la revue nationale stratégique (RNS) de novembre 2022, de l'Europe à l'Asie, en passant par le Sahel, le Levant et l'Indo-Pacifique, les menaces sont multiples et s'agrègent plutôt qu'elles ne se succèdent. Dans ce contexte, notre horizon doit être celui du renforcement de nos armées mais aussi de l'autonomie stratégique européenne.

Cette LPM, nationale par nature, constitue un apport majeur à la politique européenne de sécurité et de défense. Par sa puissance de projection, par le renforcement de sa dissuasion nucléaire, à laquelle nous tenons, par le maintien en condition opérationnelle des équipements, par notre maîtrise du cyber, du spatial et de l'ensemble des éléments du spectre des guerres de demain, la France, nation souveraine, participe à l'affirmation de l'autonomie stratégique de l'Europe.

Ces dernières années, nous avons immensément progressé dans ce domaine : de la coopération structurée permanente (CSP) à la boussole stratégique européenne en passant par la création du Fonds européen de la défense (FED), nous avons posé les bases de la défense européenne et de son affirmation. Avec la guerre en Ukraine, une nouvelle étape a été franchie puisque la Facilité européenne pour la paix (FEP) a été mobilisée pour financer l'effort de guerre de l'Ukraine et former ses soldats. Saluons ici l'investissement de la France dans ce dispositif. Il faudra évidemment poursuivre dans cette voie.

Le conflit en Ukraine, qui fait rage depuis plus d'un an, nous enseigne qu'il faut nous préparer, avec nos partenaires européens, au recours à un rythme accéléré à la très haute technologie – du cyber au quantique, en passant, demain, par l'intelligence artificielle – et au retour des conflits de très haute intensité, notamment en Ukraine avec des scènes de guerre, de Bakhmout à Marioupol, que nous croyions appartenir au siècle passé tant elles rappellent les batailles de Verdun ou de la Somme.

C'est aussi pour cela, monsieur le ministre, que la France a raison de soutenir l'Ukraine. Je salue de nouveau les annonces du Président de la République sur la formation des pilotes ukrainiens ainsi que sur l'entraînement et l'équipement de plusieurs bataillons ukrainiens formés de dizaines de véhicules blindés et de chars légers. Notre soutien à l'Ukraine est efficace car il est européen. La formation que nous dispensons aux pilotes de chasse ukrainiens prend tout son sens quand d'autres pays européens leur livrent des avions.

Bien sûr, comme l'a rappelé M. le ministre, nous ne sommes pas tous d'accord sur nos alliances internationales, nos partenariats et nos coopérations. Si la France est forte dans le monde, c'est aussi parce qu'elle est au cœur d'une Europe qui se renforce, une Europe de plus en plus indépendante, parce que notre pays développe des coopérations, des partenariats, notamment industriels avec nos voisins allemands, italiens, espagnols et belges.

Il est question non pas de dissoudre l'armée française dans un large ensemble européen, comme certains mensonges veulent le faire croire, mais bien d'imaginer collectivement une capacité opérationnelle d'intervention, utile sur le terrain à la protection de nos intérêts. Si demain un de nos grands partenaires doit regarder ailleurs, comme cela a déjà été le cas, nous devrons être en mesure d'agir avec les Européens à l'intérieur de l'Otan ou en dehors de l'Alliance et, si nécessaire, d'assurer les capacités de commandement qui nous permettront de mener ensemble une opération d'ampleur, comme l'a rappelé le Président de la République.

Sur le terrain, nos forces armées savent bien que l'Europe est un levier de puissance pour la France. Grâce aux efforts européens, les femmes et les hommes qui nous défendent peuvent se déployer conjointement avec leurs frères d'armes européens sur pas moins de neuf théâtres d'opérations – la task force Takuba en est une belle illustration.

Avec cette loi de programmation militaire, nous renforçons le modèle unique et éprouvé de nos armées. Il n'est qu'à voir la reconnaissance mondiale qu'a suscitée notre intervention au Soudan, tant parmi les Européens que nos partenaires de l'Otan.

Avec cette loi de programmation militaire, nous préparons l'avenir technologique, qu'il s'agisse de cyber ou de spatial, ainsi que les nouveaux champs de confrontation des puissances. En Indo-Pacifique, face à une Chine qui ne fait plus mystère de sa puissance, la France tient son rang grâce à son armée et ses territoires d'outre-mer.

Avec cette loi de programmation militaire, nous faisons acte de souveraineté tant nationale qu'européenne en renforçant notre défense et en donnant à nos armées les moyens de notre puissance.

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