Séance en hémicycle du lundi 22 mai 2023 à 16h00

La séance

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La séance est ouverte à seize heures.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Avant de commencer nos travaux, observons une minute de silence en hommage aux trois policiers du commissariat de Roubaix tragiquement décédés ce week-end.

Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et observent une minute de silence.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense (n° 1033, 1234 rectifié).

Debut de section - Permalien
Sébastien Lecornu, ministre des armées

J'ai l'honneur de vous présenter un projet de loi relatif à la programmation militaire (LPM) pour la période 2024 à 2030, le quinzième depuis le début de la Ve République, depuis qu'existent ces lois de programme en matière de défense nationale, qui constituent, il faut le rappeler, une spécificité bien française. Ce texte auquel nos armées, ainsi que les directions et services du ministère, travaillent depuis un an, a été élaboré sous l'autorité du Président de la République, chef des armées, en étroite relation, très en amont, avec le Parlement et les acteurs du monde de la défense. Il cherche à traduire une conviction simple, la seule qui vaille : les menaces qui pèsent sur la nation n'ont jamais été aussi diverses et protéiformes que depuis la fin de la guerre froide. À bien des égards, elles nous placent face à un défi aussi important que celui qu'ont dû relever les gaullistes dans les années 1960.

Cette programmation acte le retour d'une compétition plus dure entre grandes puissances sur fond de prolifération nucléaire, la permanence d'un risque terroriste qui n'a pas disparu, mais dont on ne parle malheureusement plus assez, et l'apparition de nouveaux espaces de conflictualité, conséquence ou reflet de sauts technologiques rapides et brutaux – en témoigne la militarisation du cyber, de l'espace ou des fonds marins. Ces menaces se conçoivent dans une approche classique mais aussi et surtout, pour une puissance nucléaire comme la nôtre, dans une hybridité qui nous invite à penser différemment. C'est sur ce point que la transformation – ce qui ne signifie pas rupture – impliquée par le projet de LPM intervient particulièrement. Nouvelles ou anciennes, ces menaces se cumulent désormais plus qu'elles ne se succèdent : cette programmation militaire a été conçue en les envisageant froidement, en tenant compte des spécificités françaises, de nos forces comme – il faut le reconnaître – de nos vulnérabilités.

Elle n'a pas pour but, comme certains commentateurs ou pseudo-experts nous y ont souvent incités, de tirer les leçons de conflits qui ne sont pas les nôtres et, structurellement, ne pourront jamais l'être. Le modèle de défense propre à la France, fruit d'une construction essentiellement gaullienne, repose sur une autonomie stratégique qui va bien au-delà de la seule dissuasion nucléaire ; il puise sa force dans le sentiment profond que la France n'aurait jamais dû perdre la drôle de guerre de 1940, connaître les difficultés de l'expédition de Suez, et ne vivra pas deux fois les guerres d'Indochine et d'Algérie. Ce texte doit permettre non seulement de poursuivre la réparation d'un outil de défense, hélas endommagé par des politiques parfois court-termistes et une forme de déni de la réalité du monde, mais aussi de transformer nos forces s'agissant de fonctions militaires concrètes, avec des objectifs opérationnels précis.

Je le répète, cette programmation militaire ne suppose pas une rupture fondamentale avec notre modèle historique : elle vise au contraire à revenir à sa force conceptuelle initiale, c'est-à-dire sa capacité à s'adapter rapidement, en prenant en compte les défis du monde actuel, menaces sécuritaires incluses, ainsi que les sauts technologiques qui entraînent inévitablement des sauts stratégiques ou tactiques, y compris en matière d'hybridité.

À cela s'ajoute la nécessité d'articuler ces nouveaux domaines de lutte autour de notre dissuasion et de nos capacités expéditionnaires. Permettez-moi de former le vœu que nous ne perdions pas de vue notre modèle global de défense en entamant la discussion parlementaire par de nombreux détails techniques, sémantiques, budgétaires, non dénués d'intérêt mais qui, encore une fois, ne doivent pas nous écarter de l'essentiel : l'exigence de cohérence et d'efficacité opérationnelle de notre modèle d'armée, armée qui doit rester une armée d'emploi. Tel est l'enjeu, l'héritage des anciens que nous devons protéger afin de le léguer aux générations futures.

Ce que nous avons souhaité faire primer dans ce projet de LPM, c'est notamment l'impératif de cohérence – sur lequel je me suis étendu lors de nos travaux en commission – entre livraisons capacitaires, stocks de munitions ou de pièces détachées, renforcement des soutiens, maintien en condition opérationnelle et formation dont bénéficient nos soldats sur le terrain. D'aucuns ont le goût des cibles capacitaires généreuses, mais la tentation d'acheter en masse des équipements sans tenir compte de leur vie opérationnelle constitue un piège dans lequel sont tombés beaucoup de pays voisins. Nous-mêmes avons parfois, pour des raisons industrielles ou d'affichage, misé sur le nombre d'hélicoptères livrés aux armées, alors qu'il aurait été préférable pour elles de fixer le nombre d'appareils en état de voler. Nous devons apprendre de nos erreurs, même si je note chez certains une facilité à renoncer – quand ce n'est pas un refus d'obstacle – à considérer la question dans son ensemble.

Une LPM n'est pas un simple tableau capacitaire mais un tout, logique, efficace, appuyé sur les contrats opérationnels. La vraie transformation réside d'ailleurs dans le détail de ces contrats, qui figurent au sein du rapport annexé : ils reflètent notre capacité, demain, à concevoir et à mener à bien des opérations combinées entre terre, air, mer, cyber, espace, informationnel et cohésion nationale. Telle est la véritable leçon que nous devons tirer pour nous-mêmes de la guerre en Ukraine. Si nous devons – nous y reviendrons – donner de la visibilité à notre base industrielle et technologique de défense (BITD), la protéger, la promouvoir, l'examen de la future LPM marque le moment où il convient que le Parlement s'intéresse à une effectivité opérationnelle trop souvent négligée par le pouvoir politique, ce qui a pu placer nos forces en situation de vulnérabilité face à des menaces que, précisément, nous ne tenons pas pour illusoires.

Nos choix répondent à la volonté exprimée par le Président de la République lors de sa première élection, en 2017, mais aussi aux besoins formulés depuis lors par les forces armées elles-mêmes, au terme d'un long travail d'introspection demandé aux états-majors et à la direction générale de l'armement (DGA). Cet exercice délicat, inédit, n'ayant pas été sans difficultés, je tiens à remercier les chefs d'état-major, le chef d'état-major des armées (Cema), le directeur général de la sécurité extérieure (DGSE), le délégué général pour l'armement (DGA) et le secrétaire général pour l'administration (SGA) de s'y être livrés. Il a abouti au projet de loi que, je le répète, j'ai l'honneur de vous présenter au nom du Gouvernement, et au sujet duquel vous aurez à vous prononcer en toute responsabilité.

Mesdames et messieurs les députés, s'agissant des choix dont dépendra notre défense nationale au cours des sept prochaines années, le Parlement joue un rôle majeur – largement renforcé par votre commission de la défense, laquelle a adopté de nombreux amendements auxquels le Gouvernement était favorable. Ces dispositions assez inédites renforceront le contrôle du Parlement sur l'exécution et l'actualisation de la programmation, notamment en amont de l'examen des projets de loi de finances (PLF), lesquels restent, chaque année, l'acte parlementaire par excellence en matière d'engagement de moyens. Nos discussions seront donc également, au sens noble du terme, un moment de vérité politique, en quelque sorte modèle contre modèle, chacun ayant l'occasion de défendre les options qu'il souhaite pour nos armées en fonction de son analyse de la situation du monde.

Ce débat doit avoir lieu. Il est sain, il n'a rien de médiocre ; il participe à la force du modèle français, et il serait faux de soutenir qu'il y a toujours eu consensus sur tout, ce qui, en réalité, n'a pas été une seule fois le cas depuis 1960. Dans cette perspective, l'examen du texte en commission et les nombreux amendements émanant de toutes les sensibilités politiques représentées au sein de l'Assemblée nationale m'ont permis d'établir quelques constats que je me permettrai de vous communiquer, tant ils intéressent à la fois la défense nationale et la démocratie.

Il y a tout d'abord ceux qui avancent dans un certain flou – ce qui m'évite de dire « masqués » : à ce stade, ils n'ont pas formalisé leur modèle d'alliances, leur position concernant la dissuasion nucléaire, et donc in fine ce qu'ils souhaitent pour nos armées. Gageons que ces deux semaines nous permettront de mieux le comprendre.

D'autres, dont il faut admettre la clarté et la cohérence, demeurent fidèles à leurs positions historiques – depuis l'examen de la première LPM, pour certains. Reste que ce qu'ils préconisent nous exposerait instantanément à des risques imminents : ils s'opposent au modèle d'armée actuel sans proposer d'alternative pour nous défendre.

D'autres encore considèrent ces débats sous le seul angle budgétaire, sans prendre en compte leur finalité, bien qu'ils aient parfois, lorsqu'ils étaient au pouvoir, réduit directement ou indirectement le budget des armées. Je n'y reviendrai pas, mais voyons dans cette approche un avertissement pour l'avenir : nos dépenses militaires doivent rester soutenables pour les finances publiques, puis connectées aux besoins militaires réels d'abord et aux besoins industriels ensuite – dans cet ordre. C'est là la condition de la performance opérationnelle dans la durée que nous devons à nos soldats.

Enfin, certains estiment que nous dépensons trop sans pour autant expliquer comment ils comptent répondre aux menaces, à moins qu'ils ne croient pas en leur réalité, ce qui me semble dangereux voire naïf.

Quoi qu'il en soit, mesdames et messieurs les députés, c'est dans le respect de la position de chacun que je m'efforcerai de défendre ce texte et les convictions qui le sous-tendent. La semaine d'échanges en commission a permis des débats de fond et de qualité, avec plus de 700 amendements discutés, une centaine d'amendements adoptés, dont un tiers issu des groupes d'opposition. C'est là toute l'utilité de se pencher sur un sujet aussi grave, et je forme le vœu que l'examen en séance publique, puis au Sénat, permette d'améliorer encore ce projet de loi de programmation en apportant des précisions ou dissipant des ambiguïtés.

Avant d'entamer la discussion des amendements, revenons quelques instants sur les principaux enjeux abordés en commission, à commencer par les sujets sur lesquels nous ne sommes pas tous d'accord : ceux qui divisent historiquement les partis politiques de la Ve République, telles la dissuasion nucléaire, l'appartenance à l'Alliance atlantique, notre modèle d'exportation d'armes ; ceux qui suscitent des dissensions plus récentes, comme les coopérations industrielles européennes ; ceux qui concernent directement des points relatifs à cette programmation dont j'ai longuement exposé en commission la cohérence et la soutenabilité, comme la construction de la trajectoire budgétaire ou le choix des priorités en matière d'investissement capacitaire.

Il y a donc avant tout la question de la dissuasion nucléaire, héritage du général de Gaulle, qui a donné à la France les moyens de suivre sa vocation de nation libre et autonome aux yeux du monde. Le texte vise non seulement à la préserver, à nous permettre de continuer de l'assurer seuls, ce qui reste un défi industriel et technologique, mais aussi à préparer la dissuasion de demain. Elle constitue le cœur de notre souveraineté, la clé de voûte de la défense de nos intérêts vitaux ; y renoncer serait abdiquer notre autonomie dans le concert des nations et nous exposer inévitablement à des risques accrus.

Cette loi de programmation l'affirme fermement, pour aujourd'hui mais aussi pour demain. Les choix que vous ferez sont d'autant plus importants que les programmes sont longs à mettre en œuvre : quinze à vingt ans peuvent s'écouler entre le moment où débute un programme et la date de mise en service du vecteur ou du système d'arme. Aussi cette LPM enclenche-t-elle la modernisation de nos sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE) de troisième génération mais également la modernisation des missiles des deux composantes. Ces échelles de temps nous obligent à nous projeter sur le long terme. En votant ces investissements, vous garantirez non pas notre seule protection mais aussi celle de nos enfants et de leurs enfants après eux.

Un autre sujet a animé nos débats en commission – c'est le moins que l'on puisse dire – et ne manquera pas de nous mobiliser dans cet hémicycle : il s'agit bien sûr de nos alliances. C'est un sujet de débat majeur entre ceux qui souhaitent sortir purement et simplement de l'Otan, d'autres qui veulent quitter son commandement intégré, ceux qui souhaitent abandonner – et non pas encadrer, ce que je distingue – toute forme de coopération militaire ou industrielle avec nos partenaires européens, et ceux, enfin, qui veulent même mettre un terme aux exportations d'armements. Les questions qui se posent à la représentation nationale consistent en définitive à savoir ce que la France veut, et même doit, faire seule, et ce qu'elle veut, ou doit, faire à plusieurs – partant du principe que la France n'est pas seule, qu'elle n'a selon moi pas vocation à l'être et que de tout temps, elle a su emmener avec elle d'autres nations pour défendre des intérêts communs ou partagés. Nous l'avons encore fait récemment au Soudan, et vous me permettrez à cet égard de rendre hommage à nos militaires : lors de l'opération Sagittaire, grâce à ses capacités expéditionnaires et à son armée d'emploi, la France a pu évacuer seule et en premier ses ressortissants et ceux de ses alliés de la ville de Khartoum, soumise à un feu nourri.

Mais nos débats doivent également mettre en relief nos choix, afin de déterminer quand nous avons un avantage à agir à plusieurs au sein d'une alliance, comme nous le faisons actuellement en Roumanie en qualité de nation-cadre dans le cadre de la mission Aigle, pour réassurer les frontières orientales de l'Alliance atlantique. De la même façon, nous devons être en mesure de déterminer quand nous souhaitons agir en partenariat bilatéral, comme nous le faisons par exemple aux Émirats arabes unis pour assurer la sécurité du ciel. Nous devons enfin pouvoir déterminer quand nous devons agir en Européens parce que nous y avons un avantage – ce fut le cas notamment au sein de la task force Takuba mais également dans le cadre de certains programmes industriels ou de certaines missions de sécurité maritime.

Pour faire ces choix, nous disposons de capacités qui nous distinguent de nos alliés : notre armée est une armée d'emploi, je le disais, avec une culture expéditionnaire, capable d'intervenir au-delà de ses frontières partout sur la planète. Ce n'est pas le cas de toutes les armées, il faut bien le reconnaître. En clair, les deux questions auxquelles il faut répondre, dans ce débat, sont les suivantes : veut-on pouvoir emmener les autres ou doit-on accepter d'être emmené par les autres ? Et au-delà, sans transiger avec notre souveraineté, quelles sont les menaces pour lesquelles une interopérabilité, une planification et des entraînements communs sont indispensables pour dissuader nos compétiteurs ?

Sur les coopérations européennes en matière industrielle, l'affirmation de nos intérêts doit être rappelée – peut-être même précisée, je l'admets – et j'entends parfaitement que le Parlement y soit davantage associé que par le passé. La discussion à venir nous permettra de dégager, je le crois et l'espère, une proposition satisfaisante sur la base des amendements qui ont été déposés. Vous connaissez nos options, elles sont claires et transparentes depuis 2017. Elles impliquent néanmoins des moyens, ce à quoi répond cette programmation militaire.

C'est l'autre grand sujet qui a animé nos discussions et sur lequel je sais que vous serez nombreux à revenir au cours de la semaine : la trajectoire budgétaire prévue par cette programmation militaire. Je ne reviendrai pas sur le débat autour des recettes extrabudgétaires prévues dans cette LPM. Celles-ci ont toujours existé dans le passé et n'avaient jamais suscité autant de débats. La nouvelle présentation les rend plus lisibles, et c'est une bonne chose. La commission a souhaité créer un mécanisme de sécurisation en cas de prévision non réalisée. C'est là aussi une bonne chose et cela place désormais ce débat technique derrière nous, même si je n'ai jamais douté des prévisions élaborées par les services du ministère.

Je veux néanmoins revenir sur les augmentations historiques que nous vous proposons depuis 2017 et jusqu'en 2030, lesquelles – il faut le rappeler, car cela n'a pas toujours été le cas – ont été exécutées à l'euro près. En 2017, le budget de nos armées était de 32,3 milliards d'euros. Cette année, en 2023, il s'élève à 43,9 milliards d'euros : la marche d'augmentation atteint 11,6 milliards d'euros par rapport à 2017, sans compter les crédits qui ont été votés en gestion. À cela, il faut donc ajouter 1,5 milliard d'euros pour – c'est encore moins courant – une surexécution budgétaire. En 2027, à la fin du second quinquennat du Président de la République – une date qui intéresse beaucoup –, le budget des armées sera de 56 milliards d'euros, ce qui correspond à une marche d'augmentation de 23,7 milliards. En 2030, il atteindra 68,9 milliards d'euros, hors pensions. Le budget des armées de la France aura donc plus que doublé en l'espace de deux lois de programmation militaire. J'ai entendu certains regretter que la part la plus importante de l'effort budgétaire n'arrive qu'en fin de LPM : c'est faux, chiffres à l'appui.

Cette croissance est largement engagée par la LPM en cours, et l'essentiel de l'effort aura été permis par l'engagement du Président de la République et de cette majorité depuis 2017. Je ne peux douter que celles et ceux qui prétendent diriger le pays en 2027 voudront abîmer cet effort…

Debut de section - Permalien
Sébastien Lecornu, ministre des armées

En tout cas, le Parlement aura à se prononcer ; c'est le sens de l'amendement que vous avez adopté en commission.

Je rappelle à la représentation nationale que les marches annuelles d'augmentation répondent certes à la soutenabilité de nos dépenses publiques – qui pourrait le contester ? – mais qu'elles sont aussi définies en fonction du besoin capacitaire physique en crédits de paiement exprimé par nos armées, et en fonction de la capacité de nos industriels à produire ces équipements. Aussi la proposition de certains consistant à basculer le gros de l'effort en début de cette LPM supposerait-elle une solution magique pour livrer en douze ou vingt-quatre mois des grands programmes d'équipements majeurs prévus parfois sur une décennie ! À moins que, sans le dire, ils ne souhaitent acheter du matériel sur étagère à l'étranger. Cette position a sa propre cohérence mais ce n'est pas celle du Gouvernement et elle ne correspond pas non plus à l'ambition du général de Gaulle, celle d'une armée équipée par une industrie de défense purement souveraine.

La trajectoire budgétaire qui vous est proposée répond, elle, à un impératif de soutenabilité et de sincérité de nos dépenses militaires. Sans quoi, en fin de programmation, on reprocherait aux armées de ne pas avoir été en mesure de dépenser les crédits qui leur sont attribués. Cette position enverrait un signal de faiblesse et serait à bien des égards non crédible.

Sur l'inflation, les nombreuses auditions en commission ont permis à chaque parlementaire, je le crois, de mieux comprendre les nombreux mécanismes qui sont propres au ministère des armées pour en limiter les effets. Ces mécanismes n'existent d'ailleurs dans aucun autre ministère de la République. Il suffit de constater, s'il était besoin d'une preuve de leur efficacité, qu'aucun programme n'a pris de retard en 2022 ni en 2023.

Les travaux en commission ont enfin soulevé des débats intéressants sur le fonctionnement réel des armées, et donc sur l'équilibre à trouver, la cible efficace à atteindre pour les équipements dont nous allons doter nos armées. Je veux d'abord vous dire très directement que lorsque le budget des armées double en l'espace de treize années, il est difficile d'y voir des renoncements puisque toutes les lignes budgétaires augmentent pour les trois armées. Les équipements de celles-ci seront très largement renouvelés ; sur sept ans, ce sont près de 200 milliards d'euros qui iront vers les programmes industriels. Cela appelle des efforts majeurs en termes de qualité – nous y reviendrons –, de délais de production, de maîtrise des coûts, de maintenance et de gestion des stocks pour notre base industrielle et technologique de défense. Néanmoins, il ne s'agit pas d'investir sur toutes les lignes à l'aveugle sans répondre à un objectif clair : celui de la cohérence du modèle d'armée que nous souhaitons, que j'évoquais en introduction.

Avec l'appui du chef d'état-major des armées et sous l'autorité du Président de la République, j'ai donc pris le parti de privilégier la cohérence d'une capacité militaire dans son ensemble, par rapport à la seule quantité des matériels. C'est au fond l'exigence de regarder, dans le rapport annexé, autant le tableau des contrats opérationnels que celui des équipements capacitaires – le second, je le rappelle, n'étant au service que du premier. Il ne servirait à rien d'avoir des centaines de canons Caesar dans des hangars sans les artilleurs qui les font fonctionner et les maintiennent en condition opérationnelle. Ces canons n'auraient pas d'utilité sans les militaires qui les engagent, les équipements qui les accompagnent, les pièces détachées, les systèmes d'information et de combat, les infrastructures qui les abritent et les munitions qui les arment. Cela aussi, c'est un retour d'expérience de l'Ukraine.

En cela, cette loi de programmation répond au juste besoin opérationnel de nos armées, où il est grand temps de reparler de brigades, de divisions et de corps d'armée. La cohérence opérationnelle, c'est ce que nous devons à nos militaires. Elle s'exprimera particulièrement dans l'armée de terre, qui va pouvoir améliorer sa réactivité et sa puissance. Dès 2027, les premiers éléments de l'échelon national d'urgence pourront, au bout d'un mois, être renforcés au niveau d'une division autonome à deux brigades avec ses appuis, en étant en mesure d'accueillir des contributions alliées. Ces 12 000 à 15 000 soldats, entraînés à la haute intensité et servant des matériels « scorpionnisés » modernes et interconnectés, seront appuyés par de nouveaux moyens de franchissement, les premiers canons Caesar de nouvelle génération et encore plus d'hélicoptères aux derniers standards. Là aussi, plus qu'une réparation, c'est une transformation.

Ainsi, je retiens que l'effort à conduire pour les soutiens qui accompagnent nos militaires en opération, que vous êtes nombreux à avoir évoqués en commission – tels le service de santé des armées, le commissariat des armées ou les techniciens en charge de la mise en condition opérationnelle – n'est pas fondamentalement remis en question par la trajectoire d'investissement que nous proposons, même si certains amendements peuvent venir proposer des pistes d'efforts, ou en tout cas des clarifications. Nous les examinerons avec attention.

Il en va de même pour les choix que nous vous proposons pour l'innovation, avec 10 milliards d'euros alloués sur la période pour que nos armées soient au rendez-vous des sauts technologiques qui s'imposent à elles. Ces investissements irrigueront par ailleurs tout le tissu de l'innovation, des écoles d'ingénieurs aux grandes entreprises en passant par les start-up et les petites et moyennes entreprises. Des amendements utiles viendront éclairer les objectifs, qu'ils portent sur les drones de demain, le quantique, l'intelligence artificielle ou les armes à énergie dirigée. Cette demande s'est également exprimée en commission.

Les choix que je vous soumets visent donc à permettre de préserver notre modèle d'armées et à monter en puissance sur des segments militaires indispensables à notre souveraineté, en cohérence avec les capacités de production de nos industriels.

Je veux enfin revenir, pour conclure, sur les sujets sur lesquels nous nous sommes accordés – en tout cas, je le crois – au cours de la semaine passée en commission. Des amendements de la majorité comme des oppositions ont été adoptés, avec souvent de belles unanimités, pour améliorer le texte que je vous propose, et j'en suis très heureux.

En premier lieu, je crois que nous sommes tombés d'accord sur la préservation, et même le renforcement, du lien sacré qui unit la nation à ses armées. C'est ainsi que l'article 11 du projet de loi, relatif à l'Ordre de la Libération, en adapte les fondements juridiques pour garantir son avenir. Ce lien implique aussi la nécessité d'associer de plus en plus de nos compatriotes, notamment les plus jeunes, aux commémorations. Les secrétaires d'État ici présentes auront l'occasion d'y revenir. Ce lien passe enfin, plus généralement, par tout ce qui favorisera chez nos concitoyens la reconnaissance, la considération, le soutien à nos forces armées ou à nos anciens combattants – ce qui est une forme courante, paisible mais vivante, de patriotisme.

Concernant l'accompagnement de nos soldats et de leurs familles, toutes les sensibilités se sont accordées en commission pour confirmer l'ambition de la LPM d'intensifier les efforts entrepris dans le premier plan « famille ». Le nouveau plan sera donc financé, si vous le votez ainsi, à hauteur de 750 millions d'euros. Il sera entièrement centré sur la vie familiale, pour compenser les absences et les contraintes opérationnelles propres au statut du militaire, en tout temps et tout lieu. Il engagera pour la première fois des partenariats avec les collectivités locales volontaires, pour accompagner nos soldats et leurs familles dans leur recherche de logement et de solutions de scolarisation, de garde d'enfants et d'emploi pour le conjoint. Ce pan de la LPM comprend en outre un volet pour l'accompagnement des blessés, doté de 169 millions d'euros, qui simplifiera l'accès aux droits, ainsi que la reconnaissance et la réparation que la nation doit à ses soldats blessés pour elle. Mme la secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire pourra y revenir aussi.

Le deuxième sujet sur lequel nous avons réussi à trouver une convergence lors des débats en commission est la politique salariale du ministère. Vous partagez tous ici, je le crois, l'objectif de mieux reconnaître les hommes et les femmes du ministère, militaires comme civils, sans opposer l'indemnitaire et l'indiciaire de façon stérile mais en définissant un bon équilibre. Un effort ciblé sera ainsi conduit pour renforcer la progression par les grilles indiciaires, notamment pour les militaires du rang et les premiers grades de sous-officiers dès 2023, puis – je vous l'annonce – en 2024 pour les sous-officiers supérieurs, qui sont, en quelque sorte, la véritable colonne vertébrale de nos armées et, à partir de 2025 pour les officiers.

Ces efforts s'ajouteront aux efforts considérables déjà entrepris sur l'indemnitaire avec la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM), ainsi qu'à de nouvelles mesures indemnitaires à venir. Cette politique salariale, couplée à nos efforts pour la prise en compte des familles, des conditions de travail, de l'activité et des soutiens, permettra à la fois de fidéliser et d'inciter les militaires du rang et les sous-officiers à prendre des responsabilités. C'est la promesse méritocratique que la République doit à ses soldats. La commission a voté en ce sens plusieurs amendements de la majorité mais aussi des oppositions. C'est une bonne chose, et je rappelle l'effort de 10 milliards d'euros supplémentaires sur la période pour la rémunération de nos personnels, avec une cible d'effectifs permanents inchangée à 275 000 personnes.

Dans la lignée de ces sujets, les débats en commission ont permis de partager la nécessité de faire évoluer le format de la réserve militaire. Pour remplir leurs missions, nos armées ont, comme la direction générale de l'armement, besoin de s'appuyer sur une réserve plus forte, plus nombreuse, mieux équipée, mieux formée, mieux entraînée et surtout pleinement intégrée à l'active. À l'horizon 2035, nous visons un réserviste pour deux militaires d'active, c'est-à-dire peu ou prou 300 000 militaires, dont 200 000 d'active et 100 000 de réserve. Si le ratio a pu faire l'objet de questions légitimes, le principe général est partagé. Le groupe de travail réuni cet hiver avait déjà été constructif sur ce sujet, nos débats en commission ont été profitables et plusieurs amendements pertinents sont venus enrichir le texte.

Enfin, nos débats en commission ont permis de faire émerger un consensus – et c'est heureux – sur les conséquences liées au réchauffement de la planète. La programmation militaire actera que notre modèle d'armée doit intégrer dans ses missions les effets du réchauffement climatique. De fait, c'est déjà le cas mais il y a de la force à l'inscrire dans ce texte.

Je pense en particulier à nos outre-mer, en première ligne avec la montée des eaux, des événements climatiques de plus en plus récurrents et violents, sans oublier les enjeux liés à la pêche illégale ou à l'orpaillage illégal.

Cela implique de renforcer nos capacités de projection rapide, en outre-mer notamment, pour mener à bien ces missions, mais aussi de doter nos forces de nouveaux segments technologiques comme les drones, les équipements de liaison, de franchissement, de reconstruction ; ils nous permettront d'être réactifs et présents en cas de catastrophe naturelle.

Les débats que nous nous apprêtons à avoir seront assurément un moment de vérité devant les armées, les Français, pour nos alliés et face à nos compétiteurs. Nous ne serons pas d'accord sur tout mais il est important, pour préparer l'avenir de notre défense nationale, que nous en tirions un texte qui rassemble le plus largement.

Je souhaite que nos discussions en séance permettent de l'améliorer encore. Pour nos soldats, en ayant une pensée pour les tués et les blessés ; pour notre nation, car cette loi de programmation militaire doit garantir notre sécurité en assurant, pour les sept prochaines années et plus longtemps encore, le succès des armes de la France.

Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem, HOR et LIOT – M. Jean-Louis Thiériot applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. Jean-Michel Jacques, rapporteur de la commission de la défense nationale et des forces armées.

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À l'heure du retour de la guerre en Europe, de l'agression russe en Ukraine, de la stratégie de puissance de la Chine ou encore de la multiplication des menaces hybrides, chacun sait combien les armées sont importantes pour faire entendre la voix de la France. Les mots du général de Gaulle sont toujours d'actualité : « La France ne peut être la France sans la grandeur. » En son temps, lui aussi avait été confronté à des bouleversements géostratégiques et technologiques majeurs et, bien que son choix d'investir massivement dans le nucléaire militaire, au détriment d'autres investissements, ait été décrié, l'histoire lui a donné raison !

Aujourd'hui, l'enjeu est que la France voie son autonomie d'analyse, de décision et d'action garantie et qu'elle conserve son statut de puissance d'équilibre et de nation cadre.

Soyons les fervents défenseurs de nos valeureux soldats ! Fidèles à l'histoire et aux valeurs de l'armée française, ils sont prêts à aller jusqu'au sacrifice suprême si la réussite de leur mission les y oblige. J'ai, en ce moment, une pensée émue pour les soldats blessés et morts pour la France. Je sais que chacun d'entre vous s'associe à cet hommage.

Derrière les trajectoires financières ou capacitaires, il ne faut jamais oublier qu'il y a des femmes et des hommes, civils ou militaires ; ils sont la première richesse des armées.

Après des décennies de sous-investissements, la dernière LPM a eu un impact positif sur le quotidien des militaires et a permis d'engager une modernisation capacitaire. Après le temps de la réparation vient aujourd'hui celui de la transformation. Celle-ci s'articule autour de cinq axes.

Le premier – la clé de voûte – est la modernisation de la dissuasion nucléaire, dans toutes ses composantes et dans une logique de stricte suffisance.

Que nos armées soient prêtes à agir de manière décisive dans le cas d'un engagement majeur constitue le deuxième axe. Il est donc essentiel de consolider le soutien logistique, le maintien en condition opérationnelle et les capacités de haute intensité, comme l'artillerie lourde, la défense sol-air, les drones, les munitions et les blindés. Comme tous les équipements, ces capacités doivent tirer profit des ruptures technologiques qui se produisent dans les domaines du quantique, de l'intelligence artificielle, de l'hypervélocité ou encore de la connectivité.

Le troisième axe consiste à donner aux armées les capacités d'agir dans les champs hybrides : espace, fonds marins, cyber, bulles informationnelles.

Le quatrième axe concerne les territoires d'outre-mer, qu'il s'agit de mieux protéger encore face aux pressions de nos compétiteurs.

Enfin, l'entrée dans une logique d'économie de guerre, qui nous permettra de gagner en agilité de production en cas d'engagement dans un conflit de haute intensité, est le cinquième axe du projet de loi.

Je salue la méthode qui a consisté à réexaminer, de façon approfondie, les besoins des armées. Cela a permis de définir une trajectoire physico-financière adaptée et cohérente avec les objectifs et les menaces. À rebours d'une culture commandée par le principe de précaution, je me réjouis de voir l'audace et la prise de risques valorisées, avec la réduction des normes et la simplification des circuits de décision.

Je suis persuadé que l'examen de ce texte sera pour nous l'occasion de débattre de la politique de défense de façon constructive, guidés par une unique boussole, l'intérêt supérieur de la nation. Bon débat, et vive l'armée française !

Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem, HOR.

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La parole est à Mme Sabine Thillaye, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à laquelle la commission de la défense a délégué l'examen des articles 32 à 35.

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Un chapitre important du projet de LPM est consacré à la sécurité des systèmes d'information. Protéiforme, la menace cyber évolue sans cesse et augmente, en France comme dans le reste du monde. Les agresseurs ne sont plus seulement des hackers isolés mais des acteurs industriels capables de cibler des secteurs d'activité entiers ou des groupes désireux de s'attaquer au fonctionnement des institutions.

Dans son Panorama de la cybermenace 2022, l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) révèle que 831 attaques ont été perpétrées l'an dernier. Elle montre que les attaques de rançongiciels contre les opérateurs régulés publics ou privés ont diminué et que la menace cyber s'est déplacée vers des entités moins bien protégées, telles que les collectivités territoriales, les hôpitaux et les PME.

L'externalisation croissante des services informatiques auprès d'entreprises de services numériques accroît le risque d'attaque : quinze de ces entreprises ont été touchées en 2020, soit plus du double par rapport à l'année précédente. Pour une plus grande efficacité, les cyberattaquants ciblent principalement les sous-traitants et les fournisseurs, dont le niveau de sécurité est moins élevé que celui des opérateurs stratégiques ; ils accèdent, ce faisant, à des informations de valeur.

L'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques, estime à plus de 100 milliards de dollars le préjudice financier mondial. En outre, ces attaques perturbent la continuité du service public et, lorsqu'elles concernent les hôpitaux par exemple, elles compromettent la confidentialité des données personnelles des patients.

C'est dans ce contexte que s'inscrit le projet de LPM ; son chapitre V prend acte de l'évolution de cette menace. Les articles 32, 33 et 34 créent de nouveaux dispositifs tandis que l'article 35 prolonge des dispositions introduites par la précédente LPM.

L'article 32 autorise l'Anssi à prescrire des mesures graduelles – blocage, suspension – sur les noms de domaine lorsque leur exploitation, à l'insu de leur titulaire, constitue une menace susceptible de porter atteinte à la sécurité nationale.

L'article 33 prévoit que les agents de l'Anssi peuvent être destinataires des données techniques non identifiantes enregistrées sur les serveurs des fournisseurs de système de résolution de noms de domaine, aux seules fins de détecter et de caractériser des attaques informatiques.

L'article 34 renforce les exigences de transparence qui s'appliquent aux éditeurs de logiciel : ces derniers doivent notifier à l'Anssi et aux utilisateurs toute vulnérabilité significative ou tout incident informatique grave.

Enfin, pour renforcer les capacités de détection des cyberattaques et l'information des victimes, l'article 35 permet en particulier à l'Anssi, en cas de menace grave sur les systèmes d'information des autorités publiques et des opérateurs stratégiques, de mettre en œuvre des dispositifs de recueil de données. Ce même article oblige les opérateurs de communications électroniques stratégiques à mettre en place des systèmes de détection des attaques informatiques.

La commission des lois a examiné quatre-vingt-onze amendements et adopté quarante-six d'entre eux, déposés par tous les groupes qui en avaient présenté. Le texte, sans qu'il ait perdu de son utilité opérationnelle, me paraît aujourd'hui plus clair et plus équilibré. Respecter les libertés fondamentales, tout en préservant la sécurité de la nation et en défendant les intérêts des entreprises françaises, a été notre seul guide. Il est évidemment plus difficile de trouver un équilibre entre ces trois objectifs que de défendre une position tranchée sur un seul d'entre eux.

Je vous invite à voter largement en faveur de ces quatre articles, essentiels pour la protection des intérêts nationaux, tels qu'ils ont été adoptés par la commission des lois.

Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.

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La parole est à M. le président de la commission de la défense nationale et des forces armées.

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Nous voilà réunis pour l'étude du projet de loi de programmation militaire 2024-2030. Comme vous le savez, une LPM n'est pas une loi ordinaire car elle conditionne nos capacités de défense nationale, dont dépendent notre sécurité, nos libertés, notre démocratie et même notre modèle social. Ce n'est pas une loi ordinaire car elle arme les militaires, qui risquent leur vie pour notre sécurité. Enfin, ce n'est pas une loi ordinaire car elle nous invite à réfléchir dans le temps long, quand notre société est souvent orientée vers le court terme : ainsi, ce texte prépare les SNLE de troisième génération, dont les derniers exemplaires seront encore en service dans soixante ans.

En outre, ce projet de LPM nous est présenté dans un contexte exceptionnel : je pense au retour de la guerre en Europe mais aussi aux mutations technologiques profondes, qui rebattent les cartes de la puissance.

C'est pourquoi la commission de la défense a redoublé d'efforts ces six derniers mois pour préparer l'examen du texte. Près de quatre-vingt-dix auditions ont été menées, cinq missions d'information ont été constituées, une quarantaine de visites ont été organisées, sur quasiment tous les continents.

Pour qu'il rassemble le plus possible, ce texte a été examiné de la manière la plus ouverte possible. Contrairement aux usages, ce n'est pas le président de la commission de la défense qui a été nommé rapporteur, mais Jean-Michel Jacques, que je remercie pour son implication constante.

Le difficile examen des articles 32 à 35 a été délégué à la commission des lois ; je remercie Sabine Thillaye d'avoir su prendre le taureau par les cornes. La commission des finances et la commission des affaires étrangères ont été saisies pour avis.

Par ailleurs, nous avons demandé à l'Opecst, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, de nous remettre un rapport sur les retombées de la LPM en matière d'innovations technologiques. La commission des affaires européennes s'est également saisie du texte.

Bien au-delà de notre assemblée, l'association Les Jeunes IHEDN – Institut des hautes études de défense nationale – s'est mobilisée ; quatre débats publics, à Brest, Pau, Biscarrosse et Bergerac, ont réuni plus d'un millier de nos concitoyens.

Cette même ouverture a présidé à l'examen du projet de loi de programmation en commission de la défense puisque, par rapport au texte de 2018, nous y avons consacré deux fois plus de temps, examiné – et adopté –deux fois plus d'amendements.

Grâce aux 175 amendements adoptés, nombreux à provenir des oppositions, des avancées significatives ont d'ores et déjà été obtenues : les 13 milliards d'euros de ressources extrabudgétaires ont été sécurisés ; le Parlement se voit confier des capacités de contrôle renforcées ; les établissements d'enseignement technique et préparatoire militaire sont éligibles à la taxe d'apprentissage.

Chers collègues, vous pouvez donc compter sur l'engagement des commissaires à la défense.

Ces résultats, nous les devons aussi à notre ministre des armées, Sébastien Lecornu. Constamment présent pendant les plus de trente heures qu'ont duré nos débats, il n'a esquivé aucune discussion pour défendre les choix ambitieux de cette LPM.

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Mes chers collègues, ce qui nous réunit, c'est la défense de notre pays. Nous devons regarder le monde tel qu'il est aujourd'hui, tel qu'il sera en 2030 et non tel que nous souhaiterions qu'il soit. Le songe aussi fugace que trompeur des dividendes de la paix a laissé place à une arène mondialisée où l'intérêt prime le droit et où le recours à la force est trop souvent désinhibé.

Cet inquiétant paysage nous a conduits, dès 2018, à voter, pour réparer nos armées, une LPM 2019-2025 dont l'exécution s'est faite à l'euro près, fait qui semble inédit dans l'histoire récente. On n'efface toutefois pas trente ans de sous-investissement en cinq ans. C'est pourquoi il nous faut poursuivre l'effort et engager la transformation de nos armées, tout en gardant la maîtrise de nos finances publiques. La présente LPM est un texte d'équilibre répondant à cette double responsabilité. Comme le déclarait le Président de la République à Mont-de-Marsan, dans cette LPM à 413 milliards d'euros, il n'y a « ni aise, ni confort », il « n'y a que le nécessaire ». Nos débats nous permettront de revenir dans le détail sur les différents investissements et sans doute de continuer à améliorer ensemble le texte.

Si cette LPM est exceptionnelle, si nous savons pouvoir compter sur l'engagement sans faille de nos soldats, il est nécessaire aussi de rappeler que la défense nationale est l'affaire de tous. Dans un contexte où l'hybridité des conflits devient la règle et où chacun est une cible, il est plus que jamais essentiel que toutes les forces vives de la nation – entreprises, collectivités, citoyens – contribuent, à leur niveau, à une défense globale. C'est pourquoi, nous devons chacun agir pour développer une large culture de défense dans notre pays. À l'heure où la société française se questionne, se fracture parfois, insister sur le fait que la défense est l'affaire de tous, c'est aussi affirmer que notre projet collectif républicain mérite qu'on en prenne soin et qu'on le défende, par la force si nécessaire. C'est grâce non seulement à une armée efficace mais aussi à l'engagement de tous que nous pourrons collectivement faire face aux désordres internationaux et contribuer à la paix dans le monde.

Je vous souhaite à toutes et à tous de très bons débats de fond.

Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem, HOR ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LR.

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La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.

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Un diplomate : peut-être parlera-t-il de la paix ?

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Nous entamons l'examen de l'un des textes phares de cette législature. Il est, en raison de son objet, absolument fondamental pour notre République et pour la nation. Il l'est aussi du fait de son contenu, puisqu'il porte l'enveloppe globale des crédits de notre défense à 413 milliards d'euros, soit une augmentation de 113 milliards sur la période 2024-2030.

Je ne m'étendrai pas sur les chiffres mais que chacun en juge en toute objectivité : l'annuité de la mission budgétaire relative à la défense va passer de 47 milliards d'euros, l'an prochain, à 69 milliards, en 2030, soit une augmentation de 46,8 %. Notre pays s'apprête à consacrer bientôt 2 % de son produit intérieur brut à son effort de défense. De tels arbitrages sont nécessaires car la poursuite de l'effort de régénération des capacités de nos armées suppose le maintien de la trajectoire budgétaire exigeante qui a été suivie avec succès, monsieur le ministre, ces dernières années.

L'Ukraine nous rappelle nos devoirs et nous appelle à la vaillance. Est-il normal que ce soient nos alliés américains qui consentent l'essentiel de l'effort de guerre en faveur de ce pays alors que l'Europe est opulente et développée ?

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Quand je regarde ce que nous faisons pour les autres, je ne me désole pas, loin de là, mais quand je regarde ce que nos alliés outre-Atlantique font de leur côté pour les Européens, je ne me console pas. Je me console d'autant moins que, comme l'a souligné le Président de la République, l'engagement de nos alliés américains aux côtés de l'Europe depuis ce sinistre 24 février 2022 ne peut être considéré comme étant aussi pérenne et automatique que l'engagement interallié que nous avons connu, non pas seulement parce que les aléas de la politique américaine ne nous mettent pas à l'abri d'une vague isolationniste, mais surtout, et beaucoup plus légitimement, parce que d'autres enjeux géopolitiques sollicitent les Américains. Cela implique une exigence : les Européens de l'Ouest doivent prendre la relève, en cessant de considérer que leur sécurité est l'affaire des autres avant d'être la leur.

Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et RE.

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Cette tentation n'a jamais été celle de la France sous la Ve République et elle l'est moins que jamais. Je me réjouis de la constance de notre engagement national en faveur d'une dissuasion nucléaire destinée à protéger nos intérêts suprêmes. Cette exigence de vaillance passe par un développement vigoureux de notre effort budgétaire. Elle commande de porter dès 2025 celui-ci à hauteur de 2 % de notre produit intérieur.

Votre projet de loi, monsieur le ministre, est très attendu. Il l'est par nos forces armées, c'est-à-dire par des femmes et des hommes ayant délibérément choisi d'exposer leurs vies pour notre sécurité. Il l'est aussi par nos partenaires internationaux ainsi que par nos compétiteurs ou rivaux stratégiques. Il l'est enfin par notre assemblée, qui se prépare depuis plusieurs mois à ce rendez-vous démocratique et politique important.

La commission que j'ai l'honneur de présider a légitimement souhaité apporter elle aussi sa pierre à l'édifice. Je me félicite de l'accueil réservé à nos propositions visant à ce que soit mieux reconnu le cadre européen de nos intérêts et de notre outil de défense, dans le respect des engagements historiques envers nos alliés.

Certains points d'achoppement subsistent néanmoins, relatifs notamment à la participation de la commission des affaires étrangères au suivi et au contrôle de la mise en œuvre des engagements pris et à la portée du rapport annuel sur les exportations d'armement. J'espère que nos débats en séance permettront d'aboutir à une solution consensuelle.

À travers ce texte, le Gouvernement prend en considération les changements et les nouveaux défis qui se présentent à nous et il entend leur consacrer d'importants moyens. Dans un contexte d'incertitude accrue, le maintien d'un modèle d'armée complet et cohérent constitue un impératif et nous nous réjouissons de voir que c'est le vôtre, monsieur le ministre.

Vous avez une ambition réelle pour nos forces armées et notre modèle de défense, ambition à laquelle nous souscrivons. Nous avons émis un avis favorable à l'adoption de ce texte, moyennant quelques amendements. Son examen s'est jusqu'à présent déroulé dans des conditions qui honorent notre assemblée et que l'on souhaiterait voir plus régulièrement observées. Vous n'êtes pas étranger à cette situation, et je vous remercie de votre disponibilité et de votre écoute.

Pour ma part, c'est avec conviction que j'apporterai ma voix pour voter en faveur de ce texte qui fait honneur à nos forces armées et qui répond aux besoins de la nation.

Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, RE et HOR ainsi que sur quelques bancs du groupe LR. – M. Christophe Naegelen applaudit également.

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La parole est à M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes.

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M. le rapporteur l'a rappelé, nous débattons dans un contexte international qui donne une responsabilité particulière à la France et à nos armées : grands conflits internationaux, parfois de haute intensité comme en Ukraine, tensions géopolitiques exacerbées, renforcement des grandes puissances autoritaires, accentuation d'une stratégie clairement destinée à remettre en cause l'ordre international que nous le connaissons depuis la fin de la guerre froide, ordre dans lequel la France et l'Europe avaient pris toute leur place et qui nous permettait d'assurer la paix.

Alors que la guerre est de retour en Europe et que les nationalismes belliqueux redoublent d'efforts, le rôle de la France, puissance d'équilibre qui dispose de la première armée de l'Union européenne, est d'assurer aux femmes et aux hommes qui nous protègent les moyens de le faire. En prévoyant 413 milliards d'euros d'investissements sur sept ans et en portant notre effort de défense à 2 % du PIB, ce projet de loi de programmation militaire permet à notre pays d'être à la hauteur des défis de notre époque.

Comme l'a rappelé la revue nationale stratégique (RNS) de novembre 2022, de l'Europe à l'Asie, en passant par le Sahel, le Levant et l'Indo-Pacifique, les menaces sont multiples et s'agrègent plutôt qu'elles ne se succèdent. Dans ce contexte, notre horizon doit être celui du renforcement de nos armées mais aussi de l'autonomie stratégique européenne.

Cette LPM, nationale par nature, constitue un apport majeur à la politique européenne de sécurité et de défense. Par sa puissance de projection, par le renforcement de sa dissuasion nucléaire, à laquelle nous tenons, par le maintien en condition opérationnelle des équipements, par notre maîtrise du cyber, du spatial et de l'ensemble des éléments du spectre des guerres de demain, la France, nation souveraine, participe à l'affirmation de l'autonomie stratégique de l'Europe.

Ces dernières années, nous avons immensément progressé dans ce domaine : de la coopération structurée permanente (CSP) à la boussole stratégique européenne en passant par la création du Fonds européen de la défense (FED), nous avons posé les bases de la défense européenne et de son affirmation. Avec la guerre en Ukraine, une nouvelle étape a été franchie puisque la Facilité européenne pour la paix (FEP) a été mobilisée pour financer l'effort de guerre de l'Ukraine et former ses soldats. Saluons ici l'investissement de la France dans ce dispositif. Il faudra évidemment poursuivre dans cette voie.

Le conflit en Ukraine, qui fait rage depuis plus d'un an, nous enseigne qu'il faut nous préparer, avec nos partenaires européens, au recours à un rythme accéléré à la très haute technologie – du cyber au quantique, en passant, demain, par l'intelligence artificielle – et au retour des conflits de très haute intensité, notamment en Ukraine avec des scènes de guerre, de Bakhmout à Marioupol, que nous croyions appartenir au siècle passé tant elles rappellent les batailles de Verdun ou de la Somme.

C'est aussi pour cela, monsieur le ministre, que la France a raison de soutenir l'Ukraine. Je salue de nouveau les annonces du Président de la République sur la formation des pilotes ukrainiens ainsi que sur l'entraînement et l'équipement de plusieurs bataillons ukrainiens formés de dizaines de véhicules blindés et de chars légers. Notre soutien à l'Ukraine est efficace car il est européen. La formation que nous dispensons aux pilotes de chasse ukrainiens prend tout son sens quand d'autres pays européens leur livrent des avions.

Bien sûr, comme l'a rappelé M. le ministre, nous ne sommes pas tous d'accord sur nos alliances internationales, nos partenariats et nos coopérations. Si la France est forte dans le monde, c'est aussi parce qu'elle est au cœur d'une Europe qui se renforce, une Europe de plus en plus indépendante, parce que notre pays développe des coopérations, des partenariats, notamment industriels avec nos voisins allemands, italiens, espagnols et belges.

Il est question non pas de dissoudre l'armée française dans un large ensemble européen, comme certains mensonges veulent le faire croire, mais bien d'imaginer collectivement une capacité opérationnelle d'intervention, utile sur le terrain à la protection de nos intérêts. Si demain un de nos grands partenaires doit regarder ailleurs, comme cela a déjà été le cas, nous devrons être en mesure d'agir avec les Européens à l'intérieur de l'Otan ou en dehors de l'Alliance et, si nécessaire, d'assurer les capacités de commandement qui nous permettront de mener ensemble une opération d'ampleur, comme l'a rappelé le Président de la République.

Sur le terrain, nos forces armées savent bien que l'Europe est un levier de puissance pour la France. Grâce aux efforts européens, les femmes et les hommes qui nous défendent peuvent se déployer conjointement avec leurs frères d'armes européens sur pas moins de neuf théâtres d'opérations – la task force Takuba en est une belle illustration.

Avec cette loi de programmation militaire, nous renforçons le modèle unique et éprouvé de nos armées. Il n'est qu'à voir la reconnaissance mondiale qu'a suscitée notre intervention au Soudan, tant parmi les Européens que nos partenaires de l'Otan.

Avec cette loi de programmation militaire, nous préparons l'avenir technologique, qu'il s'agisse de cyber ou de spatial, ainsi que les nouveaux champs de confrontation des puissances. En Indo-Pacifique, face à une Chine qui ne fait plus mystère de sa puissance, la France tient son rang grâce à son armée et ses territoires d'outre-mer.

Avec cette loi de programmation militaire, nous faisons acte de souveraineté tant nationale qu'européenne en renforçant notre défense et en donnant à nos armées les moyens de notre puissance.

Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.

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La parole est à Mme Louise Morel, rapporteure pour observations de la commission des affaires européennes.

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C'est la première fois que la commission des affaires européennes est saisie pour observations sur un projet de loi de programmation militaire. S'exprimer à cette tribune, sur ce sujet, avec un regard européen, est donc un exercice inédit. Cette loi de programmation militaire vise à définir les orientations stratégiques de la défense nationale pour les années 2024 à 2030 et à procurer aux armées les moyens matériels et financiers, nécessaires pour atteindre les objectifs fixés.

L'adoption anticipée d'une nouvelle loi de programmation militaire tient à l'évolution rapide du contexte stratégique. Si l'invasion de l'Ukraine vient à l'esprit en premier, la revue nationale stratégique de novembre 2022 dressait déjà un état des lieux inquiétant de la situation mondiale, avec une compétition plus intense entre grandes puissances et une augmentation rapide des budgets militaires russe et chinois.

La France peut difficilement relever seule l'ensemble de ces défis et l'Europe a joué jusqu'à présent un rôle de second plan au niveau mondial, l'Otan et les États-Unis restant les protecteurs du continent européen. Or, si l'Europe ne peut assurer seule sa propre défense, son poids dans le monde s'en trouvera réduit.

Force est de constater que l'invasion de l'Ukraine a été un électrochoc. Si l'Europe s'est fortement mobilisée pour aider l'Ukraine contre l'agression russe, cet effort sans précédent a également révélé les limites de l'autonomie stratégique européenne, qui doit se construire face à deux contraintes.

La première tient à ce que la défense reste une prérogative nationale, intimement liée à la souveraineté des États, dont la mutualisation reste limitée par le niveau d'intégration politique du continent. C'est pourquoi l'Europe de la défense s'est concentrée depuis le traité de Lisbonne sur le renforcement de l'industrie de défense et sur la mutualisation de moyens, en vue de missions toutefois encore limitées dans leurs formats et leurs finalités.

La seconde contrainte concerne l'Europe de la défense : celle-ci se construit d'autant moins vite que la défense du continent a été confiée depuis 1949 à l'Otan. Le rôle prépondérant des États-Unis en son sein a conduit de nombreux États européens à ne concevoir leurs moyens militaires que comme une contribution à la défense collective du continent, coordonnée par l'Alliance atlantique et assurée principalement par les États-Unis.

Toutefois, l'Union européenne a fait petit à petit des pas vers une coopération européenne en matière de défense. Ainsi, depuis l'instauration de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) en 1999, plus de quarante missions civiles et militaires ont été engagées au service d'une politique étrangère disposant désormais de moyens d'intervention certes encore limités, mais de plus en plus significatifs. D'autre part, la création de l'Agence européenne de défense (AED) en 2004, du Fonds européen de la défense en 2016, de la coopération structurée permanente en 2017 et de la Facilité européenne pour la paix en 2021 témoigne des étapes parcourues vers la construction d'une défense intégrée, même si celle, décisive, de l'autonomie n'a pas été franchie.

La présente loi de programmation militaire contribue de façon indirecte à cet effort, même si elle ne contient pas de dispositions qui soient directement liées à la coopération européenne. Le rapport annexé auquel renvoie l'article 2 du texte fait état de l'importance comme des limites des coopérations au service de l'autonomie stratégique européenne. De plus, la contribution française à la défense européenne est avant tout une question de capacité. La défense collective de l'Europe, qu'il s'agisse de l'Otan ou de la coopération européenne en matière de défense, repose d'abord, rappelons-le, sur l'agrégation de forces nationales et non sur la constitution d'une véritable armée multinationale.

La LPM fera toutefois avancer le sujet de la coopération européenne en matière de défense. En portant les dépenses militaires à 2 % du PIB en 2030, elle permet à la France de maintenir son rang en Europe au moment où ses partenaires européens augmentent eux-mêmes leurs budgets. Elle renforce également les moyens de notre pays dans des domaines peu visibles mais cruciaux : achats de munitions, de pièces détachées, entraînement et réactivité des forces. Enfin, elle maintient l'effort budgétaire en faveur de la dissuasion nucléaire française, ce qui renforce l'autonomie stratégique européenne, puisque la France est, depuis le Brexit, l'unique puissance nucléaire de l'Union.

Pour conclure, l'autonomie stratégique européenne n'est pas une utopie. L'invasion de l'Ukraine a montré que le continent doit être défendu ; nos alliés américains sont d'ailleurs les premiers à souhaiter que l'Europe assume davantage sa propre défense. Mais l'autonomie stratégique européenne est d'abord une question de moyens. L'Europe de la défense devra émerger sur la base d'un renforcement des armées nationales européennes, peut-être en se substituant à l'Otan dans un nombre croissant de ses fonctions, à travers un usage plus fréquent de matériels européens et, finalement, en intégrant pleinement les politiques de défense et de sécurité aux traités européens.

Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe RE.

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J'ai reçu de M. André Chassaigne et des membres du groupe Gauche démocrate et républicaine – NUPES une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Fabien Roussel.

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Décider d'engager au cours des sept prochaines années 413 milliards d'euros en faveur de nos armées est un sujet sérieux et important. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons déposé une motion de rejet préalable, parce que nous souhaitons que les choix opérés dans ce texte fassent l'objet d'un large débat avec nos concitoyens, avec la société tout entière et non pas seulement au sein de notre assemblée.

En premier lieu, la présente loi de programmation militaire implique une stratégie au service de l'Otan, que les Français doivent connaître. Vous avez déclaré, monsieur le ministre, défendre une autonomie stratégique de la France. Toutefois, en quoi consiste cette autonomie alors que la France a rejoint le commandement intégré de l'Otan ? En ce qui nous concerne, nous souhaitons qu'elle se retire du commandement intégré et retrouve pleinement son autonomie stratégique, si chère aux gaullistes et aux communistes – nous sommes en cela fidèles à l'histoire.

Ensuite, le budget de la défense atteindra 69 milliards d'euros en 2030, alors que votre gouvernement demande aux Français énormément d'efforts, en particulier de travailler plus longtemps pour financer le système de retraite. Ce montant de 69 milliards représentera le premier budget de l'État – c'est inédit sous la Ve République – devant celui de l'éducation nationale.

Afin de lever toute ambiguïté quant à la position des élus communistes et du groupe Gauche démocrate et républicaine, je rappelle que nous sommes très attachés à l'indépendance et à la souveraineté de la France en matière de défense et d'industrie de défense. Nous voterons donc toutes les dépenses à même d'augmenter les moyens dans ce domaine, de les moderniser, de permettre aux soldats de s'entraîner, de se protéger et d'être les plus efficaces sur le terrain. La défense nationale ne se négocie pas. Elle doit être forte et efficace.

Je tiens d'ailleurs à rendre hommage aux soldats disparus ces dernières années et, à travers eux, à toutes celles et ceux qui sont prêts à faire le sacrifice ultime, celui de leur vie, pour que chacun puisse vivre libre dans notre République.

C'est d'ailleurs parce que nous sommes attachés à cette souveraineté que nous contestons vos choix d'investir autant d'argent dans une armée de projection, symbolisée par le projet de porte-avions de nouvelle génération qui coûtera 10 milliards. Avons-nous les moyens, monsieur le ministre, de financer à la fois une armée de projection et d'intervention sur des terrains lointains, et une armée à même d'assurer pleinement la sécurité de l'ensemble de notre territoire et la protection de tous nos concitoyens, sur tous les continents ?

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Nous ne le pensons pas et nous tenterons de le démontrer au cours des débats.

De même, est-il indispensable d'investir 54 milliards dans la dissuasion nucléaire et dans l'escalade nucléaire,…

Debut de section - Permalien
Sébastien Lecornu, ministre des armées

Ah !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…à l'heure où nous devrions, au contraire, tout faire pour que l'arme nucléaire disparaisse de la planète, dans un élan commun et multilatéral de toutes les puissances nucléaires ? Je reviendrai sur ce point.

Alors, qu'aurions-nous fait à votre place, si nous avions eu cette responsabilité, sur un sujet d'une telle importance pour la nation ? Bien sûr, nous aurions tout fait pour rattraper les retards pris ces dernières années et pour engager les moyens nécessaires face aux besoins de nos armées, en tenant compte du contexte de guerre et de tensions internationales. Nous aurions certes augmenté le budget des armées, sans toutefois le doubler. La question centrale est de définir, en premier lieu, les objectifs fixés aux armées.

Quelles sont, en effet, les priorités ? Tout d'abord, c'est se donner les moyens de disposer d'une armée dédiée à la défense du territoire national et à la protection de nos concitoyens et de nos ressortissants, où qu'ils se trouvent dans le monde. C'est également nous protéger de toute attaque, qu'elle vienne d'un pays extérieur ou qu'il s'agisse de terrorisme. C'est favoriser un lien puissant entre l'armée et la nation. C'est être capable de sécuriser l'immense espace maritime de la France, le deuxième plus important au monde.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

C'est anticiper les attaques cyber et protéger l'espace de toute militarisation. Enfin, pour éviter les guerres et les conflits, nous préférons investir dans la diplomatie plutôt que l'affaiblir comme c'est le cas depuis trop longtemps. Nous plaiderons toujours en faveur de la recherche de la paix, du respect du droit international et d'un soutien sans faille aux actions lancées par les Nations unies. Nous défendrons toujours notre indépendance en matière de défense, tout en travaillant à des accords de sécurité collective, sans hégémonisme ni suprématie de quelque pays que ce soit – je pense en particulier à la domination des États-Unis au sein de l'Otan.

Notre longue histoire le prouve : en tant que communistes, nous ne sommes pas des naïfs. Face aux périls qui menaçaient notre pays, nous avons toujours répondu présents pour le défendre et pour résister à l'oppresseur, les armes à la main.

C'est pourquoi nous souhaitons que l'armée dispose des meilleurs matériels et des nouvelles technologies, que les soldats soient bien équipés, bien formés et mieux rémunérés. La présente loi de programmation militaire comporte sur ces différents points des avancées positives, je le concède.

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Toutefois, le Président de la République affirme désormais qu'il faudrait avoir « une guerre d'avance » et « tirer les conclusions de ce que notre époque porte en germe ». De notre côté, nous craignons au contraire d'avoir, avec cette LPM, une paix de retard si rien n'est engagé politiquement pour désarmer les conflits et travailler à la sécurité collective des nations.

Vous faites reposer la politique de défense sur la dissuasion nucléaire : il s'agit là d'une différence historique entre nous ! Avec le temps, nous avons pris acte de ce choix, mais aujourd'hui, notre désaccord porte surtout sur le niveau de dépenses que vous engagez à ce titre. Il est énorme et les Français doivent le savoir, même si ce n'est écrit nulle part – cela pose d'ailleurs un sacré problème en matière de transparence ! La seule indication que vous avez transmise oralement, c'est ce taux de 13 % qui sera consacré à la dissuasion nucléaire, soit une somme estimée à 54 milliards sur sept ans. Là encore, il s'agit d'un niveau de dépenses inédit.

Alors, à quand un véritable débat avec les Français sur une politique décidée par le général de Gaulle dans les années soixante et qui n'a jamais été rediscutée depuis ? Quel bilan pouvons-nous en tirer et quelle est l'utilité réelle de la dissuasion à l'échelle du monde ? Toutes ces questions sont légitimes, d'autant plus que la priorité absolue donnée au renouvellement des armes nucléaires non seulement vampirise le reste des dépenses de la LPM – j'y reviendrai –, mais va également à l'encontre de nos engagements internationaux en la matière.

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En effet, en ratifiant le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), en août 1992, la France s'était engagée, je cite, « à poursuivre de bonne foi des négociations […] relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires […] et au désarmement nucléaire ». Ce week-end encore, à l'issue d'un G7 qui s'est tenu à Hiroshima, la France s'est de nouveau engagée, avec les autres États membres, à « approfondir les efforts de désarmement et de non-prolifération visant à atteindre l'objectif ultime d'un monde sans armes nucléaires ». Pour ma part, je souscris à une telle déclaration ! Mais quelle France faut-il croire ? Celle qui approuve les déclarations appelant au désarmement nucléaire – déclarations que nous partageons – ou celle qui dépense des dizaines de milliards afin de renforcer son arsenal ?

En ce qui nous concerne, nous pensons qu'il faut au moins respecter les termes du TNP. Et si nous ne sommes pas favorables à un désarmement unilatéral – je l'ai dit et le répète ici publiquement –,…

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…nous estimons en revanche que la France, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité, a un rôle diplomatique majeur à jouer pour contribuer à écarter la menace nucléaire. C'est pourquoi nous souhaitons que notre pays participe, en tant qu'État observateur, aux réunions du traité sur l'interdiction des armes nucléaires (Tian), sous l'égide des Nations unies.

Enfin, nous vous demanderons de soutenir nos amendements visant à obtenir réparation pour les victimes civiles ou militaires des essais nucléaires, dans les zones contaminées de Polynésie ou d'Algérie.

J'en viens maintenant à votre volonté de bâtir une armée de projection, capable d'intervenir vite, en tout point de la planète – ce qu'on appelle la culture expéditionnaire – et, surtout, sous domination de l'Otan. Car c'est bien là que réside le problème. Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu'un bilan des opérations menées depuis vingt ans est nécessaire ? Qu'elles aient été réalisées par la France seule ou au sein d'alliances, ces interventions n'ont réglé aucun des problèmes posés, à commencer par celui du terrorisme en Afrique. Elles ont, au contraire, entraîné une déstabilisation politique, économique et sociale, et une dissémination d'armes et de munitions, comme ce fut le cas en Libye ou en Afghanistan.

Ces échecs stratégiques ont contribué à créer une certaine rancœur à l'égard de nos forces – nous l'avons constaté récemment au Sahel. Les qualités exceptionnelles de nos soldats, auxquels je veux de nouveau rendre hommage, ne sont bien sûr pas en cause : ce sont la stratégie et la doctrine d'emploi des forces qui le sont.

Il est donc temps d'abandonner ce vieux modèle d'armée de culture expéditionnaire, non seulement parce qu'il exhale de tristes relents néocolonialistes ,

« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe RN

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mais aussi parce qu'il se perpétue au détriment des missions essentielles de protection du territoire national.

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Un député du groupe RN

C'est osé !

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La clé de voûte nucléaire ne protège pas des attaques terroristes sur notre sol, tout comme elle ne protège pas des conflits hybrides où la frontière entre civil et combattant, entre monde réel et virtuel est absente.

Nous aurons une grande décision à prendre : avons-nous besoin d'un porte-avions à propulsion nucléaire de nouvelle génération, qui mobilisera au moins 10 milliards d'euros ?

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Nous ne le pensons pas, et nous ne voterons pas les crédits correspondants.

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Nous estimons qu'il y a mieux à faire, quand la défense opérationnelle de notre territoire révèle des lacunes criantes – je pense notamment à notre surface maritime – et que les renforts annoncés sont insuffisants. Il nous semble urgent de privilégier un modèle d'armée taillé pour protéger nos concitoyens en Océanie, dans l'océan Indien, en Amérique et en Europe.

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Ceci est tellement vrai que le poids excessif des dépenses liées à la dissuasion nucléaire et au porte-avions vous contraint à opérer des glissements ou des reports de crédits importants sur des programmes majeurs, voire à effectuer des coupes claires – il en a été question sur tous les bancs. En ce qui concerne la marine – qui est pourtant si importante pour la défense de nos zones économiques exclusives –, la cible des frégates de défense et d'intervention pour 2030 passe de cinq à trois unités, celle du système de drones aériens de quinze à huit, et celle des avions de surveillance et d'intervention maritime Albatros de treize à huit – je ne passerai pas en revue toute la liste, d'autant que le sujet a été évoqué en commission.

Enfin, notre modèle industriel d'armement, qui est trop précaire et trop dépendant d'autres pays – voire de fonds de pension privés et étrangers –, doit être interrogé. Même si nous sommes favorables au principe de coopération avec d'autres pays européens, nous défendons le principe d'un pôle public de l'armement, garant de notre souveraineté, et capable de s'appuyer sur une participation de l'État dans ses principales entreprises. Nous voulons aussi garantir le statut et les conditions de travail des ouvriers d'État, indispensables pour répondre aux besoins des armées.

Vous l'aurez compris : nous plaidons pour un modèle d'armée bien différent du vôtre, délivré des obligations de rentabilité industrielle, tourné exclusivement vers la protection de la nation, de nos territoires et de ceux de nos voisins européens, dans le cadre de traités européens de sécurité collective.

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Ce modèle permettrait de renforcer la France, afin qu'elle soit crédible dans son rôle de maintien de la paix, mais aussi qu'elle soit libre, affranchie des influences du commandement militaire américain de l'Otan. Bien que le projet de loi comporte quelques avancées – s'agissant notamment des conditions de vie et d'indemnisation des soldats, de la reconnaissance de la mention « mort pour la France » pour les résistants étrangers fusillés pendant la seconde guerre mondiale, ou encore de la pérennisation de l'ordre de la Libération –, les députés du groupe Gauche démocrate et républicaine – NUPES proposent de le rejeter et de remettre l'ouvrage sur le métier, en commençant par ouvrir un large débat avec les Français sur les choix de la France en matière de paix et de sécurité.

M. Jean-Paul Lecoq applaudit.

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Sur le vote de la motion de rejet préalable, je suis saisie par les groupes Renaissance et Gauche démocrate et républicaine – NUPES d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. le ministre.

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Sébastien Lecornu, ministre des armées

Je l'ai souligné à de nombreuses reprises en commission et dans l'hémicycle : le Parti communiste français a le mérite de la cohérence, lui qui s'oppose fermement à la dissuasion nucléaire depuis 1960. À l'époque, toutefois, cette conduite était dictée par Moscou – vous qui êtes attentifs à l'autonomie stratégique française, songez que la diplomatie soviétique envoyait alors ses consignes au Parti communiste français.

M. Jean-Paul Lecoq s'exclame.

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Sébastien Lecornu, ministre des armées

Il n'est jamais inutile de faire un peu d'histoire, monsieur Lecoq ! Désormais, votre parti défend cette position en connaissance de cause, conformément à ses convictions profondes.

De nombreux sujets ayant été traités lors de la discussion générale et en commission, je me contenterai de quelques commentaires. Tout d'abord, je n'opposerai jamais les budgets militaires destinés à la sécurité de la nation aux budgets sociaux destinés à la sécurité sociale de cette même nation – puisque vous convoquez l'esprit de 1945 et du Conseil national de la Résistance, vous devez savoir que ces deux volets sont intimement liés.

Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem, ainsi que sur quelques bancs du groupe LR.

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Sébastien Lecornu, ministre des armées

N'opposons jamais la sécurité collective de la nation française aux mécanismes de solidarité : tel est l'héritage que les résistants, communistes comme gaullistes, nous ont légué.

Les chiffres sont têtus, comme l'aurait dit un camarade que vous connaissez bien : les budgets annuels militaires atteindront 69 milliards d'euros la dernière année, quand les budgets sociaux de la nation représentent 840 milliards par an.

Mêmes mouvements.

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Sébastien Lecornu, ministre des armées

À la lueur de ces chiffres pour le moins éloquents, je vous invite à ne pas diffuser des informations inexactes auprès de l'opinion publique et de nos concitoyens. Nous pouvons certes avoir des débats – ils sont nobles – concernant la répartition des montants, mais n'opposons pas les budgets de la nation les uns aux autres : ce faisant, nous affaiblirions la nation et entamerions l'acceptation sociale de l'action menée par les forces armées au service de la sécurité collective.

Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.

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Sébastien Lecornu, ministre des armées

Vous affirmez qu'il faut à la fois rejeter le texte et ouvrir un débat. Vous avez été candidat à l'élection présidentielle, monsieur le député. Vous savez donc qu'en 1962, dans un contexte d'avènement de la dissuasion nucléaire, le général de Gaulle a modifié la Constitution – c'est le fameux « coup d'État permanent » –, et que le passage à l'élection du président de la République au suffrage universel direct était intimement lié à la capacité de celui-ci à engager la force de frappe. Le débat a donc lieu à chaque élection présidentielle – cela n'a d'ailleurs pas profité à certains, dont les alliances étaient troubles.

Puisque je suis ici devant la représentation nationale, je me dois de rappeler que les députés communistes ont examiné les lois de programme en 1960, en 1964 et jusqu'à aujourd'hui. N'empêchez pas le débat de se tenir en votant une motion de rejet ! Les trente-cinq heures de discussion et les 700 amendements examinés en commission, auxquels s'ajoutent plus de 1 500 amendements déposés en séance et deux semaines de débat dans l'hémicycle, avant que le texte ne soit transmis au Sénat et qu'il ne fasse l'objet d'une commission mixte paritaire, sont autant d'occasions d'avoir la discussion que vous appelez de vos vœux. Rejeter d'emblée le texte équivaudrait à rejeter l'ensemble des amendements qui ont été déposés, y compris par votre groupe, dont certains complètent utilement le texte, et d'autres défendent à tout le moins des convictions.

J'en viens au porte-avions – ce débat a déjà eu lieu, notamment avec les députés écologistes, et il se poursuivra – : il ne s'agit pas seulement d'un instrument de puissance, mais aussi d'un instrument de sécurité. Ne donnons pas l'impression que le groupe aéronaval a pour seul objet de défendre des intérêts maritimes lointains et détachés de la sécurité de la nation française. Dès lors que nous avons des territoires d'outre-mer, nous devons par définition nous doter d'une marine complète, dont le groupe aéronaval fait partie. Un pays qui importe beaucoup d'hydrocarbures, comme c'est malheureusement notre cas, et qui exporte beaucoup de matières premières agricoles a besoin d'assurer sa liberté de circulation maritime en mer Méditerranée, dans le canal de Suez ou encore dans le détroit d'Ormuz. En la matière, vous êtes une fois de plus contradictoires : devrions-nous nous en remettre intégralement au groupe aéronaval américain constitué autour de l'USS George H.W. Bush, présent en Méditerranée, et ce faisant, abandonner nos propres outils d'intervention ?

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Sébastien Lecornu, ministre des armées

Si je défends le groupe aéronaval, c'est parce qu'il nous évitera de dépendre d'autres puissances, en particulier des Américains. On ne peut pas dire tout et son contraire.

Un autre désaccord nous oppose. Vous expliquez habilement – peut-être pour flatter certaines sensibilités – que si vous étiez aux commandes, les budgets augmenteraient certes, mais ne doubleraient pas. Convenez que cela manque de précision. Dans le même temps, vous vous opposez à la dissuasion nucléaire, vous prônez une sortie de l'Otan et vous plaidez pour une nationalisation de la BITD, ce qui modifierait immanquablement le format de l'armée.

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Il s'agit de sortir du commandement intégré de l'Otan !

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Sébastien Lecornu, ministre des armées

Le commandement intégré de l'Otan de 1966 n'est pas celui d'aujourd'hui – nous avons déjà eu ce débat avec des parlementaires ici présents, et je pourrai y revenir. Quoi qu'il en soit, vous ne pouvez pas faire croire aux Français que la fin de la dissuasion – cette voûte nucléaire qui protège nos intérêts vitaux –, la sortie du commandement intégré de l'Otan et la nationalisation de la BITD aboutiraient à une armée qui coûterait moins de 69 milliards d'euros par an.

Debut de section - Permalien
Sébastien Lecornu, ministre des armées

Des modifications aussi profondes de notre modèle d'armée entraîneraient des dépenses bien supérieures. Assumez que le modèle que vous prônez coûterait beaucoup plus cher que le modèle actuel – je tiens à votre disposition des éléments de comparaison avec d'autres puissances qui, bien que membres de l'Otan, sont dépourvues de dissuasion nucléaire.

Il y aurait également une forme de mensonge devant la nation française à ne pas expliquer que les 413 milliards d'euros, correspondant aux besoins physico-financiers programmés, sont liés au saut technologique et à la militarisation de nouveaux espaces. Cette somme est certes considérable – vous avez raison de le dire, même si certains la trouvent insuffisante, et nous trouverons un équilibre. Vous affirmez qu'il faut avoir une paix d'avance, mais celle-ci passe nécessairement par une stratégie spatiale, une stratégie cyber, une stratégie relative aux fonds sous-marins et une stratégie d'innovation, sur laquelle vos collègues de La France insoumise ont amplement insisté en commission.

Debut de section - Permalien
Sébastien Lecornu, ministre des armées

Tout cela nécessite des budgets importants.

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Sébastien Lecornu, ministre des armées

Malheureusement, il n'existe pas de schéma moins coûteux qu'aujourd'hui – nous devons au moins nous accorder à ce sujet.

Debut de section - Permalien
Sébastien Lecornu, ministre des armées

Sans cela, nous perdrions en partie l'adhésion de nos concitoyens aux dépenses militaires.

Nous aurons l'occasion de revenir sur la dissuasion nucléaire, qui fait l'objet de nombreux amendements. C'est un sujet clé. Ce débat s'est tenu en commission et doit se poursuivre. Ne jouons pas sur les mots : lutter contre la prolifération n'équivaut pas à interdire les armes nucléaires – faire cette confusion équivaudrait à tomber dans le piège qui nous est tendu. En même temps que vous vous opposez au désarmement unilatéral, vous estimez que si vous aviez été à notre place, il en irait tout autrement.

Debut de section - Permalien
Sébastien Lecornu, ministre des armées

Si vous étiez ministre de la défense, avec un président de la République issu de la NUPES – je serais alors sénateur de l'opposition –, quelle copie proposeriez-vous ? Supprimeriez-vous tout budget pour la dissuasion nucléaire ? N'augmenteriez-vous aucune ligne budgétaire, ce qui empêcherait de préparer la dissuasion de demain ? Vous expliqueriez alors à nos compétiteurs que notre dissuasion n'est pas modernisée – sous-entendant qu'elle ne dissuade plus. La capacité de dissuasion repose au contraire sur un effort continu – toutes les formations politiques en sont convenues depuis 1962, y compris en 1981 et en 1988.

Debut de section - Permalien
Sébastien Lecornu, ministre des armées

Une continuité républicaine est toujours venue soutenir la dissuasion nucléaire et plaider pour sa modernisation, car cette dernière assure son efficacité.

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Entre la moderniser et l'augmenter, il y a une différence !

Debut de section - Permalien
Sébastien Lecornu, ministre des armées

Nous devrons avoir ce débat – je sais que vous l'avez au sein de la NUPES, puisque les questions liées à l'Otan, à la dissuasion nucléaire et parfois aux exportations d'armes ne sont pas consensuelles entre vos groupes. Cela prouve que ces sujets sont délicats et qu'ils doivent être abordés avec précision ; pour autant, cela ne justifie pas de rejeter le texte.

Pour ma part, j'ai une certitude : il est urgent d'ouvrir ce débat pour nos forces armées, à qui nous demandons beaucoup dans un contexte qui se durcit. Nos échanges sont scrutés par nos alliés et par nos compétiteurs – certains d'entre vous l'ont souligné. Il n'y a donc pas lieu de rejeter le texte ; il est au contraire urgent d'en débattre, de l'enrichir et, le cas échéant, de le voter.

Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem. – M. Jean-Louis Thiériot applaudit également.

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Beaucoup a été dit, mais je reviendrai sur certaines contradictions que j'ai relevées dans vos propos, monsieur le député. Vous en appelez à un large débat : c'est précisément ce que à quoi nous vous invitons, avec plaisir, au cours des deux prochaines semaines. Dans le même temps, vous rejetez le débat par une motion préalable. En définitive, votre démarche ouvre la discussion, et je m'en réjouis.

Autre contradiction, vous jugez excessif de porter le budget annuel à 69 milliards d'euros en 2030, mais vous promettez un montant égal de dépenses. Il faudra nous éclairer sur ce sujet. J'estime que la France, qui a une histoire singulière, doit prendre et maintenir sa juste place.

Quelle est la place de la France à l'échelle internationale et à celle de l'outre-mer, demandiez-vous dans votre intervention ? Je vous réponds que la France y a toute sa place ; elle est déjà la deuxième puissance maritime par sa surface, et doit endosser un rôle de puissance d'équilibre et de nation-cadre. C'est dans cet esprit qu'a été élaboré le projet de loi. Un examen approfondi nous conduit à dire que la France de demain doit se doter d'une capacité de renseignement qui lui soit propre – vous tenez d'ailleurs à ce qu'elle ne soit pas liée à d'autres nations, notamment aux États-Unis. Aussi faut-il investir dans le renseignement et dans l'analyse, et renforcer notre capacité d'action en tout lieu et à tout moment, de façon matérielle et immatérielle. J'ai hâte d'avoir ce débat avec vous, car je suis persuadé que votre motion de rejet ne sera pas votée. Je ne doute pas qu'un sujet nous réunira : la reconnaissance des médaillés de la Résistance et de l'ordre de la Libération. Je ne doute pas non plus que nous aboutirons à un beau texte.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.

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Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Paul Lecoq.

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L'intervention de Fabien Roussel met en évidence l'opposition de fond des députés du groupe Gauche démocrate et républicaine – NUPES à l'architecture même de notre armée et à sa doctrine d'emploi que la LPM aura pour effet d'amplifier. Par conséquent, même si nous jugeons certaines dispositions intéressantes, nous ne pouvons pas voter ce texte.

Nous doutons fortement que la montée en puissance de la dissuasion nucléaire prévue dans le projet de loi, qui mobilisera plus de 50 milliards d'euros, apporte une sécurité accrue à nos concitoyens. La guerre en Ukraine, anachronique, ne doit pas brouiller les pistes : elle ne rouvrira certainement pas un cycle de conflictualité traditionnelle. Le terrorisme, l'hybridité des conflits ainsi que les tensions dans le monde cyber et dans l'espace continuent de croître, comme le souligne la revue nationale stratégique. Le parapluie nucléaire n'a aucune utilité face à ces dangers. Pire, il mobilise des crédits considérables qui auraient pu être affectés à d'autres projets, comme l'a rappelé Fabien Roussel : renforcer la flotte navale pour surveiller les eaux territoriales des territoires d'outre-mer, accélérer notre montée en compétence en matière de surveillance spatiale et de cybersurveillance, transformer nos armées pour démultiplier leur capacité d'intervention face à toutes sortes de menaces, qu'elles soient étatiques ou non. Voilà qui, selon nous, aurait été plus utile.

Enfin, l'absence totale de débat populaire au sujet du rôle de l'armée et du budget que la France est prête à y consacrer constitue une aberration.

Telles sont les raisons qui ont poussé notre groupe à vous proposer de rejeter pour l'instant le texte, pour que l'exécutif se remette au travail, nous présente un projet plus conforme à notre époque et aux besoins qui la caractérisent et permette aux Français de s'exprimer à ce sujet.

Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES. – Mme Caroline Fiat applaudit également.

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Les députés du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires sont opposés à cette motion de rejet préalable pour au moins trois raisons. Premièrement, nous sommes opposés aux motions de rejet par principe, car nous croyons que le débat doit avoir lieu dans cet hémicycle.

Deuxièmement, nous sommes plutôt favorables à ce projet de LPM, dans l'attente des échanges à venir et sous réserve des amendements qui seront adoptés.

Troisièmement, nous avons mené pendant deux semaines, en commission, des débats de grande qualité.

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M. Roussel, comme d'autres, y a eu l'occasion d'exprimer son point de vue. Il est dommage que nous perdions une heure à examiner cette motion de rejet préalable plutôt que de commencer à débattre du texte. Nous voterons donc contre la motion et attendons avec impatience l'examen des articles pour défendre nos propositions en matière de programmation militaire.

M. Éric Martineau applaudit.

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M. Poutine a provoqué le retour de la guerre en Europe. « Quand les blés sont sous la grêle, fou qui fait le délicat », nous disait Aragon. Posons-nous les bonnes questions, chers collègues !

Le projet de LPM inscrit la défense nationale dans une logique d'alliances qui, depuis le général de Gaulle, fonde la diplomatie et la stratégie militaire françaises, par-delà les alternances politiques. Il n'est certes pas surprenant que les communistes, les Insoumis et le Rassemblement national s'y opposent, mais vous, collègues républicains des autres bancs, seriez-vous prêts à remettre en cause cette politique solide ? Le texte réaffirme et modernise notre force de dissuasion nucléaire. Nos collègues communistes y sont historiquement opposés et c'est bien leur droit, mais vous, collègues des autres groupes, seriez-vous prêts à abandonner le bouclier nucléaire qui assure la paix sur notre sol depuis huit décennies, soit la paix la plus longue de l'histoire de France ?

Le texte prévoit également de nombreux investissements pour fournir aux armées les moyens dont elles ont besoin. Ils se traduiront par des projets industriels majeurs qui renforceront la souveraineté technologique du pays et créeront des milliers d'emplois. Qui parmi nous serait prêt à rejeter ces programmes industriels en regardant droit dans les yeux nos soldats, mais aussi les salariés, de l'ouvrier à l'ingénieur, des entreprises françaises de la BITD, à Saint-Nazaire, à Bourges et partout ailleurs en France ?

M. Sébastien Chenu s'exclame.

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Les salariés, vous pourriez commencer par augmenter leurs salaires !

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Qui d'entre nous accepterait de laisser fuir ces compétences à l'étranger ?

Chers collègues, les soldats français nous regardent, tout comme les salariés des entreprises de défense françaises et les citoyens français.

M. Aurélien Saintoul s'exclame.

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Nos alliés en Europe, dans l'Otan et partout dans le monde, nous regardent. Les puissances inamicales nous regardent également. Les députés du groupe Renaissance leur adressent un message clair : nous serons à la hauteur des enjeux du temps

Exclamations sur quelques bancs du groupe RN

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pour protéger la France, les Français et l'Europe. Nous repousserons cette motion de rejet idéologique et débattrons de la loi de programmation militaire.

Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.

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Le débat commence bien ! Entre le groupe communiste qui veut l'empêcher et M. Cormier-Bouligeon qui, apparemment, n'a pas assisté aux échanges en commission…

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…et en tire des conclusions complètement erronées, cela démarre sous les meilleurs auspices !

Applaudissements sur les bancs du groupe RN.

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Pour notre part, nous ferons preuve d'un peu de hauteur de vue, puisqu'il s'agit de notre défense et de nos armées.

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Le Rassemblement national, c'est la modestie incarnée !

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Il reste beaucoup à faire pour retrouver une défense nationale à la hauteur des nouveaux enjeux que sont le retour de la guerre en Europe, le durcissement des conflits, le nouvel usage des drones ou encore la lutte informationnelle. Qu'il s'agisse de ressources humaines, de moyens capacitaires ou de notre souveraineté, pour être plus efficace, il convient de redéfinir les moyens et la stratégie en matière de défense.

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C'est pourquoi les débats relatifs au projet de loi de programmation militaire seront essentiels. Ils nous donneront l'occasion d'évoquer la nécessaire réparation des armées, mais également d'imaginer les moyens de les préparer à défendre la France dans un contexte de tensions croissantes.

N'oublions pas non plus les milliers d'hommes et de femmes prêts à sacrifier leur vie pour la nation.

Beaucoup reste à faire pour accompagner leurs familles, pour les héberger décemment et pour leur verser une solde digne des efforts qu'ils prodiguent chaque jour.

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Nous priver de ce débat serait une erreur, car notre travail pourrait améliorer le texte. À moins, chers collègues communistes, que vous ne souhaitiez justement éviter le débat pour ne pas faire éclater au grand jour les divisions qui traversent la NUPES. On trouve chez vous des pronucléaires et des antinucléaires ; certains rêvent d'une défense européenne et d'autres ne veulent pas en entendre parler. Il est vrai qu'à la NUPES, en matière de défense comme pour le reste, c'est « Cinquante nuances de rouge » !

Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe RN.

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Nos armées méritent mieux que de la politique politicienne. Cela vaut pour vous aussi, chers collègues de la majorité ! C'est pourquoi le groupe Rassemblement national, attaché à la défense, à nos armées, à la souveraineté

Mme Prisca Thévenot s'exclame

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et au débat, votera contre la motion de rejet préalable.

Applaudissements sur les bancs du groupe RN.

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Le Gouvernement a choisi de rédiger un nouveau projet de loi de programmation militaire deux ans avant le terme de la LPM actuelle, sans mener de grande réflexion publique au sujet des orientations stratégiques de la France et en s'appuyant sur une étude d'impact, une RNS et un rapport clairement insuffisants. Il prévoit d'octroyer 413 milliards d'euros à nos armées sur une période de sept ans et affirme que le budget est en augmentation massive ; dans les faits, cette nouvelle LPM dispenserait le Gouvernement d'appliquer la précédente et lui permettrait d'y substituer un budget inférieur à celui qui était initialement prévu. Nous revoterions simplement un abondement par marches successives de 3 milliards d'euros pour les deux prochaines années, sans tenir compte de l'inflation qui rognera la somme prévue.

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Le Gouvernement crée un effet d'annonce grâce à de prétendues augmentations budgétaires, mais les hausses les plus importantes n'auront lieu qu'après 2027, ce qui implique le report de nombreux projets. Vous nous promettiez une LPM de rupture qui tiendrait compte de la guerre en Ukraine et permettrait de couvrir les nouveaux conflits ; mais dans les faits, de quelle rupture parlez-vous ? Vous évoquez les nouvelles frontières de l'humanité que sont le cyber, l'espace et les fonds marins, mais cela fait dix ans que nous vous en parlons ! Il n'y a rien de nouveau.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.

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Y avait-il urgence à proposer un nouveau projet de loi de programmation militaire ? Si c'était le cas, il aurait fallu y réfléchir en profondeur, avec un nouveau Livre blanc. Sinon, nous aurions pu prendre le temps d'élaborer une réelle programmation.

Nous voulons un débat plus complet qui n'obéisse pas au bon vouloir de l'exécutif. Nous souhaitons associer pleinement la représentation nationale et la population à une réflexion générale au sujet de nos orientations stratégiques. Nous voterons donc la motion de rejet préalable.

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Ce grand moment de programmation ne doit pas être gâché. Monsieur le ministre, vous avez reconnu vous-même dans votre rapport annexé l'existence d'erreurs et d'éléments qui pourraient être retravaillés. Je pense notamment aux mesures indemnitaires que vous avez évoquées lors de votre prise de parole, mais dont les modalités ne sont pas précisées dans le texte.

M. le ministre fait un signe de dénégation.

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Donnons-nous le temps d'approfondir ces sujets, appliquons jusqu'à son terme la LPM actuelle et redéfinissons nos objectifs avec sérieux et précision.

Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Fabien Roussel applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le groupe Les Républicains a évidemment un problème avec la motion de rejet préalable…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Visiblement, ce n'est pas la seule chose qui vous pose problème !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…présentée par le collègue Roussel, ou plutôt le camarade Roussel. A-t-il si peu confiance dans la représentation nationale et dans la délibération démocratique qu'il refuse que les débats relatifs à notre politique de défense aient lieu dans cette enceinte ? Nous nous trouvons dans le lieu où s'exerce la démocratie, alors n'ayez pas peur du débat, sous peine de perpétuer la vieille tradition moscoutaire et bolchevique qui avait réduit au silence les mencheviques majoritaires !

Sourires sur les bancs des groupes LR et RN.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pour notre part, nous ne mangeons pas de ce pain-là. Nous voterons donc évidemment contre la motion de rejet préalable.

Sur le fond, quelle folie de vouloir renoncer à la dissuasion nucléaire ! Un pays en guerre, l'Ukraine, s'il n'avait pas signé le mémorandum de Budapest, posséderait cette fonction de dissuasion, ce qui aurait évité des dizaines de milliers de morts.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En outre, vous voulez sortir de l'Otan. Vous vous plaignez de l'importance des dépenses militaires – 413 milliards – par rapport à d'autres postes, mais si nous sortions de l'Otan, ce ne sont pas 2 % du PIB, mais 4 ou 5 % qu'il faudrait dépenser !

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À l'époque où le général de Gaulle a choisi de sortir du commandement intégré de l'Otan, les dépenses militaires françaises s'élevaient à 4 ou 5 % du PIB. Messieurs, faites donc preuve d'un peu de cohérence, pour la sécurité des Français et pour les armes de la France ! Cette motion doit être rejetée.

Applaudissements sur les bancs des groupes LR, RE et Dem.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel

Bienvenue dans la majorité !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vois que certains collègues sont inspirés ! Chers collègues communistes, vos propos s'inscrivent dans une logique qui est la vôtre depuis des décennies – depuis l'époque du pacte de Varsovie, peut-être. Il faut vous reconnaître une cohérence sans faille et parfois très surprenante. Personne ne sera étonné de vous entendre remettre en cause le modèle de notre armée ou le principe de dissuasion nucléaire. Là où vous voyez une dépense onéreuse qui met en péril le maintien de la paix, nous voyons un moyen de garantir la sécurité du territoire dans une logique purement défensive, selon la doctrine française de la stricte suffisance, établie et respectée depuis des décennies.

Nous ne partageons pas non plus votre position quant aux opérations extérieures, étant donné qu'elles visent aussi à la défense de notre territoire. Vous preniez l'exemple de l'opération Barkhane : il faut rappeler que les forces françaises sont intervenues au Mali à la demande des autorités du pays.

Debut de section - Permalien
Un député du groupe Dem

Oui, il faut le rappeler !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je ne pense pas que ceux qui y ont risqué leur vie vous diraient que l'opération a porté préjudice à la sécurité de nos compatriotes, bien au contraire. Je m'étonne également du procès démocratique que vous faites à ce texte, pourtant débattu pendant trente-deux heures par la seule commission de la défense,…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…sans parler des commissions des lois, des affaires étrangères et des finances. Une revue nationale stratégique a été publiée pour prendre en considération les évolutions de la situation mondiale. Nous savons depuis des mois que ce projet de loi se prépare ; nous avons mené des cycles d'auditions préparatoires aux travaux en commission et avons même délocalisé certaines réunions de la commission en région pour débattre avec nos concitoyens. Où étiez-vous ?

M. Jean-Paul Lecoq s'exclame.

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Enfin, nous disposons de deux semaines pour débattre en séance des dispositions que vous n'approuvez pas, sachant que le rapport annexé nous laisse toute liberté pour aborder l'ensemble des sujets.

Ce débat est important pour nos armées, pour nos concitoyens et pour la sécurité du pays. Je suis d'ailleurs convaincu que le texte sera utilement amendé par des propositions issues de nombreux bancs, preuve de l'importance de l'examiner en séance.

Le groupe Démocrate s'opposera évidemment à la motion de rejet préalable.

Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe RE.

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Ce projet de loi de programmation militaire est examiné à l'heure de la renaissance des empires, du retour de la guerre de haute intensité en Europe et du réarmement naval militaire dans le monde. Dans ce contexte de retour du tragique, cette LPM confirme la hausse des crédits alloués à nos armées et s'inscrit dans la continuité de la précédente loi de programmation.

Nous partageons certaines analyses du groupe GDR – NUPES, mais nous n'en tirons pas forcément les mêmes conclusions. Entre nos deux partis, l'histoire montre que la dissuasion nucléaire et l'Otan ont toujours fait l'objet d'âpres débats.

À ce titre, nous saluons l'effort réalisé afin de garantir la crédibilité de la dissuasion nucléaire à sa stricte suffisance, doctrine instaurée par François Mitterrand. Les socialistes restent attachés à ce modèle d'armée.

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Nous souhaitons, comme le groupe GDR – NUPES, que la France conserve sa souveraineté et défende ses intérêts vitaux, notamment en outre-mer, mais, pour le groupe Socialistes, cela passe par le respect de nos engagements avec l'Otan, avec nos partenaires au sein de l'Alliance atlantique.

À plus long terme, nous prônons une autonomie stratégique européenne de la défense au sein de l'Alliance atlantique, qui reste évidemment à construire.

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Pour toutes ces raisons, nous ne pourrons voter la motion de rejet préalable. La LPM est certes critiquable ; elle présente des forces et des faiblesses qui forment justement l'objet du débat que nous jugeons indispensable. Nos armées le méritent ; nos partenaires et nos concitoyens nous regardent, et nos compétiteurs aussi.

Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et RE ainsi que sur quelques bancs du groupe Dem.

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Au sein du groupe Horizons et apparentés, nous aimons la clarté. Par conséquent, je dois dire que nous avons été un peu déroutés par la demande de la NUPES, qui nous dit que « la défense nationale ne se négocie pas » – de fait, on rejette son budget avant même de l'avoir étudié. M. Fabien Roussel affirme vouloir un débat national, mais il veut empêcher celui qui doit avoir lieu devant la représentation nationale.

Les positions du groupe Horizons et apparentés sont claires. Nous voulons mieux rémunérer ceux qui risquent leur vie pour la France. Nous voulons protéger nos concitoyens et faire des choix stratégiques afin de protéger nos enfants et nos petits-enfants. Nous voulons mieux armer et protéger ceux qui nous défendent au quotidien. Pour toutes ces raisons, qui sont relativement simples, nous voterons contre cette motion de rejet préalable.

Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE et Dem.

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Le groupe Écologiste – NUPES ne votera pas cette motion de rejet préalable.

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La NUPES est fracturée, il n'y a plus personne !

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Cela a été dit, il y a des débats importants dont l'Assemblée doit se saisir – sur les retraites, par exemple. Je prends au mot le groupe Renaissance qui refuse cette motion de rejet préalable au motif que le débat est nécessaire. Nous débattrons des retraites le 8 juin, je crois.

Le débat sur la défense a lieu maintenant. Sur la défense en particulier, l'Assemblée doit se saisir des pouvoirs régaliens. Le groupe Écologiste – NUPES rejette l'idée qu'existerait un domaine réservé au seul Président de la République. Je n'accepte pas du tout l'argument selon lequel l'élection présidentielle aurait tranché la question de la dissuasion nucléaire. En effet, il n'appartient pas à un seul homme de décider de la menace de destruction massive d'une partie de l'humanité. Soit cette dissuasion est voulue par l'ensemble de la population, soit elle doit être abandonnée. Il en va de même pour la construction du porte-avions, qui engage des coûts absolument colossaux qui nous empêchent de mener à bien toutes les autres missions. La présidente du groupe Écologiste – NUPES présentera notre vision de la loi de programmation militaire, mais vous comprenez d'ores et déjà que nous souhaitons que ces débats soient approfondis et non interrompus.

Enfin, je tiens à souligner que nous avons eu un débat intéressant en commission. Je remercie le président de la commission de la défense nationale et des forces armées. Je remercie également le ministre des armées pour sa patience, son travail, les réponses qu'il nous a apportées. C'est la base, me direz-vous. Effectivement, nous ne devrions pas avoir à le relever, mais en réalité, c'est tellement rare de la part de ce gouvernement

Applaudissements sur quelques bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et GDR – NUPES

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que je dois saluer cette attitude. Je regrette vraiment que le Gouvernement ne se saisisse pas de cette configuration inattendue qui permettrait une coconstruction – en effet, si nous n'y parvenons pas, c'est entièrement de la faute du Gouvernement. Puisque nous y sommes à peu près arrivés en commission, nous souhaitons que ces débats prospèrent dans l'hémicycle.

Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 185

Nombre de suffrages exprimés 185

Majorité absolue 93

Pour l'adoption 27

Contre 158

La motion de rejet préalable n'est pas adoptée.

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Dans la discussion générale, la parole est à M. Tematai Le Gayic.

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Dans l'une de nos langues, le reo Tahiti, « militaire » se dit fa' ehau qui signifie « faire la paix ». On voit donc les militaires comme des hommes de paix, des pacificateurs, et non comme des hommes de guerre. Tel est, me semble-t-il, le sens de l'histoire : depuis la fin de la seconde guerre mondiale, chaque État-nation s'arme pour se protéger, préserver sa souveraineté et celle de ses alliés.

Pour autant, le choix opéré dans cette LPM d'investir massivement pour le renouvellement de la force de dissuasion nucléaire met en question cet objectif de paix. Ce choix heurte toutes les victimes des essais nucléaires français, tandis que l'État reconnaît, même s'il ne le fait encore que difficilement, les conséquences humaines et environnementales des 210 essais nucléaires menés en Algérie et en Polynésie. Qu'en est-il d'une réelle indemnisation des victimes et de leurs familles ? Qu'en est-il de la dette de l'État français à l'égard de la protection sociale généralisée polynésienne ? Qu'en est-il de l'institut du cancer promis lors de la visite du Président de la République Emmanuel Macron en Polynésie qui devait être financé conjointement par la Polynésie et l'État ?

L'un des orateurs a parlé de « la grandeur de la France qui s'est érigée grâce à la dissuasion nucléaire ». Pour nous, cette grandeur s'est érigée dans le mensonge et dans le déni des milliers de Polynésiens victimes de maladies radio-induites. Je vous donne un exemple : l'île la plus proche de Moruroa où ont été tirés la plupart des 193 essais nucléaires effectués en Polynésie est située à 300 kilomètres de celle-ci – c'est la distance qui sépare Paris de Clermont-Ferrand ou de Limoges. Auriez-vous accepté de tirer 193 essais nucléaires à Limoges pour la grandeur de la France ? Je ne pense pas.

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De plus, les conditions de travail et de vie des militaires auraient dû être au cœur de notre réflexion. J'ai une pensée particulière pour les militaires venant des territoires d'outre-mer, qui sont nombreux à rejoindre les rangs de l'armée française mais qui font face à des difficultés particulières : l'éloignement géographique et familial, le changement culturel, la discrimination, les freins dans l'évolution de leur carrière – peu d'entre eux accèdent à des postes de commandement. En bonne intelligence et par respect pour nos militaires, nos anciens combattants et nos victimes civiles, il aurait été plus judicieux d'augmenter massivement le budget alloué à l'amélioration des conditions de vie des militaires et à leur reconversion professionnelle, notamment le retour des jeunes d'outre-mer dans leurs pays respectifs.

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On empêche leur retour en prétendant que c'est un retour en vacances alors qu'ils reviennent dans leur propre pays.

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D'autres dispositions de cette LPM méritent réflexion. Le service national universel (SNU) est mentionné à plusieurs reprises alors que ce dispositif est totalement rejeté par la jeunesse…

Debut de section - Permalien
Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel

Non !

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…et n'a aucune utilité militaire ou sociale.

Par ailleurs, il faut résoudre les problèmes existants avant de songer à doubler les effectifs de la réserve opérationnelle.

Enfin, je l'ai dit, la politique d'amélioration des conditions de travail des militaires est une bonne idée, mais nous restons persuadés que plus de moyens auraient pu y être consacrés. En effet, pour ne prendre qu'un exemple, 25 % seulement du parc immobilier de l'armée est considéré comme étant en bon état.

Enfin, en tant que député polynésien, je ne peux pas ne pas évoquer, dans ce projet de loi de programmation militaire, l'axe indo-pacifique. Cette LPM confirme l'intérêt qu'a la France en Océanie et dans l'océan Indien à faire barrage à certains États concurrents. Cette stratégie qui nous est imposée unilatéralement peut parfois entrer en contradiction avec nos propres intérêts et avec nos partenariats avec nos voisins. En Océanie, la Polynésie souhaite construire son propre soft power. Le Pacific way doit être notre repère afin de fédérer l'ensemble des États océaniens pour leurs intérêts et non pour ceux des grandes puissances.

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La France, comme l'ensemble des pays occidentaux, peut être notre alliée. Encore faut-il que nous soyons à la table des négociations, que nous discutions d'égal à égal, d'État souverain à État souverain, et que nous nous respections mutuellement.

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C'est le vœu que nous formulons pour les dix prochaines années,…

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…mais cela ne semble, pour l'heure, pas être l'esprit de cette loi de programmation militaire. Peut-être cet esprit sera-t-il plus conforme à nos vœux à l'issue de nos débats.

Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Cyrielle Chatelain applaudit également.

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L'engagement de nos forces armées au quotidien, partout dans le monde, nous oblige à assurer à nos militaires des moyens à la hauteur de leur engagement et du sacrifice qu'ils consentent eux-mêmes ainsi que leurs familles.

Étant donné la situation actuelle en Ukraine et compte tenu du risque de retour des conflits à haute intensité, nous constatons une course aux armements dans laquelle une grande partie de nos voisins européens et de nos alliés sont déjà entrés. Les budgets de la défense se sont renforcés, la constitution de stocks stratégiques s'est accélérée. Il ne s'agit pas seulement d'une compétition entre voisins : nous faisons face à un espace international grevé par la concurrence économique et traversé par des rivalités géopolitiques.

Il faut reconnaître que cette LPM traduit un réel effort budgétaire de défense : 413,3 milliards d'euros sur sept ans constituent en effet une somme plus que substantielle. Cependant, il est important de relativiser certains effets d'annonce. Nous avons eu l'occasion de souligner en commission qu'il fallait tenir compte de l'inflation et prendre la mesure du défi que représente l'exécution annuelle de cette trajectoire. Nous l'avons relevé à plusieurs reprises, le Conseil d'État et le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) l'ont noté également : les marches annuelles les plus hautes auront lieu en fin de quinquennat. Certes, nous ne voyons pas comment celui ou celle qui gagnera l'élection en 2027 pourrait revenir sur cet investissement en faveur de nos militaires. Cependant, il est dommage de ne pas avoir investi dès maintenant et d'attendre cette échéance.

De plus, nous alertons à nouveau sur le manque de données liées aux 13,3 milliards de ressources extrabudgétaires – cette somme est, là aussi, loin d'être négligeable. Nous avons défendu et nous défendrons des amendements afin d'obtenir des explications détaillées et d'assurer une meilleure trajectoire. Certains amendements ont déjà été discutés en commission, mais nous en défendrons encore un certain nombre en séance publique.

Nous regrettons aussi les crédits massifs qui ont déjà été actés sans débat et qui seront donc implicitement validés avec le simple vote du rapport annexé. La mise en œuvre de cette LPM doit, selon nous, être l'occasion pour le Parlement de se réapproprier la défense nationale. Nous regrettons l'insuffisance de la clause de revoyure. En l'état, cela conduirait, comme en 2021, à un simple débat. Nous avons proposé des mesures pour conforter les pouvoirs d'évaluation du Parlement. Nous saluons donc les rectifications apportées en commission pour renforcer le pouvoir de contrôle de la commission de la défense nationale sur l'exécution de la LPM, qui ont été soutenues par l'ensemble des groupes.

Autre sujet primordial : l'engagement de nos armées dans les territoires ultramarins. Il est nécessaire d'aboutir à une véritable continuité territoriale de notre défense. Ces moyens sont nécessaires pour protéger les citoyens ultramarins et surveiller notre zone économique exclusive (ZEE). Nous invitons le Gouvernement à élaborer un angle ultramarin de la programmation militaire. M. le ministre a rencontré la semaine dernière, je crois, les députés ultramarins, mais cela ne saurait être suffisant : nous devons impérativement rassembler les dispositions sur les outre-mer dans un chapitre de la LPM.

Nous saluons néanmoins le choix de consacrer 13 milliards d'euros à la souveraineté en outre-mer entre 2024 et 2030. En effet, nous vous avons alertés sur la situation particulière dans l'océan Indien, qui appelle à une consolidation des moyens des forces armées dans la zone sud, car elles garantissent la protection du territoire et assurent la coopération depuis La Réunion et Mayotte. Nous avons à cet égard des demandes concrètes, en particulier l'affectation d'un patrouilleur outre-mer à temps plein à Mayotte pour protéger nos frontières.

Enfin, je tiens à rappeler que les ambitions de la LPM ne sauraient être menées à bien sans offrir à nos armées un cadre optimal : c'est l'objet du plan « famille 2 », cité dans le rapport annexé, qui sera doté de 750 millions d'euros. Les travaux de la commission ont déjà permis d'aborder la ventilation de l'enveloppe, mais nous attendons davantage de précisions.

Ainsi, si le groupe LIOT reconnaît les efforts du ministère, il appelle surtout à associer davantage les collectivités locales afin de répondre plus efficacement aux besoins concrets des familles. Nous saluons les débats et les travaux qui ont eu lieu en commission et en amont, ainsi que l'investissement et le travail du ministre – ça n'a pas toujours été le cas depuis le début de la législature, comme l'ont rappelé un certain nombre de collègues, donc merci, monsieur le ministre.

En responsabilité, le groupe LIOT votera en faveur du texte, sous réserve de ce qu'il adviendra des amendements qu'il défend.

Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.

Sourires.

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À l'heure où tant de pays brisent toute liberté individuelle et tentent d'exporter hors de leurs frontières leur modèle mortifère, je veux d'abord saluer nos soldats tombés ou blessés pour notre drapeau, drapeau que nos armées défendent avec tant d'engagement et de courage pour nous permettre, aujourd'hui, de nous tenir debout dans l'hémicycle, libres et fiers de défendre notre devise : Liberté, Égalité, Fraternité.

« Exactement ! » sur quelques bancs du groupe RE.

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Chers collègues, nous sommes ici pour parler d'avenir : celui de nos armées, celui des hommes et des femmes qui la composent mais aussi des familles qui s'engagent à leurs côtés ; l'avenir, aussi, de notre défense et de notre nation. En somme, de notre avenir à toutes et tous. Car ce projet de loi de programmation militaire, qui porte une vision de la France et de sa place dans le monde, entend répondre à cette question : quel modèle d'armée pour demain ?

Petit retour en arrière : après trois décennies de sous-investissements qui avaient conduit nos armées au bord de l'effondrement, la majorité avait déjà renversé cette tendance en défendant, dans la précédente LPM, une politique de rupture qui mettait enfin un terme à l'érosion de nos forces militaires. Très concrètement, cette ambition s'est traduite par une augmentation du budget de la mission "Défense" , puis par une exécution budgétaire, que dis-je, une sur-exécution budgétaire unanimement saluée – autant de gages de confiance et de crédibilité pour ce nouveau projet de loi de programmation militaire.

Le retour de la guerre à haute intensité à nos portes, en Ukraine, sur le sol européen, mais aussi la guerre hybride mondialisée, l'accentuation des tensions internationales ou encore les multiples défis globaux justifient que nous répondions sans attendre aux bouleversements de notre environnement stratégique. En somme, il s'agit désormais d'engager un effort de transformation permettant à la France de conserver une supériorité opérationnelle, tout en ajoutant de la profondeur à ce qui fait la signature de nos armées : manœuvre, vitesse, audace, adaptabilité et haute précision.

Le ministre et les rapporteurs l'ont rappelé, le texte consolidera nos fondamentaux, qu'il s'agisse de la protection de nos territoires – notamment ultramarins –, de la crédibilité et de la permanence de la dissuasion nucléaire, clé de voûte de notre défense et assurance vie de notre pays, ou encore de l'amélioration des conditions de vie et de travail des militaires et civils de la défense. Il visera également à allouer des moyens inédits au renseignement et à l'innovation, afin de renforcer notre liberté d'accès aux espaces communs et notre liberté d'action dans les nouveaux champs de conflictualité – espace, cyber, drones, défense sol-air. Enfin, l'économie de guerre impose de renforcer notre autonomie stratégique, avec la sécurisation des approvisionnements critiques, la constitution de stocks stratégiques ou encore la relocalisation de filières de production sur le territoire national ou européen.

L'excellente qualité des débats en commission, que je tiens à souligner, a permis d'enrichir le texte présenté par le ministre, s'agissant notamment de la rémunération des militaires, de la diversité et de la représentativité – en particulier celle des femmes et de nos concitoyens ultramarins –, des parcours à l'international de nos soldats, du renforcement des réserves qui seront également accessibles aux Français établis hors de France.

En outre, l'influence a été consacrée comme fonction stratégique, le rôle du Parlement a été renforcé et le changement climatique sera désormais pris en compte dans le fonctionnement des armées.

Je salue donc le rejet par l'Assemblée nationale de la motion de rejet préalable présentée par le groupe GDR – NUPES, qui permet aux débats de se poursuivre. Nous le devons à nos armées, qui nous regardent, et à notre pays.

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La trajectoire que j'ai tracée nécessite un effort important, que la nation est prête à engager, pour répondre à deux exigences fortes : porter la défense à la hauteur de nos ambitions et respecter les contraintes budgétaires nationales que nous connaissons. Le Président de la République a donc arbitré en faveur d'un budget de 413 milliards d'euros à ce nouveau projet de loi de programmation, soit une augmentation de 40 % par rapport à la précédente LPM. Entre 2017 et 2030, le budget annuel des armées aura donc plus que doublé.

Ainsi transformées, nos armées n'en assureront que mieux notre sécurité, n'en défendront que mieux notre liberté, n'en préserveront que mieux notre souveraineté, n'en serviront que mieux nos engagements d'alliée exemplaire, fiable, de haut niveau et prête à verser le prix du sang, que ce soit au sein de l'Otan ou au service de l'autonomie stratégique européenne. Je veux partager avec vous les trois qualificatifs que nos alliés attribuent à nos armées : savoir-faire, crédibilité, volonté. Ce projet de loi de programmation militaire entend les préserver : soyons-en fiers.

Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.

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Depuis les années 1960, la loi de programmation militaire permet à la France de disposer d'une vision stratégique de moyen à long terme, et de déterminer les moyens matériels et humains que le pays souhaite consacrer à la défense de ses citoyens, de son territoire et de ses intérêts. Elle permet aussi à notre base industrielle et technologique de défense de disposer d'une visibilité indispensable à la préservation de centaines de milliers d'emplois essentiels à l'exercice de la souveraineté nationale.

Nous le savons tous, notre outil militaire doit répondre à deux enjeux majeurs pour notre nation. En premier lieu, il y a la défense de notre territoire, qu'il soit métropolitain, ultramarin, sous-marin ou spatial. À cet égard, s'agissant de certains segments, l'ambition du texte reste trop faible, même si je conçois qu'il puisse être difficile de faire plus eu égard au bilan catastrophique de la macronie en matière de finances publiques. En second lieu, il s'agit de la défense de la place de notre pays dans le concert des nations, cette place si singulière qui fait de la France une nation à part, regardée par toutes les grandes puissances. Durant la dernière campagne pour l'élection présidentielle, j'ai longuement développé ma vision de cette France puissance ; alors que nous commençons les débats, je me satisfais que l'outil militaire que vous programmez pour les prochaines années ne soit pas incompatible avec la politique étrangère et de défense que je souhaite mener.

Sourires sur divers bancs.

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Oh là ! Monsieur le ministre, vous nous aviez caché ça !

Sourires.

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L'actualisation prévue dans ce texte nous permettra d'ajuster l'outil militaire quand nous arriverons au pouvoir.

Applaudissements sur les bancs du groupe RN.

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Le contexte géopolitique et économique dégradé nous oblige à faire de cette LPM pour les années 2024 à 2030 un texte irréprochable, tant sur le plan de la sincérité budgétaire que sur celui des capacités militaires.

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Vous comprenez pourquoi nous ne sommes pas d'accord.

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Monsieur le ministre, vous avez réaffirmé le rôle majeur de la dissuasion nucléaire : sur ce point, nous vous soutiendrons sans réserve.

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Nul ne saurait remettre en cause l'un des piliers de notre défense, héritage du gaullisme,…

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…car l'existence de la France en tant que pays libre n'est pas un acquis immortel et doit toujours être défendue. En revanche, sur le plan conventionnel, nos inquiétudes demeurent. Certes, les efforts entrepris depuis 2015 sont louables, et ont permis de mettre un terme à la saignée infligée aux armées dans le cadre des dividendes de la paix des années 1990. Mais ils restent trop lents et, surtout, pas assez massifs d'un point de vue budgétaire.

Face à l'instabilité croissante du monde, il est plus que temps de comprendre qu'une armée ne saurait être réellement complète si, à l'image de la nôtre, elle demeure, comme la nôtre, échantillonnaire.

D'abord, nos armées doivent être capables de conduire tous les types d'opérations de manière autonome. Or, à titre d'exemple, nous ne disposons pas d'hélicoptères de transport lourd : au Mali, il a ainsi fallu l'assistance de la Royal Air Force. Votre projet de LPM ne répond pas à cette question.

Ensuite, nos capacités ne doivent pas être soumises aux aléas des chimériques coopérations européennes que sont le système de combat aérien du futur (Scaf) et le MGCS – système principal de combat terrestre. Face à l'attitude inacceptable de nos partenaires allemands, plus prompts que vous à défendre leurs intérêts nationaux, il nous paraît en effet indispensable de développer d'autres solutions, souveraines.

Applaudissements sur les bancs du groupe RN.

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Puisque nous parlons de l'Europe de la défense, concept en lequel vous êtes bien les seuls à croire, prenons un autre exemple : la Facilité européenne pour la paix. Certes, la contribution du ministère des armées sera demain exclue de la trajectoire des besoins financiers. Mais trouvez-vous normal, monsieur le ministre, que les contribuables français déboursent l'équivalent de centaines de millions d'euros pour, par exemple, permettre au gouvernement polonais d'acheter des matériels américains et sud-coréens ?

« Eh oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit également.

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Ne pensez-vous pas que cette manne financière pourrait permettre d'œuvrer à la transformation de nos armées, dont vous faites – je l'ai bien compris – si grand cas ? En la matière, vos professions de foi multilatéralistes sonnent davantage comme des dogmes que je considère terriblement datés que comme les témoignages d'une vision stratégique.

Permettez-moi enfin d'évoquer les femmes et les hommes qui constituent le fer de lance de nos armées, et de leur témoigner mon indéfectible soutien. Ils incarnent la discipline, l'honneur et le courage, autant de vertus sociales que nous chérissons et souhaitons voir prospérer. Mais j'avoue avoir du mal à comprendre la politique que vous menez en la matière, alors même que nos armées – à l'image, d'ailleurs, de l'ensemble de la fonction publique – font face à une hémorragie de départs.

Debut de section - Permalien
Sébastien Lecornu, ministre des armées

Comme toutes les armées.

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En conclusion, le groupe Rassemblement national aborde ces débats dans un esprit constructif et apaisé. Nous le devons à nos soldats qui, en choisissant le métier des armes, acceptent de mourir pour que d'autres vivent.

Applaudissements sur les bancs du groupe RN.

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« Comment porter au plus haut, pour la France et pour le monde incertain dont elle est enveloppée, les chances de la paix ? Et si, malgré son effort et sa volonté de paix, elle est attaquée, comment porter au plus haut les chances de salut, les moyens de la victoire ? » Ainsi s'exprimait Jean Jaurès il y a plus de cent ans depuis cette tribune. Les termes du débat actuel n'ont pas varié : plus que de 413 milliards d'euros, c'est de notre vision pour la France, de notre ambition pour la place de la France dans le monde, que nous débattons. Comment voulons-nous œuvrer pour la paix et défendre la France ? Jaurès décrivait un monde incertain qui l'est plus encore aujourd'hui. Crises financières et monétaires, retour des logiques de bloc, retour de la guerre en Europe avec la terrible agression de l'Ukraine par la Russie, crise climatique qui surdétermine tout : l'humanité tout entière est en péril.

Deux options s'offrent à nous : accepter la logique de blocs et se résigner à la guerre, ou bien œuvrer pour la paix et l'intérêt général humain. La France, fille de la grande Révolution de 1789 et de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, forte de sa République universaliste, doit se faire le porte-parole de l'intérêt général humain : qui d'autre le pourrait ? La France est une grande puissance. Elle n'est pas une nation occidentale : présente sur l'ensemble des océans, sa plus grande frontière terrestre est avec le Brésil, et sa plus grande frontière maritime avec l'Australie. De fait, notre territoire subira de plein fouet les effets du bouleversement climatique. Face à de tels risques, la France doit œuvrer au sein de l'ONU, qu'il faudra revivifier,…

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…pour la création d'une force de réponse aux catastrophes climatiques. Rendre toute sa place à l'ONU, c'est réaffirmer la primauté du multilatéralisme et du droit international,…

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…mais aussi offrir une solution alternative au retour de la logique belligène des blocs, qu'ils soient états-unien ou chinois.

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Pour que ses choix soient crédibles, la France doit retrouver la voix singulière qu'elle portait dans le concert des nations lorsque le général de Gaulle lui a fait quitter le commandement intégré de l'Otan, en 1967.

Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.

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Depuis 2008, elle l'a réintégré, mais avec quel bilan, pour quels bénéfices ? La voix de la France porte-t-elle plus loin ou est-elle, au contraire, rendue inaudible par son alignement sur des intérêts qui ne sont ni les siens, ni ceux de l'intérêt général humain.

M. François Cormier-Bouligeon s'exclame.

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Il en va de même pour le mythe de l'Europe de la défense : alors que le Président Macron entendait façonner une autonomie stratégique européenne, les traités affirment que rien n'est possible hors de l'Alliance atlantique.

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Cette indépendance retrouvée nous permettrait de proposer à toutes les nations qui le souhaitent, notamment européennes, de nouvelles coopérations. Nous devons relancer des discussions pour un nouveau traité faisant de l'espace un bien commun de l'humanité ;

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES

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nous devons œuvrer pour la mise en place d'un droit international du cyber ; nous devons œuvrer, dans le respect du traité de non-prolifération, au désarmement nucléaire multilatéral des puissances dotées de cette arme.

Mêmes mouvements.

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Cette ambition n'est pas contradictoire avec le fait de réaffirmer que la dissuasion nucléaire demeure la clé de voûte de notre défense nationale.

Mais si la dissuasion nucléaire reste crédible aujourd'hui, qu'en sera-t-il demain ? Qui peut nous garantir qu'elle ne sera pas un jour notre nouvelle ligne Maginot ? Quel dirigeant responsable peut affirmer que dans trente ans, dans quarante ans ou dans soixante ans, la dissuasion nucléaire sera infaillible ? Car les ruptures technologiques dans l'espace, dans les fonds marins, dans le cyber ou dans le domaine de l'hypervélocité pourraient permettre de contourner notre dissuasion. Ce risque, même infime, il n'est pas acceptable d'y exposer la nation.

Dès lors, nous devons l'anticiper : il faut explorer toutes les pistes d'action dissuasive crédible, y compris non nucléaire. C'est pourquoi nous proposons de créer un commissariat à la dissuasion de demain.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.

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Celle-ci sera peut-être spatiale, cyber ou autre, mais il est certain en tout cas que l'avenir de notre nation se jouera dans ces espaces. Nos entreprises de défense excellent dans ces domaines – comme dans les autres – grâce aux ouvriers spécialisés, aux techniciens et aux ingénieurs qui font leur puissance. Nous devons donc les ramener dans le giron public pour rester maîtres de notre destin.

Nous devons aussi mobiliser toutes les compétences, et c'est la raison pour laquelle nous proposons une conscription citoyenne, loin de votre SNU, gadget réactionnaire et folklorique qui n'apporte rien à la défense de notre pays ,

Mêmes mouvements

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mais fait peser une menace de plusieurs milliards d'euros sur le financement de votre programmation !

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Notre conscription citoyenne sera le moyen de mettre la totalité de la nation en mouvement pour œuvrer contre les effets du changement climatique et les crises multiples qu'il engendrera.

Enfin, l'avenir de notre nation dépend des femmes et des hommes qui s'engagent pour la défense de notre patrie. On doit leur garantir des conditions d'exercice et une rémunération dignes, et garantir un accompagnement exemplaire pour nos blessés et nos anciens combattants.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Anne Genetet applaudit également.

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Les enjeux présents et futurs sont immenses. Notre devoir est d'y répondre en donnant…

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…aux armes de la France les moyens nécessaires pour la défense de la patrie et la promotion de la paix !

Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Fabien Roussel applaudit également.

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À toutes fins utiles, je vous rappelle que lorsque vous vous exprimez à la tribune, il est d'usage de commencer en saluant le Gouvernement, la commission, vos collègues et moi-même.

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C'est pour gagner du temps, madame la présidente, je l'ai compris comme ça ! On est tellement minutés dans cet hémicycle que l'on n'a plus le temps de la politesse !

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Une LPM n'est pas une loi comme les autres : c'est le cœur du régalien. Elle est donc sacrée au sens où l'entendait Régis Debray, ce qui légitime le sacrifice et interdit le sacrilège.

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Le sacrifice, c'est celui de celles et de ceux qui portent l'uniforme de la France ; le sacrilège serait de jauger cette loi pas comme les autres à l'aune de médiocres considérations politiciennes.

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Venons-en au fond.

Cette LPM représente un effort majeur de 413 milliards d'euros. Mais demeurons lucides : la guerre est à nos portes en Europe et les menaces terroristes sont toujours là, et si l'effort de défense de notre pays atteindra 2 % du PIB, je rappelle que c'était 3 % durant la guerre froide… Ne nous payons pas de mots : ce n'est pas une loi historique ; c'est une loi raisonnable.

Pouvons-nous vraiment nous en satisfaire ? L'essentiel est sauf puisque la dissuasion nucléaire, clé de voûte de nos intérêts vitaux qui permet de calibrer tout le reste, est bien assurée, puisque les grands programmes sont préservés et que la préparation de l'avenir et la compétitivité de notre BITD, nécessaires à une future remontée en puissance, sont prises en compte – même s'il est certainement possible d'aller plus loin pour notre souveraineté industrielle.

Face au dilemme entre masse et cohérence, vous avez privilégié la cohérence, monsieur le ministre, et c'est bienvenu car il ne sert à rien d'avoir des matériels dans les hangars sans pouvoir produire les effets pour lesquels ils ont été conçus. Mais nos forces conventionnelles demeureront partiellement échantillonnaires. Dans notre rapport d'information sur la préparation à la haute intensité, nous avions chiffré les manques en ce domaine à 40 milliards, et ce trou n'est pas comblé car on doit faire face aux nouveaux champs de conflictualité – le spatial, le cyber et les grands fonds –, que nous n'avions alors étudié qu'à la marge. Cette LPM y répond certes, et plutôt bien, mais je ne renie rien de ce que j'avais écrit car la masse n'est pas totalement au rendez-vous.

Toutefois, la défense est une notion globale : il n'est pas de défense forte sans économie saine ; il n'est pas d'économie forte sans finances saines. Pour reprendre les mots du général de Gaulle : « La politique et l'économie sont liées l'une à l'autre comme le sont l'action et la vie […] ». Et nous savons tous, hélas, l'ampleur de nos déficits. Nous savons que la dette, c'est la faiblesse, le risque du chantage de la part de nos créanciers, au pire le scénario grec. Dès lors il faudra bien faire avec cette enveloppe.

Derrière les chiffres, cette LPM traduit implicitement une vision puisqu'elle préserve notre statut de puissance mondiale, mais renonce à renforcer le corps aéroterrestre. C'est un pari et un choix : le pari, c'est qu'en Europe, l'attrition subie par la Russie sera telle que, dans la décennie à venir, nous ne serons pas engagés au sol ou dans les airs ; le choix, c'est qu'en agissant ainsi, nous renonçons à renforcer notre influence dans l'Otan, en particulier auprès de nos alliés d'Europe centrale. C'est dommage car l'Otan est, à vue humaine, l'horizon de la sécurité de notre continent. Nos alliés n'acceptent en effet l'autonomie stratégique que du bout des lèvres. Nous ne sommes dupes de rien : les Américains sont nos alliés mais aussi nos concurrents ! Cela dit, aux heures décisives, il faut choisir. Dans l'affaire de Cuba comme dans celle de Berlin, le général de Gaulle l'avait fait. Au groupe Les Républicains, notre choix est clair : entre une grande démocratie et l'autocratie, nous choisirons toujours le camp de la liberté !

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Budgétairement, cette LPM pose deux questions : celle des ressources extrabudgétaires – les REX – et celle des marches budgétaires à accomplir. Vous avez accepté en commission, monsieur le ministre, de sécuriser les REX en donnant un avis favorable à un amendement de notre groupe que j'ai eu honneur de présenter. Je vous remercie de cette approche éminemment constructive.

Il reste les marches : 3 milliards d'euros en début de LPM, 4,7 milliards à la fin de la législature et, même si je suis bien conscient qu'elles sont cumulatives et qu'une partie des décalages est compréhensible, nous devons privilégier les solutions souveraines, même plus tardives. D'autres décalages sont plus contestables et si nous vous proposons de les améliorer, ce sera à la marge, pas en suggérant des ajouts capacitaires de hasard. Ce n'est pas le rôle du Parlement de décider s'il faut 50 Jaguar de plus ou 100 Griffon de moins. Notre groupe insistera, même à la marge, sur le niveau de préparation des troupes car celle-ci améliore la cohérence et garantit une armée plus affûtée, avec davantage d'allant au combat.

Forts de ces constats, nous abordons ces débats avec bienveillance, mais aussi vigilance, pour la sécurité des Français et le bien des armes de la France en n'oubliant pas que ce que nous allons voter sera pour des hommes peut-être demain au contact, au combat, prêts à faire le sacrifice de leur vie. À notre assemblée de leur donner les moyens !

Applaudissements sur les bancs des groupes LR et Dem. – Mme la secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel applaudit également.

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Je me réjouis, avec l'ensemble de mes collègues du groupe Démocrate, que nous ouvrions aujourd'hui près de quinze jours de débats consacrés à la défense et à nos armées, et à travers elles, à celles et ceux qui, chaque jour, portent haut et fort les couleurs de notre pays pour assurer notre protection.

Je veux également avoir une pensée pour les Ukrainiens qui se battent toujours pour leur pays, pour leur liberté et pour défendre les valeurs qui nous sont chères, comme l'ont récemment démontré les annonces du Président de la République, confirmant que la France est à leur côté et les soutiendra tant que nécessaire.

L'examen du texte en commission a permis de rappeler utilement que le budget des armées ne sera pas amputé par l'aide que nous continuerons d'apporter aux Ukrainiens. Ainsi, malgré l'importance de ce soutien, l'ambition de moderniser nos armées, ambition que nous portons à vos côtés, monsieur le ministre, reste intacte comme le montre ce budget de 413 milliards d'euros.

Chers collègues, il nous faut penser pour une fois au temps long. Nous sommes tous conscients que cet argent représente un effort important pour la nation et que cette somme a déjà attiré de nombreuses convoitises de la part de ceux qui souhaitent qu'elle soit utilisée différemment. Aussi, personne ne s'étonne de voir ceux qui aspirent à gouverner dans quelques années proposer d'avancer, dès aujourd'hui, l'ensemble des investissements sans se soucier de leur poids pour notre dépense publique, mais surtout sans se soucier de l'adaptation de notre modèle d'armée.

L'imparable démonstration de leurs illusions a été faite en commission par le ministre avec un mot d'ordre qui sera celui de mon groupe pour les jours à venir sur ce texte : la cohérence. Car c'est en toute cohérence qu'il a d'abord été demandé aux armées leurs besoins pour construire au mieux un budget ambitieux qui sera porté à près de 69 milliards d'euros par an d'ici à 2030, au plus haut depuis trois décennies.

C'est en cohérence avec notre stratégie à long terme, maintenue depuis soixante ans, que nous continuons d'investir dans notre dissuasion, garante de notre indépendance et de la place de la France dans le monde.

C'est toujours en cohérence avec le modèle d'armée que nous souhaitons léguer que nous orientons les investissements vers les enjeux essentiels des conflits de haute intensité à venir : le spatial, le cyber, les drones mais aussi plus classiquement les munitions et le maintien en condition opérationnelle.

Enfin, c'est en cohérence avec l'objectif de demeurer un partenaire fidèle que nous garantissons la place de la France comme une nation-cadre de l'Otan tout en renforçant l'autonomie stratégique européenne grâce à des partenariats solides et mutuellement bénéfiques tels que le Scaf, le MGCS et de nombreuses autres coopérations européennes.

Je formule le vœu, au nom des députés du groupe Démocrate, que les coopérations européennes continuent à se développer tant elles renforcent l'indépendance de notre continent et, à travers lui, celle de la France. Je sais que nos débats vont revenir sur l'enjeu de ces alliances, mais ceux qui pensent renforcer la France tout en la sortant des partenariats qui font sa force et maintiennent son influence, se retrouveront face à l'évidence de leurs contradictions : on ne peut espérer demeurer une puissance de premier rang si l'on ne peut pas compter sur de fidèles alliés.

Au-delà des questions matérielles et stratégiques, cette LPM comporte une ambition nouvelle visant à renforcer le lien armée-nation, élément central auquel mon groupe portera une attention particulière. Nous devons collectivement encourager nos concitoyens à retrouver le sens de l'engagement pour leur pays, que ce soit au niveau de nos réserves ou, pour les plus jeunes, du SNU, madame la secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel. La compréhension des enjeux de notre sécurité mais surtout des valeurs qui nous unissent est une étape essentielle pour bâtir une nation forte et résiliente face aux crises.

Enfin, il y a la reconnaissance envers tous ceux qui consacrent leur vie à protéger notre pays. Leur engagement doit évidemment continuer à être valorisé : nous serons très vigilants à ce sujet lors de l'application de ce texte. Il y a aussi de la reconnaissance envers celles et ceux qui partagent la vie des militaires, qui vivent au rythme de l'armée, parfois au détriment du leur. Nous continuerons de travailler pour faire reconnaître ce qui doit être considéré comme leur engagement pour la nation.

Je tiens à saluer le plan « blessés » présenté récemment par Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire, ici présente, qui prend en compte toutes les situations et leur implication au quotidien pour les blessés mais aussi pour leur famille.

Notre assemblée devra rester attentive aux avancées que contient ce projet de LPM, et nous nous réjouissons à cet égard des pouvoirs de contrôle dont le Parlement disposera pour effectuer ce travail.

Si nous souhaitons apporter encore quelques améliorations au texte grâce à nos différents amendements, le groupe Démocrate soutiendra bien évidemment cette LPM historique.

Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – Mme Anne Genetet applaudit également.

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Lors de son discours de Toulon, en novembre 2022, Emmanuel Macron énonçait, sans prétention aucune, qu'une « révolution copernicienne du mode de conception des conflits, de notre géopolitique […] » devait être « anticipée ». Néanmoins, à la lecture de ce projet de loi de programmation militaire 2024-2030 et des quelques pages qui constituent la dernière revue nationale stratégique, il est clair que le texte dont nous allons bientôt commencer l'examen en séance provoque moins de bouleversements que le modèle héliocentrique proposé en son temps par l'astronome polonais. Autrement dit, pour nos armées, la prochaine loi de programmation militaire s'inscrit davantage dans la continuité de la précédente que dans la révolution annoncée par moult superlatifs.

Si nous tenons à saluer l'effort réalisé afin de garantir la crédibilité d'une dissuasion nucléaire à sa « stricte suffisance » – cette doctrine, instaurée par François Mitterrand à laquelle nous sommes attachés, nous permet de garder notre autonomie stratégique au sein de l'Alliance atlantique –, cette LPM n'a, quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, rien d'historique, contrairement à ce que vous aimez répéter.

Pour la deuxième fois consécutive, l'examen de la loi de programmation militaire n'est précédé d'aucun Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. La revue nationale stratégique, qui fixe le cadre stratégique du présent texte, n'invite aucun parlementaire à participer à son élaboration et à sa réflexion, ni à l'analyse précise et approfondie nécessaire à notre politique de défense.

Monsieur le ministre, vous aimeriez sans doute, comme beaucoup, être perçu comme un héritier du général de Gaulle : force est de constater que vous en retenez surtout la pratique du domaine réservé. Malgré vos propos rassurants en commission et l'adoption d'amendements qui infléchissent votre premier mouvement, vous participez à conforter la mise à l'écart du Parlement en matière de défense. Pourtant, lorsqu'on engage de tels montants, il est absolument nécessaire de débattre régulièrement et publiquement des enjeux qui nous préoccupent en matière de défense. Voilà qui renforcerait le lien armée-nation qui vous préoccupe tant, plutôt que la mise en place de dispositifs coûteux, à l'image du SNU.

Si nous soutenons évidemment l'effort budgétaire, celui-ci ne permettra pas d'atteindre la règle de 2 % du PIB consacré aux dépenses de défense fixé par l'Otan, comme nous le démontrerons ultérieurement. À cela se greffe un report de charges de 100 milliards d'euros de la précédente LPM, un contexte d'inflation grimpante et le report après 2027 des hausses de crédits les plus importantes. Le pari est donc hasardeux.

Ajoutons à ce constat nos difficultés à atteindre les standards otaniens en matière de préparation opérationnelle : nous aimerions que nos pilotes volent davantage ; nos marins ne naviguent pas assez ; nos soldats ne s'entraînent pas toujours autant qu'ils le souhaiteraient, et trop souvent dans des conditions dégradées.

S'il ne fait aucun doute que les unités dites de soutien doivent rester une priorité stratégique, notamment en matière de renseignement et de cybersécurité, admettez que cette LPM, faute de ne vouloir faire aucun choix, acte des renoncements, notamment concernant les masses :…

Debut de section - Permalien
Sébastien Lecornu, ministre des armées

Oh, toujours la même chose !

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…les livraisons de matériel et les unités d'infanterie sont réduites.

Si demain la France devait s'engager dans un conflit de haute intensité, quelle y serait notre crédibilité ? Par extension, quel serait notre poids décisionnel ? La France ne peut plus se rêver en hyperpuissance militaire, comme au siècle dernier, et nos débats doivent aussi nous inviter à penser le rôle que nous pouvons et devons jouer face aux nouveaux défis stratégiques, comme auprès de nos partenaires : en relations internationales, on n'est jamais libre quand on est seul !

Pendant des mois, vous nous avez parlé d'économie de guerre, d'accélération de la production, de massification, d'augmentation de la commande publique. Désormais, vous demandez de la souplesse, de l'agilité, et vous n'évoquez plus l'économie de guerre qu'à demi-mot. Notre industrie réclame pourtant un engagement ferme et sur le long terme, deux conditions sine qua non pour assurer effectivement l'agilité demandée.

Le logiciel de ce gouvernement est bloqué sur celui du Président de la République en 2019, autrement dit, il est incapable de tirer les leçons de la crise du covid ou de la guerre actuelle en Ukraine. Pour construire des chaînes d'approvisionnement stables, recruter sur le long terme et s'assurer du temps nécessaire pour former un personnel qualifié, c'est de la confiance de l'État qu'ont besoin nos industriels, et non de vocables managériaux ! En ce sens, c'est vers l'Europe que notre BITD doit également se tourner, dans des projets de temps long, ambitieux et complexes. Si vous mentionnez votre attachement au projet européen de défense, tout comme l'ensemble des socialistes, tout reste à démontrer.

Cette LPM est seulement historique compte tenu du contexte géopolitique dans lequel elle s'inscrit, et pour rien d'autre. C'est un débat sans faux-semblants ni consensus fallacieux que le groupe Socialistes et apparentés entend mener : nous le devons aux femmes et aux hommes qui composent nos armées.

Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.

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Selon Xénophon, « [l]'art de la guerre est, en définitive, l'art de garder sa liberté […] ». Quand on est né à Brest, ville écrasée sous les bombes à la manière de Bakhmout ou de Marioupol, et qu'on a vu se construire le porte-avions Charles-de-Gaulle, on a le sens de l'effort, du temps long, et comme l'instinct de la programmation militaire.

On sait que des équipements à l'étude aujourd'hui seront encore en service à la fin de ce siècle ; on sait ce qu'il en coûte à un pays de ne pas s'adapter aux menaces nouvelles ou de s'abriter derrière le fantasme d'éternels dividendes de la paix ; on sait, enfin, qu'un modèle d'armée est la traduction militaire d'une ambition géostratégique et diplomatique, c'est-à-dire d'une certaine façon de se concevoir dans le monde et d'être regardé par lui.

Le choix d'une politique de défense ambitieuse est nécessairement un sujet qui s'inscrit dans la durée. À cet égard, nous pouvons nous appuyer sur des politiques de remontée en puissance crédibles depuis 2015, et plus encore depuis 2017. La LPM pour les années 2019 à 2025 a été tenue à l'euro près et même dépassée, puisque cette année 2023 aura permis une dépense supplémentaire de 1,5 milliard d'euros pour répondre aux besoins liés à la guerre en Ukraine, en munitions notamment.

C'est une fondation sérieuse pour amorcer non seulement la réparation de nos armées, mais aussi leur modélisation et, finalement, assurer leur entrée dans un XXIe siècle plus brutal, caractérisé par le durcissement des relations avec nos principaux compétiteurs stratégiques et une course aux armements tous azimuts, de l'espace aux fonds marins, en passant par le cyber.

Que nous propose ce projet de loi de programmation militaire pour la période 2024-2030, si ce n'est de garantir notre souveraineté et la préservation de nos intérêts, dans l'Hexagone comme outre-mer, pour un montant de 413 milliards d'euros, ressources extrabudgétaires incluses ? C'est un effort strictement nécessaire, taillé au plus juste au regard des besoins.

Nous avons déjà eu de nombreux débats sur la pertinence de cette enveloppe globale et sur le rythme de la dépense au cours de la période passée, notamment sur ce qu'il est convenu d'appeler les « marches ». Monsieur le ministre, vous avez souligné qu'il s'agissait d'un socle ou d'un plancher, à préciser éventuellement à la hausse, en fonction des circonstances, dans le cadre d'une loi de finances annuelle. Vous nous avez rassurés à deux égards : d'une part, les dépenses exceptionnelles liées à la guerre en Ukraine ne seront pas prélevées sur cette enveloppe ; d'autre part, les recettes extrabudgétaires anticipées à 13 milliards d'euros feront l'objet, si les ressources prévues n'étaient pas à la hauteur, d'une compensation budgétaire.

Au sein de cette enveloppe globale, comment apprécier la copie qui nous est présentée ? Si elle ne permet pas de regagner significativement en masse – ce qui aurait supposé, compte tenu de l'inflation, du coût unitaire des équipements et des nouveaux milieux à protéger, au minimum 40 milliards d'euros supplémentaires –, elle constitue une maquette d'une grande cohérence, à mon sens beaucoup plus innovante qu'on ne la décrit parfois. Le modèle d'armée qui est soumis à notre appréciation est non seulement robuste, mais aussi calibré pour gagner en épaisseur.

Au-delà de la modernisation absolument indispensable de notre dissuasion nucléaire, car une dissuasion ne dissuade que si elle est absolument crédible, monsieur Roussel, le présent texte opère des choix dont il ne faudrait pas mésestimer la profondeur et l'importance. D'abord, les appuis, les soutiens et la logistique sont renforcés afin que les forces gagnent en autonomie et en capacité à durer : artillerie et feux dans la profondeur, défense sol-air, durcissement de toutes les plateformes, qu'elles soient terrestres, navales et aérospatiales. Ensuite, les dépenses ont été repensées afin de garantir une activité opérationnelle accrue, grâce au rehaussement des niveaux d'entraînement, de formation et d'entretien des matériels.

Ces deux points sont absolument essentiels. Vous l'avez dit, monsieur le ministre : rien ne sert d'aligner des navires, des chars ou des avions si nous n'avons pas les moyens de former et d'entraîner nos soldats, de maintenir un niveau d'entretien et des soutiens de premier plan pour nous projeter, seuls ou en alliance, sur tous les théâtres, comme en appui à nos partenaires à l'est de l'Europe ou pour défendre notre souveraineté outre-mer.

Je note aussi une inflexion vers plus d'agilité pour répondre aux incertitudes du contexte international, comme en témoigne l'attention portée aux équipements de cohérence. L'un des défis de cette programmation sera d'ailleurs de conjuguer la vie des grands programmes avec la nécessité de s'adapter en permanence.

Je veux en outre saluer les investissements importants consentis dans l'innovation, la préparation de l'avenir et le renseignement, capacité clé de la France pour l'obtention d'éléments d'appréciation souverains – rappelons-nous la guerre d'Irak en 2003 –, comme pour l'échange d'informations avec nos partenaires.

J'aurai l'occasion de revenir, en cours d'examen, sur les enjeux de recrutement et de fidélisation, ainsi que sur l'attention portée à la vie de nos militaires et civils de la défense, par exemple grâce au plan « famille ».

Au total, le présent projet de loi remplit quatre objectifs qui permettent de renforcer notre cœur de souveraineté : conforter la crédibilité de nos armées d'emploi ; entretenir et renforcer l'adaptation permanente de nos armées ; se doter d'une organisation de commandement réactive afin de consolider notre autonomie de décision et d'action ; répondre à une exigence d'efficacité de la dépense, en se montrant responsables dans l'emploi des deniers publics.

C'est donc avec conviction que le groupe Horizons et apparentés soutiendra ce projet de LPM.

Applaudissements sur les bancs du groupe HOR sur plusieurs bancs du groupe Dem.

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Hier encore, nous nous pensions à l'abri sur un continent en paix d'où le spectre de la guerre serait définitivement éloigné. Aujourd'hui, nous ne pouvons que constater le retour de la guerre de haute intensité sur le territoire européen, le nouvel élan dangereux des États autoritaires et la lente montée des gouvernements illibéraux en Europe. Nous avons longtemps cru que les guerres étaient derrière nous, que nos démocraties et nos interdépendances économiques nous mettaient à l'abri. Nous nous sommes crus protégés, et nous avions tort !

Nous avons également tort lorsque nous choisissons de continuer à vivre comme si notre planète avait des ressources infinies. Aujourd'hui, nous n'avons plus le choix, et le réveil est brutal. À cause de notre aveuglement, la moitié de l'humanité connaît une grave pénurie d'eau au moins une fois par an ; 3,3 milliards de personnes vivent dans des zones déjà vulnérables au changement climatique et 8 % à 30 % des terres agricoles mondiales pourraient devenir incultivables. Nous sommes confrontés aux limites de notre terre et aux risques de conflits que cela implique.

Alors oui, il est nécessaire de garantir les dépenses qui permettraient à nos armées de fonctionner ; je pense à l'amélioration des conditions de travail et des rémunérations mais également à l'investissement dans le maintien en condition opérationnelle des équipements. Les efforts réalisés sur ces sujets sont pertinents car une armée, aussi puissante soit-elle, doit d'abord se penser à hauteur d'homme et de femme.

Garantir le bon fonctionnement de l'armée, comme de tout service public, est nécessaire, mais, dans un monde profondément incertain, une loi de programmation militaire ne peut se contenter d'additionner les euros : elle doit impulser une vision stratégique de notre défense et anticiper les conflits de demain. Malgré les grands mots « d'amplification » et de « transformation », cette LPM s'inscrit dans la continuité. Surtout, elle ne prend pas en compte la complexité du monde d'aujourd'hui, et encore moins l'imprévisibilité de celui de demain.

Les crises et les dangers s'accumulent, mais notre stratégie de défense semble inchangée. Si la nouvelle revue nationale stratégique a signé la véritable entrée du climat dans les questions de défense, on peine à retrouver dans le présent projet de loi de programmation militaire une transposition satisfaisante de cette prise de conscience. Un amendement écologiste du député Julien Bayou a été adopté en commission : c'est un premier pas mais, dans le cadre de nos travaux, nous devons aller plus loin.

Pour les Écologistes, trois avancées majeures sont malheureusement absentes alors qu'elles auraient pu démontrer une réelle transformation de notre politique de défense et notre capacité à faire face aux nouveaux risques climatiques et géopolitiques.

Le premier élément qui fait défaut à ce texte concerne l'association plus forte du Parlement aux décisions en matière de défense. Aujourd'hui, celles-ci relèvent encore exclusivement du Président de la République et de l'état-major. Une grande démocratie telle que la nôtre ne doit pas avoir peur des débats stratégiques en matière de défense.

MM. Julien Bayou et Jérémie Iordanoff applaudissent.

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À un moment où de nombreux pays affaiblissent leur démocratie sous couvert de mieux répondre aux enjeux sécuritaires, faisons un geste de confiance envers nos institutions et notre Parlement ; votons sur le mandat que nous donnons à la France au sein de l'Otan ; contrôlons davantage les exportations d'armes ! Aujourd'hui, nous devons avoir confiance dans le débat démocratique sur les questions de défense et aller vers davantage de transparence. Tant le Parlement que les Français sont en mesure de comprendre et de prendre les décisions qui s'imposent.

MM. Julien Bayou et Aurélien Saintoul applaudissent.

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Deuxième sujet d'inquiétude : l'absence d'une véritable dynamique ambitieuse pour l'avènement d'une Europe de la défense. Le 13 juin dernier, le Président Macron avait annoncé vouloir une défense européenne beaucoup plus forte et avait promis que la nouvelle LPM permettrait de contribuer à la construction de l'autonomie stratégique européenne. À la lecture de ce projet de loi, force est de constater que nous en sommes encore loin.

Le groupe Écologiste défend la nécessité d'avancer résolument vers une Europe de la défense qui permettra de mutualiser les moyens en matière de défense et donc de les rendre soutenables, d'asseoir une armée et une diplomatie qui pèsent fortement sur la scène internationale, de construire une base industrielle et technologique européenne pour rendre les armées plus résilientes aux chocs de haute intensité, d'amplifier le projet fondateur au cœur de l'Europe, celui de la paix entre les peuples européens.

La recherche et la préservation de la paix sont le troisième sujet absent de ce texte. Dans cette période d'incertitude, tous les États, y compris les États européens, augmentent leurs dépenses de défense. S'il existe des guerres légitimes contre un État agresseur, comme c'est le cas en Ukraine, il n'existe pas de guerres justes. Les Écologistes soutiendront donc l'augmentation des moyens de la diplomatie : en effet, comment imaginer avoir une politique de défense efficace si la diplomatie française est affaiblie ?

Dans un souci d'une sécurité commune à toute l'humanité, nous défendrons aussi une politique de sortie multilatérale de la dissuasion nucléaire. Nous devons nous départir de cette dépendance au nucléaire et commencer à penser de nouveaux types de dissuasion. La France doit porter une voix claire, ferme et forte en faveur de la non-prolifération et tracer le chemin d'une interdiction des armes nucléaires. Alors que la guerre fait rage sur le continent européen et que l'incertitude sur les contours du monde de demain continue de grandir, nous ignorons l'héritage que nous laisserons à nos enfants. Nous, les Écologistes, ne souhaitons leur léguer ni une planète détruite ni un monde en guerre.

Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.

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Ayant suffisamment donné l'alerte, au cours de mes mandats précédents, sur la baisse de notre effort de défense, je ne peux que me réjouir de voir cette loi de programmation militaire consolider notre force de dissuasion, vitale, et réarmer notre pays. Cependant, ce n'est pas parce que vous faites mieux que vos prédécesseurs, qui ont désarmé la France, que vous et nous ne conservons pas une marge de progression. C'est pourquoi Véronique Besse et moi, députés non inscrits, proposerons des amendements visant à ajouter 21 milliards d'euros de crédits, afin de dépasser en 2030 non pas 2 % du PIB, comme vous le prévoyez, mais 2,5 %, à l'image du Royaume-Uni ; c'est pour nous un strict minimum.

Notre proposition répond à quatre objectifs : compenser l'effet de l'inflation, qui grignotera votre budget, vous le savez bien, de 30 milliards d'euros ; améliorer la condition de vie des militaires, pour éviter les démissions qui se multiplient et affaiblissent nos armées ; accroître les équipements indispensables à notre présence maritime, en finançant un second porte-avions et quinze frégates supplémentaires ; enfin, conserver notre indépendance technologique, en nous donnant les moyens, autour de nos industriels tricolores, de produire de manière indépendante l'avion du futur, plutôt que de perdre du temps dans les sables mouvants du fameux Scaf européen.

Ce débat sur la loi de programmation militaire est donc vital pour l'avenir de notre pays et pour le moral de nos soldats, qui risquent leur vie pour notre liberté. Toutefois, il est un débat plus urgent encore, qui manque cruellement à la représentation nationale et que je veux aborder à cet instant : celui qui porte sur l'engagement de notre pays en Ukraine.

L'ampleur des livraisons d'armes françaises au fil des mois et, surtout, la formation de pilotes ukrainiens sur des Mirage 2000, qui a été annoncée récemment et constitue nécessairement un préalable à la livraison d'avions de chasse français, nous conduisent de fait à une cobelligérance dangereuse contre la Russie.

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C'est un choix crucial, qui devrait être soumis, en vertu de l'article 35 de la Constitution, à l'autorisation du Parlement. Une chose était de condamner l'entrée des troupes russes en Ukraine – je l'ai fait moi aussi – et de sanctionner cette atteinte à la souveraineté – j'ai approuvé les sanctions ; une autre est de participer à une surenchère guerrière aux côtés de responsables ukrainiens que l'on ne maîtrise pas et qui ne cachent plus leur volonté d'attaquer et de déstabiliser la Russie.

L'histoire de la première guerre mondiale nous a appris qu'un conflit territorial mal géré pouvait conduire à une catastrophe planétaire. En déclarant que la France s'alignera sur les conditions de paix et sur le moment choisi par le président Zelensky – tels sont les termes qu'il a employés –, Emmanuel Macron se lie les mains par avance et interdit à notre pays de proposer, avant qu'il ne soit trop tard, un plan de paix, bien sûr équilibré.

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C'est-à-dire ? Un plan qui respecte le droit international ?

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Au moment où les deux camps en présence sont épuisés par les combats et où l'Ukraine devient le champ de bataille martyr de l'Europe, c'est faire preuve non pas de faiblesse, mais tout au contraire de courage, comme le pape François vient de le dire, que de vouloir stopper l'engrenage militaire en proposant un chemin vers la paix.

Exclamations sur quelques bancs du groupe RE.

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La France, fidèle à sa tradition d'indépendance gaullienne, s'honorerait en proposant l'autonomie constitutionnelle du Donbass – d'ailleurs prévue par les accords de Minsk, qui n'ont pas été respectés par l'Ukraine non plus –, le retrait, bien sûr, des troupes russes, accompagné du déploiement de casques bleus de l'ONU sur la ligne de front, et un accord de sécurité européen, tel que l'avaient imaginé, en leur temps, Jacques Chirac et Dominique de Villepin, qui prévoirait notamment la neutralité de l'Ukraine, hors de l'Otan et de l'Union européenne.

Henry Kissinger, ce grand diplomate,…

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…n'a cessé de mettre en garde l'Occident contre la tentation de pousser la Russie dans les bras de la Chine et de s'isoler du reste du monde. En s'alignant unilatéralement sur Mme von der Leyen, qui n'a aucune légitimité démocratique, et sur un président Biden très contesté au Congrès en matière de politique étrangère, la France commet une faute géopolitique historique.

Le général de Gaulle avait imaginé, sinon anticipé, notre monde de plus en plus multipolaire. En ne comprenant plus cette ligne et en ne l'incarnant plus, notre pays perd son indépendance, sa crédibilité et son influence – nous le constatons tous les jours en Afrique, en Amérique latine et en Asie. Plus nous laissons pourrir ce conflit et l'alimentons, plus nous transformons le continent européen en champ de bataille du monde et affaiblissons les nations européennes, nous préparant ainsi un XXIe siècle sous la domination complète de la Chine et des États-Unis.

Une loi de programmation qui renforce nos armées, c'est une bonne chose, mais il importe plus encore de réfléchir à ce que l'on fait des armes. Est-ce vraiment l'intérêt de la France que de continuer dans cette voie, sans faire preuve d'indépendance ? Est-ce même l'intérêt de l'Europe que d'alimenter cette guerre folle ?

Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.

Suspension et reprise de la séance

La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à dix-neuf heures.

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J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.

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Je suis saisie de quatre amendements, n° 459 , 786 , 457 et 785 , tendant à modifier l'intitulé du titre Ier , qui peuvent être soumis à une discussion commune.

Les amendements n° 459 et 786 sont identiques, de même que les amendements n° 457 et 785 .

La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir l'amendement n° 459 .

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Aux termes du titre Ier , le rapport annexé, que nous allons bientôt étudier, traite des « objectifs de la politique de défense ». Nous considérons que c'est un peu présomptueux : si le texte comporte un certain nombre d'intitulés et prévoit une répartition financière ainsi que le fléchage de grands agrégats, il ne fixe pas d'objectifs à nos armées.

En commission, monsieur le ministre, vous avez été amené à expliquer que, si nous ne rénovions que 160 chars Leclerc, c'est parce que cela suffirait pour atteindre notre objectif, à savoir être en mesure de projeter une division de l'armée de terre, autrement dit deux brigades. Or cet objectif n'est pas inscrit dans le rapport annexé.

De même, nous ignorons quelle sera la doctrine d'emploi de notre porte-avions. Or, si notre objectif est d'avoir en permanence un porte-avions en mer, il nous en faut non pas un, ni même deux, mais plutôt trois, ce qui correspond à un autre budget et à une doctrine d'emploi déterminée.

Aucun de ces éléments ne figure dans le rapport annexé. Dès lors, soyons sincères : écrivons que le titre Ier fixe les orientations budgétaires, mais non les « objectifs de la politique de défense ». Tel est le sens de l'amendement.

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La parole est à M. Aurélien Saintoul, pour soutenir l'amendement n° 786 .

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Mon collègue l'a dit à l'instant, le texte que vous nous soumettez ne fixe pas d'objectifs, pas plus qu'il ne présente de scénarios. Ce travail frappe par son caractère inachevé et quelque peu précipité.

On nous parle, bien évidemment, de la guerre en Ukraine. Or, à la lecture de la RNS et du rapport annexé au projet de loi, j'ai l'impression qu'il y a comme un vide, dans votre réflexion, entre ce qui a trait à la guerre en Ukraine – qui est déjà, d'une certaine façon, la guerre d'hier – et les scénarios issus des travaux de la Red Team Défense.

Vous avez eu une bonne idée en créant cette Red Team. Sa production est intéressante – du moins celle qui est publique, mais je gage que celle qui n'est pas publique l'est tout autant. Mais, dans le fond, quels scénarios de la Red Team, tenant compte notamment de la guerre en Ukraine, retrouve-t-on réellement dans votre texte ? En réalité, il y en a bien peu.

Nous vous avons parlé, en commission, du monde des prochaines décennies, en 2040-2050. Quel genre de scénario anticipez-vous concernant le réchauffement climatique ? Quel genre de scénario anticipez-vous dans un monde où, par exemple, le pétrole se mettrait à ne plus couler ? Si vous n'avez plus les moyens de faire fonctionner le parc de chars, où est-il écrit que nous sommes capables de faire sans ces chars ? Où avez-vous imaginé une façon ou une autre d'en disposer ? Les objectifs que vous vous fixez ne sont pas clairs.

La revue nationale stratégique est un texte faible, à la fois redondant et lacunaire ; le rapport annexé n'est pas bien riche non plus. Dans ces conditions, soyons sincères et parlons de programmation budgétaire ou financière, mais pas d'objectifs.

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La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir l'amendement n° 457 .

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Dans la continuité de mon collègue Saintoul, je dirai que nous ne connaissons pas toujours la logique de votre doctrine d'emploi. À quoi destinez-vous, par exemple, les 7 milliards d'euros pour l'espace ? Nous savons qu'il y aura quelques satellites de plus, mais cela ne fait pas une doctrine d'emploi. En quoi l'espace va-t-il changer la manière dont les armées font la guerre – ou, si elles ne la font pas, comment prendront-elles en compte une situation dans laquelle le rapport de force et la conflictualité évoluent ? Il en est de même pour le cyber. En quoi ces nouveaux espaces vont-ils changer la donne ?

Il n'y a pas d'objectif, pas de vision ; pire, il n'y a pas d'éléments qui permettraient à la France de faire entendre une voix autonome et indépendante sur ces questions-là, notamment par la voie diplomatique. S'il y a une telle militarisation de l'espace, ce n'est pas parce que la France le souhaite, c'est parce que d'autres nations le font. Pourquoi ? Parce qu'aucun traité n'interdit de le faire. Quelles actions la France compte-t-elle entreprendre pour faire adopter un tel traité ? De même, il n'existe aucun droit international du cyber. Quelle est l'action de la France pour élaborer un tel droit ? Cela serait plus utile que ces dépenses à fonds perdu dont vous ne nous expliquez pas la finalité. Nous avons besoin de savoir à quoi vont servir ces milliards.

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La parole est à M. Aurélien Saintoul, pour soutenir l'amendement n° 785 .

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La réalité de cette loi de programmation militaire, comme l'a dit tout à l'heure ma collègue Martine Etienne, c'est qu'elle vous autorise à ne pas aller au bout de la loi de programmation militaire actuelle. Vous avez expliqué que les premières marches budgétaires de votre projet étaient les mêmes que celles du projet en cours ; cela signifie que vous comptez utiliser les mêmes sommes, mais que vous renoncez aux arbitrages qui ont été faits auparavant. En 2018, le choix avait été fait d'une marche de 3 milliards d'euros pour les années à venir. Il y avait une logique : ce choix était justifié par une programmation budgétaire qui devait atteindre des objectifs capacitaires. Aujourd'hui, ces objectifs capacitaires diminuent. La liste du matériel à fournir à nos armées se réduit, mais vous n'expliquez pas pourquoi.

En commission, vous nous avez donné une explication minimaliste : « Notre objectif en matière de chars, c'est de pouvoir projeter une division, soit deux brigades. » Mais pour tout le reste, tous les étalements de programmes, tous les renoncements, vous n'avez pas fait cet effort. Vous n'avez pas « sincérisé » la copie. Vous n'avez pas inscrit dans le texte à quels objectifs opérationnels vous répondiez. Vous n'avez pas dit si l'on pouvait, oui ou non, se passer de tel ou tel segment ; si, oui ou non, on pouvait renoncer à telle capacité. Expliquez-nous à quels conflits vous demandez aux armées de se préparer, et nous pourrons éventuellement considérer que des objectifs sont inscrits dans le texte.

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Mes chers collègues, vous parlez de renoncements et d'un rapport incomplet que vous ne comprenez pas, mais ce rapport est bien plus complet que les précédents. Le tableau annexé contient plus de précisions que ceux que l'on a pu connaître dans le passé.

Vous évoquez votre manque de compréhension ; je peux l'entendre, mais tout est question d'appropriation, et il faut consulter la bonne entrée du rapport annexé. Le rapport est issu du travail approfondi effectué par les états-majors, par le cabinet du ministère des armées et par nous autres, députés, qui avons participé à différents ateliers. N'oublions pas non plus qu'il a été nourri lors de nos travaux en commission. Bref, ne balayez pas ce travail préalable d'un revers de main.

Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage, et c'est ce que vous êtes en train de faire en ouvrant le débat sous ce prisme. En réalité, l'examen approfondi de ce tableau permet de mettre en évidence que le nucléaire est un axe majeur. Vous nous avez demandé : « Que va-t-on en faire ? Sera-t-il toujours utile ? » Oui, il sera utile ; c'est d'ailleurs pour cela que nous y investirons autant d'argent dans les années à venir. Le nucléaire est la clé de voûte de cette loi de programmation militaire. Il faut en prendre conscience, sans quoi vous aurez du mal à suivre le reste du débat. L'investissement dans le nucléaire rejaillira forcément sur les autres capacités.

Vous nous demandez ce que nous voulons. Ce que nous voulons, tout simplement, c'est une France qui soit capable de se renseigner, d'analyser les situations et d'agir quand elle veut, là où elle veut, que ce soit dans l'espace ou dans les fonds marins – qui sont tout aussi importants –, dans le monde matériel ou dans le monde immatériel du cyber. Au total, nous avons programmé une grosse somme – 413 milliards d'euros – qui sera déployée de façon cohérente et intelligente. Vous ne pouvez pas dire, en quelques mots, par deux amendements : « On ne comprend rien, cela ne vaut rien. » Ce n'est pas possible. Avis défavorable aux quatre amendements.

Debut de section - Permalien
Sébastien Lecornu, ministre des armées

Je tiens à saluer par anticipation le duo que MM. Saintoul et Lachaud vont former au cours des quinze prochains jours ; je mesure l'effort que vous aurez à fournir pour occuper votre temps de parole en défendant ces amendements identiques.

Sourires sur les bancs des groupes RE et Dem.

Debut de section - Permalien
Sébastien Lecornu, ministre des armées

Je le dis sans malice, bien sûr.

Debut de section - Permalien
Sébastien Lecornu, ministre des armées

Si tous les groupes – ainsi, évidemment, que la présidence de la séance – sont d'accord, je me permettrai, comme en commission, de répondre sur les sujets essentiels par une prise de parole assez longue et d'être moins bavard sur d'autres sujets, afin d'éviter le phénomène de ping-pong. Certains amendements abordent des sujets sensibles et méritent qu'on leur accorde du temps ; à l'inverse, nous pourrons aller plus vite sur d'autres amendements.

Si j'ai bien compris ces interventions multiples, les quatre amendements sur le titre doivent être considérés comme des amendements d'appel. Ils nous invitent à réfléchir à la qualité et au contenu du rapport annexé.

Je me permets d'emblée de vous dire que vous auriez été malheureux si vous aviez été députés en 1960. La loi de programmation militaire était alors composée de quatre articles, et il n'y avait pas de rapport annexé ; là encore, je le dis sans malice. À un moment donné, le Parlement et l'exécutif ont senti le besoin de préciser certaines choses. Au début, ce travail portait uniquement sur les grands programmes pour créer de la pluriannualité et sécuriser les programmes liés à la dissuasion ; très vite, on y a ajouté les grands programmes non liés à la dissuasion, y compris le terrestre. Je rappelle au passage – puisque beaucoup, cet après-midi, se sont réclamés du gaullisme, de manière parfois assez étonnante – qu'à l'époque, quelques mois seulement après le vote de la loi de programmation militaire par le Parlement, le général de Gaulle avait rajouté lui-même, à la main, la composante nucléaire tactique pour l'armée de terre. Nous avons bien évolué depuis. Comme je l'ai expliqué en commission, j'ai souhaité trouver un point d'équilibre dans le rapport annexé ; on sait qu'une loi trop bavarde, bien qu'elle puisse satisfaire les experts, n'a pas une grande la lisibilité pour nos concitoyens.

Deuxièmement, je vous trouve bien durs concernant la qualité du rapport annexé. Je vais être un peu taquin en soulignant qu'il contient tout de même deux pages entières liées aux contrats opérationnels ; ce sont les pages 66 et 67, où sont exposées un certain nombre de situations : les postures de réactivité, les postures permanentes, l'échelon national d'urgence renforcé (ENU-R) – lequel indique déjà le niveau de cohérence, de réactivité et d'endurance que nous attendons, y compris au niveau de la brigade – et, pardon de le dire, toute une rubrique liée aux compléments en cas d'engagement majeur, dans laquelle vous retrouvez ce qui a trait aux divisions et aux brigades.

Nous entrons maintenant dans la mêlée. Ce que je m'apprête à dire s'adressera à l'ensemble des groupes d'opposition de l'hémicycle et sera ma principale réponse à la discussion générale que nous venons d'écouter.

Soixante-quinze amendements ont été déposés sur le tableau capacitaire, c'est-à-dire sur les matériels et les équipements ; sur le tableau concernant les contrats opérationnels, c'est-à-dire le cœur même de la loi de programmation militaire, les moyens que vous allez assigner aux forces armées pour les sept ans qui viennent, il n'y a qu'un seul amendement.

Debut de section - Permalien
Sébastien Lecornu, ministre des armées

Cela m'avait déjà étonné en commission, mais je n'avais rien dit. Je pensais que les débats qui allaient suivre durant une trentaine d'heures permettraient de repartir des besoins liés aux missions et des postures – qu'il s'agisse des postures liées à la dissuasion nucléaire, comme l'a mentionné M. le rapporteur, ou de postures plus conventionnelles comme les Resevac (opérations d'évacuation de ressortissants), sur le modèle de l'opération Sagittaire à Khartoum, ou bien les opérations maritimes. Nous aurons l'occasion d'y revenir.

Pas d'amendement – ou un seul, déposé par le député Dupont-Aignan, lequel propose un second porte-avions ; ce n'est même pas à cet endroit-là qu'il fallait le déposer. C'est dire ! Quelque chose m'échappe.

J'ai entendu les orateurs, dont la plupart sont déjà partis, dire à la tribune qu'il faudrait plus d'argent, qu'il faudrait en faire plus, que cette LPM n'est jamais qu'un rattrapage, sans préciser une seule fois, en trois heures de discussion générale, quelles nouvelles missions ils souhaiteraient assigner aux forces armées. C'est une réalité dont il faut parler.

Vous avez souhaité, par les amendements – souvent identiques – qui vont suivre, préciser des choses dans le rapport annexé. Je m'y étais engagé auprès de vous en commission, où j'avais reconnu que certaines choses qui peuvent être évidentes pour le ministère, et même pour le ministre, méritaient soit une clarification, soit plus de transparence. Le meilleur exemple est sans doute celui de l'innovation, un sujet sur lequel vous avez déposé beaucoup d'amendements. Je reconnais bien volontiers votre passion pour le sujet depuis longtemps, ainsi que votre constance et votre investissement ; nous apporterons ces précisions quand nous avancerons dans le rapport annexé. En revanche, modifier le titre du texte au motif que celui-ci ne proposerait qu'une orientation financière serait très inexact par rapport à la réalité.

Je tiens à vous remercier pour le livret « La loi de programmation militaire : notre vision », élaboré par La France insoumise. Vous qui me critiquez souvent, avec bienveillance, sur le caractère précipité de la loi de programmation militaire, je note que vous l'avez présenté à la presse en début d'après-midi, ce qui peut, vous en conviendrez, ressembler à de la précipitation. Vous avez néanmoins entendu l'appel de détresse que j'avais lancé en commission, car je ne comprenais pas quelles étaient vos propositions. Je note une clarification sur la dissuasion nucléaire. Il faudra néanmoins vous entretenir avec les députés Lecoq et Roussel, car je ne suis pas convaincu que vous atterrissiez sur la même idée – ou alors, elle est encore floue, ce qui, pour une dissuasion, est ennuyeux.

Néanmoins, nous y reviendrons, car lors de la discussion générale, monsieur le député Lachaud, vous avez posé des questions intéressantes à propos de l'avenir même de ce qui est dissuasif, et nous y répondons évidemment dans le texte. Mon attachement profond à la dissuasion nucléaire ne doit pas nous dispenser de réfléchir à ce qu'elle pourrait devenir sur le plan technologique, demain et dans les décennies qui viennent. Il faudra bien entendu que nous en débattions.

Quoi qu'il en soit, j'ai pu parcourir rapidement votre document. Il a le mérite d'exister, mais la plupart des propositions qu'il contient sont floues et manquent de précision ; j'ai la faiblesse de penser que le rapport annexé que le Gouvernement de la République vous soumet dans le présent projet de loi est plus précis. Je vous propose donc d'avancer, de laisser le titre en l'état et de nous consacrer plutôt aux amendements sur le texte, dont certains – je le dis d'emblée – recueilleront un avis sinon favorable, au moins de sagesse de la part du Gouvernement, car ils correspondent au bon sens.

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Nous pouvons regretter la hâte avec laquelle cette loi de programmation militaire a été élaborée, ainsi que les nombreuses zones de flou qu'elle comporte. Malgré tout, l'urgence est là : nous nous trouvons à l'aube d'un potentiel conflit de haute intensité et la guerre a fait son retour sur le continent européen. Nos armées souffrent depuis trop longtemps d'un manque d'effectifs et d'une réduction capacitaire résultant des choix inconscients des précédents gouvernements.

La LPM pour les années 2019 à 2025 ressemblait à un pansement. Or il nous faut être pragmatiques : ce n'est pas avec un pansement que l'on soigne un bras cassé ! Faisons en sorte, par nos travaux respectifs, que cette nouvelle loi de programmation militaire soit celle d'une prise de conscience responsable, et ne retardons pas son application. Si elle n'est pas celle que nous attendions, soyons réalistes et non sectaires en votant, sans aucune arrière-pensée idéologique, les amendements qui iront dans le bon sens.

Applaudissements sur les bancs du groupe RN.

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En ce qui concerne l'arme nucléaire, nous devons tous avoir en tête que la bombe atomique est une arme illégale en droit international.

Debut de section - Permalien
Sébastien Lecornu, ministre des armées

Non !

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Si ! Il y a un traité d'interdiction de l'arme nucléaire qui a été signé et ratifié par suffisamment de pays…

Debut de section - Permalien
Sébastien Lecornu, ministre des armées

Pas le nôtre !

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Pas nous, d'accord, mais à l'échelle internationale, il arrive que le droit dise quelque chose, et que certains s'en moquent ! Je pourrais vous citer quelques pays qui se moquent totalement du droit international. Mais ne m'obligez pas à les nommer dans l'hémicycle ; si je le faisais, je serais encore accusé de tous les maux.

Debut de section - Permalien
Sébastien Lecornu, ministre des armées

La souveraineté, c'est quand ça vous arrange !

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Ensuite, le rapport n'aborde pas une autre question dont nous avons parlé tout à l'heure : celle relative à l'espace, à son arsenalisation et à sa militarisation – car ce ne sont pas deux choses identiques. Il n'y a rien à ce sujet ! L'espace, c'est le nouveau far west : il n'est régi par aucune règle. Par conséquent, c'est la raison du plus fort, du plus riche ou du premier installé qui risque de l'emporter – on croit souvent que l'espace est illimité, mais les orbites, elles, sont limitées, et les constellations de satellites, à force de s'accroître, vont finir par les couvrir en totalité.

Dans ce contexte, qui l'emportera ? Des États ? Des entreprises privées, qui mettront à disposition du plus offrant tout ce qu'elles installent dans l'espace ? Et quels types de satellite trouvera-t-on alors ? Des satellites espions, qui observeront les autres ? Des satellites « mères », susceptibles de libérer des sous-satellites ? L'espace renvoie à une multitude de sujets et on ne peut pas faire comme s'il n'y avait pas de problème.

Or, dans ce projet de loi de programmation militaire, la France ne se positionne pas en disant qu'elle va œuvrer pour la non-militarisation et pour la non-arsenalisation de l'espace, ni même en se prononçant en faveur d'un traité international garantissant ces principes : vous ne le dites pas ! Ce serait une excellente chose qu'en complément d'une loi de programmation militaire, on perçoive la doctrine de l'État sur ces sujets ; mais en l'état du texte, ce n'est pas le cas.

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Vous avez été taquin, monsieur le ministre ; vous me permettrez de l'être en retour. N'est pas le général de Gaulle qui veut ! La LPM dont vous nous parlez sans cesse, celle de 1960, qui comportait quatre articles, venait à la suite d'un discours fondateur du général de Gaulle qui a, d'une certaine manière, façonné notre système de défense jusqu'à nos jours.

Debut de section - Permalien
Sébastien Lecornu, ministre des armées

Eh oui !

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Parlez-en à votre président : qu'il prononce un discours de ce niveau, et peut-être pourrons-nous nous satisfaire d'un rapport annexé aussi court. Vous le comparez à notre document, mais c'est la production d'un groupe d'opposition, qui n'a donc pas à sa disposition – pour le moment – les moyens du ministère et des états-majors. Vous en conviendrez donc aisément : comparaison n'est pas raison.

Pour en revenir aux contrats opérationnels, les pages 66 et 67 du rapport annexé correspondent à des listes qui ne concernent pas tant que ça le domaine immatériel – et quand je parle de domaine immatériel, j'y inclus le domaine éminemment matériel qu'est l'espace. Nous avons un peu l'impression que vous avez, dans la précipitation, basculé de la perspective d'un affrontement imminent à l'Est, entraînant des besoins multipliés en matière de chars et de tanks, à la prise en compte des nouveaux espaces de conflictualité que sont le cyber, les fonds marins et l'espace – et nous ne pouvons que nous en réjouir, puisque nous vous en parlons depuis dix ans –, sans toutefois nous dire ce que vous comptez faire exactement.

Cela dit, je suis d'accord pour avancer. Je n'ai aucun problème, monsieur le ministre, avec le fait que vous dissertiez pendant très longtemps ; au contraire, c'est toujours agréable de vous écouter. Mais il faudrait que nous ayons le temps de vous répondre !

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Je m'apprêtais à répondre à nos collègues Lachaud et Saintoul, mais je veux tout de même revenir sur ce que je viens d'entendre : selon nos collègues du groupe GDR, les armes nucléaires seraient illégales.

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Vous savez aussi bien que moi que la France n'a jamais ratifié ni même signé le traité sur l'interdiction des armes nucléaires. À partir du moment où un traité n'est ni signé ni ratifié, il ne s'applique pas directement dans l'ordre international, sauf s'il se rattache à un texte de l'ONU qui en étend l'application.

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Or ce n'est pas le cas : le Tian n'est soumis à aucun régime d'extension. Par conséquent, il ne peut être question d'illégalité.

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Pour le reste, je répondrai à nos collègues Lachaud et Saintoul : je vous entends critiquer le fait que nous commencions maintenant l'examen du projet de LPM, en disant que c'est une manière de camoufler l'échec de la précédente, qui n'a pas été menée à son terme. Voyez-vous, j'ai toujours considéré que La France insoumise était le parti des paléo-marxistes ;

Sourires sur divers bancs

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

eh bien, vous venez de nous donner la magnifique illustration du fait que vous êtes par excellence le parti des conservateurs. Pour ma part, je me félicite de voir une LPM qui s'adapte aux nouvelles menaces !

Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.

Debut de section - Permalien
Sébastien Lecornu, ministre des armées

C'est vrai, il y a quelque chose d'antinomique dans les propos de nos collègues : vous nous dites que nous devons être plus réactifs pour mettre à jour la loi, et en même temps qu'il n'y a pas d'urgence…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

S'il vous plaît, la parole est à M. le ministre et à lui seul.

Debut de section - Permalien
Sébastien Lecornu, ministre des armées

Durant la trentaine d'heures de débats en commission, vous avez appelé à des remises à niveau – ou à jour – plus régulières, à davantage de consultations du Parlement, à davantage de débats, de mobilité et de souplesse ; et en même temps, vous nous expliquez que nous aurions dû attendre 2025 ou 2026 pour faire la prochaine LPM !

Debut de section - Permalien
Sébastien Lecornu, ministre des armées

Une fois de plus, je considère qu'il s'agit d'amendements d'appel, dont le but est de susciter le débat. C'est très bien, mais nous sommes dans l'hémicycle et plus en commission : à un moment donné, nous devons écrire le droit en faisant preuve de cohérence.

Monsieur le député Lecoq, on ne peut pas dire que les armes nucléaires sont interdites alors que notre pays n'a pas ratifié le Tian.

Debut de section - Permalien
Sébastien Lecornu, ministre des armées

Des amendements seront présentés plus tard dans la semaine à ce sujet, mais je voudrais souligner la chose suivante : vous entretenez la confusion entre non-prolifération et interdiction – et vous êtes membre de la commission des affaires étrangères ! –, alors que ce sont deux sujets complètement différents.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Et le désarmement ? C'est l'un des trois piliers du TNP !

Debut de section - Permalien
Sébastien Lecornu, ministre des armées

La République française est engagée dans la voie de la non-prolifération et applique le principe de stricte suffisance – cela a été dit –, notamment grâce à des apports importants du Président de la République, mais quand vous dites que l'arme nucléaire est illégale, ce n'est pas vrai, ou alors votre approche de la souveraineté française est à géométrie variable.

D'un côté, le député Roussel nous accuse de nous plier au diktat américain – d'ailleurs, par les temps qui courent, nous pourrions reparler de nos alliances en matière nucléaire, et nous le ferons certainement plus tard dans la semaine ; et de l'autre côté, à propos d'un traité qui ne s'impose pas à la France, vous nous dites qu'il s'impose à nous puisque de nombreux pays l'ont signé.

Debut de section - Permalien
Sébastien Lecornu, ministre des armées

Mais non ! Si l'on veut défendre notre souveraineté, on défend les traités qui sont ratifiés par nos institutions, aux termes de la Constitution.

S'agissant de l'espace, le débat pourrait prendre du temps ; il est à bien des égards passionnant. Vous avez raison quand vous dites que nous nous trouvons dans une zone de flou, et nous pourrons y revenir. Mais si je veux faire mon travail de ministre des armées devant vous, je dois vous dire ce qu'est le vrai sujet – nous ne pourrons nous y dérober et d'ailleurs, vos cousins de La France insoumise ont répondu à cette question, à la fois dans leur document et dans leurs amendements.

Debut de section - Permalien
Sébastien Lecornu, ministre des armées

Le vrai sujet, donc, le voici. Au moment où nous déterminons les investissements que nous allons faire au cours des prochaines années pour notre appareil de défense, décidons-nous de faire l'impasse sur le spatial militaire, au nom du principe selon lequel l'espace doit être complètement démilitarisé – on montre l'exemple, on ne fait rien ?

Debut de section - Permalien
Sébastien Lecornu, ministre des armées

C'est la première posture possible ; j'y suis opposé mais je la respecte, car elle est cohérente. Quant à la deuxième posture, elle est la suivante : peut-être est-ce dommage, mais il n'est pas question que la France n'en soit pas et n'occupe pas son rang en la matière. C'est aussi en cela que le gaullisme militaire constitue un héritage politique important, car c'est ce qui a été fait dans les années soixante en ce qui concerne l'atome – et c'est évidemment ce que nous proposons.

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Vous avez abandonné le « en même temps » !

Debut de section - Permalien
Sébastien Lecornu, ministre des armées

Non ! Sur un sujet tel que celui-là, il ne faut pas se payer de mots. La réalité, c'est que nous avons des moyens de télécommunication militaire et que nous devons les moderniser – nous en reparlerons à propos des équipements, lorsque nous examinerons le rapport annexé ; que nous avons des moyens d'observation, y compris en matière de renseignement, qu'il nous faut également moderniser, et ce, désormais, sur différentes orbites ; et que nous devons aussi développer des satellites patrouilleurs guetteurs, pour être capables, justement, de sécuriser l'ensemble de nos orbites. Bref, il est absolument clair que nous devons nous préoccuper de toutes ces fonctions stratégiques et pour le coup, le rapport annexé le démontre bien. Si je peux me permettre, les nombreuses heures que nous avons passées en commission nous ont tout de même permis d'éclaircir tout cela !

Les amendements identiques n° 459 et 786 ne sont pas adoptés.

Les amendements identiques n° 457 et 785 ne sont pas adoptés.

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La loi de programmation militaire est un dispositif dont on peut se féliciter : sans aucun doute, il s'agit d'un modèle auquel nous devrions avoir plus souvent recours, et ce dans différents domaines, notamment la santé.

Certains l'ont déjà souligné : les travaux qui ont eu lieu en commission de la défense nationale et des forces armées, préalablement à l'examen qui débute aujourd'hui en séance, ont été constructifs, et nous nous en réjouissons, même si nous pouvons regretter – sans nous en étonner – que peu de concessions aient été faites aux groupes d'opposition, malgré leur labeur. Or tout le succès d'une opération réside dans sa préparation, selon les enseignements de Sun Tzu, lesquels sont parfaitement retranscrits par la vision stratégique du général d'armée Thierry Burkhard, qui peut se résumer ainsi : il faut gagner la guerre avant la guerre.

Ainsi, si nous espérons que l'opposition sera cette fois-ci entendue et pourra même constituer une source d'inspiration pour le Gouvernement, qui dissimule à peine le plagiat qu'il fait parfois de nos propositions – même si cela demeure très flatteur pour le groupe Rassemblement national et reflète la qualité de son travail –, nous voterons tout ce qui semble relever du bon sens et répondre aux intérêts fondamentaux de la nation. Il est primordial que la loi de programmation militaire donne un cadre et une véritable trajectoire au prochain exercice budgétaire.

Pour cela, elle devra répondre à des questions encore en suspens, dissiper les zones de flou et justifier certains choix à l'aube d'un conflit de haute intensité, eu égard au recul dont nous disposons désormais sur la guerre en Ukraine – mais aussi dans un contexte où l'expression « économie de guerre » semble être devenue un tic de langage chez le Président de la République, ne reposant sur rien de concret. C'est pourquoi nous attendons du Gouvernement qu'il tire lui aussi les leçons nécessaires des « débats », si l'on peut dire, engendrés par la réforme des retraites dans ce même hémicycle, et qu'il travaille avec le Parlement sur cette question de souveraineté nationale.

Dans cette optique, il est impératif que le contenu des débats que nous entamons ici soit à la hauteur non seulement de nos couleurs, mais surtout des hommes et des femmes qui nous défendent au péril de leur vie, pour la France. En effet, comme le rappelait Clemenceau au sujet des combattants héroïques de la première guerre mondiale : « ils ont des droits sur nous ».

Applaudissements sur les bancs du groupe RN.

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Ce texte est une occasion manquée. Au sein de l'État, le ministère des armées est singulier dans la mesure où il est peut-être le dernier à posséder une véritable capacité de planification. Or nous n'avons pas besoin d'une LPM anticipée, qui se contente de reconduire dès maintenant les montants de celle qui est en cours, mais d'une loi de programmation de souveraineté.

Vous nous avez expliqué, monsieur le ministre, qu'il était difficile de prévoir plus de 3 milliards d'euros de dépenses supplémentaires par an dans les années à venir, car nous ne saurions pas comment dépenser davantage.

Quitte à faire rire notre collègue Thiériot, qui nous considère comme des paléo-marxistes, je peux vous dire que, pour notre part, nous saurions comment dépenser en élaborant une planification plus rigoureuse. C'est que, je le répète, nous n'avons pas tant besoin d'une LPM anticipée que d'une loi de programmation de souveraineté qui fixerait de grands objectifs et de grands projets, notamment de grands projets industriels.

Votre texte a une faille : n'avoir pas mis autour de la table le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, le ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, et le ministère des armées. C'est à cela que vous auriez dû travailler et vous avez deux ans devant vous pour le faire.

Prenons l'exemple de la fonderie numérique, cœur indispensable des prochains projets de souveraineté. Que dit cette LPM sur la manière dont nous pourrions bâtir une fonderie numérique qui permettrait aux capacités françaises de retrouver une ressource de souveraineté et d'indépendance ? Rien. Évidemment, cela représentera plusieurs dizaines de milliards.

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Que dit ce texte sur la manière dont nous pourrions nous affranchir de la dépendance aux États-Unis en matière de porte-avions ? Rien, et…

Mme la présidente coupe le micro de l'orateur.

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Je suis saisie de deux amendements identiques, n° 464 et 787 .

La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir l'amendement n° 464 .

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Vous nous présentez un budget de 413 milliards d'euros, mais le total des marches budgétaires s'élève, lui, à 400 milliards d'euros. Puisque vous avez adopté un amendement déposé par le président Marleix et le groupe Les Républicains, visant à sécuriser les 13 milliards d'euros de ressources extrabudgétaires, nous devrions avoir 413 milliards d'euros de budget sécurisé et planifié sur les sept prochaines années.

Pourtant, malgré cet amendement, vous n'avez pas réintégré ces 13 milliards d'euros dans les marches budgétaires. Si vous êtes sûr de votre planification, vous devriez savoir quand dépenser ces 13 milliards de ressources extrabudgétaires qui sont sécurisées. Pourquoi ces 13 milliards n'apparaissent-ils pas dans les marches ? Par sincérité budgétaire et respect du Parlement, vous devriez nous dire : nous avons sécurisé ces 13 milliards et nous allons les planifier sur les sept prochaines années.

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La parole est à M. Aurélien Saintoul, pour soutenir l'amendement n° 787 .

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La défense de cet amendement me donne l'occasion de poursuivre ma démonstration sur la planification. Mon collègue vient d'expliquer que 13 milliards sont sécurisés, mais non ventilés. Vous n'avez donc pas fait ce travail. Vous anticipez une dépense de 13 milliards, mais vous n'êtes pas capables de les dépenser – ou vous n'avez pas souhaité nous informer de la façon dont vous allez le faire.

Lors du précédent mandat, la constellation OneWeb était disponible à la vente pour 1 milliard de dollars, ce qui n'était pas grand-chose compte tenu des montants du budget de la défense. Nous sommes passés à côté, de même que la Commission européenne. La constellation OneWeb vient d'être achetée par les Anglais et un consortium indien pour un prix qui a augmenté de 100 % en un an. Nous sommes passés à côté de cette occasion et de ce qu'elle représente en termes de souveraineté.

Quelle est votre vision sur cette question, monsieur le ministre ? Elle se résume à dire que nous parviendrons peut-être, au cours des prochaines années, à avoir une constellation européenne dont la France possédera une partie. Vous voyez bien que nous sommes tributaires du bon vouloir de la Commission européenne. L'échec OneWeb aurait dû vous percuter, si j'ose dire. Or, entre cet échec et l'hypothétique projet européen, il n'y a aucune vision planificatrice, aucune volonté de rebondir et de saisir l'occasion qu'aurait été OneWeb en l'occurrence.

C'est ce genre de grand projet qui nous manque. Vous vous qualifiez volontiers de néogaulliste. Pourquoi pas ? Moi qui suis un paléo-marxiste, j'ai du mal à imaginer ce néogaullisme sans grand projet. Or il n'y a pas de grand projet.

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Vos propos, chers collègues, n'ont rien à voir avec vos amendements, l'exposé des motifs de vos amendements ou même l'article. On peut ouvrir le débat, mais nous avons des règles à respecter.

Debut de section - Permalien
Sébastien Lecornu, ministre des armées

Eh oui !

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Nous sommes à l'Assemblée nationale et nous avons une façon de travailler qui nous invite à faire preuve d'un peu de cohérence.

Même si les propos que vous venez de tenir n'ont aucun lien avec les amendements, je vous répondrai succinctement que des explications ont déjà été données plusieurs fois en commission, notamment par le ministre, au sujet de ces 13 milliards. Cette pratique avait cours depuis longtemps sans être explicitée. Il est plutôt vertueux de l'intégrer dans la programmation, car cela nous permet d'être plus réalistes.

Quant à la constellation Syracuse, je vous propose d'y revenir quand nous aborderons les amendements que vous avez déposés sur le sujet. Si vous faites une espèce de gloubi-boulga de tous vos amendements en défense de celui-ci, cela va être un peu compliqué. Je vais plutôt égrener mes réponses au fil des débats. Avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Sébastien Lecornu, ministre des armées

Pour aller dans le sens du rapporteur, je vous indique que nous aurons l'occasion de discuter des ressources extrabudgétaires plus tard au cours de nos débats. J'ai déjà répondu 577 fois sur le sujet, je le ferai 578 fois.

S'agissant du spatial, je vous propose de prendre le temps d'en discuter lorsque nous en viendrons à l'examen des amendements que vous avez déposés sur le sujet plutôt qu'à l'occasion d'amendements qui portent sur une modification de titre. Nous avons quinze jours devant nous. Je pense avoir montré lors des travaux en commission une forme d'endurance et de disponibilité, qui sera identique en séance. Quoi qu'il en soit, j'émets un avis défavorable à ces amendements visant à modifier le titre, puisqu'il s'agit de cela.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Peut-être nous sommes-nous mal exprimés, ce qui serait à l'origine d'un malentendu ? En fait, nous ne voulions pas revenir sur l'origine et le caractère extrabudgétaire de ces 13 milliards, monsieur le rapporteur, mais sur leur utilisation. S'ils sont bien présents à la fin, cela signifie qu'il faut programmer leur usage dès maintenant. En quelle année avez-vous prévu de dépenser ces 13 milliards ? Vous ne pouvez pas présenter un tableau où figure le chiffre de 400 milliards tout en nous disant que 413 milliards seront finalement dépensés.

Nous nous sommes un peu éloignés du sujet en donnant des exemples d'une planification plus large pour montrer au ministre qu'il était possible de proposer quelque chose de plus vaste et plus ambitieux, mais en tout cas, vous ne nous répondez pas sur l'affectation des 13 milliards en question.

Debut de section - Permalien
Sébastien Lecornu, ministre des armées

Oui, il y a une chronique sur les 13 milliards, que je pourrai vous présenter le moment venu. Évidemment, cela existe dans la construction pluriannuelle.

Les amendements identiques n° 464 et 787 ne sont pas adoptés.

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Je suis saisie de deux amendements identiques, n° 467 et 788 .

L'amendement n° 467 de M. Bastien Lachaud est défendu.

La parole est à M. Aurélien Saintoul, pour soutenir l'amendement n° 788 .

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Nous proposons que la LPM porte sur les années 2026-2032, ce qui vous donne deux ans pour remettre l'ouvrage sur le métier.

Nous voulons rassurer nos collègues sur un point : ils ne se mettront pas en défaut vis-à-vis des armées en permettant que la LPM ne soit pas adoptée cette année puisque, comme je l'ai déjà dit, 3 milliards sont déjà prévus pour l'année prochaine et 3 milliards le sont pour l'année suivante dans la LPM en cours. Il n'y aura pas de risque de cessation de paiement, de péril en la demeure. En revanche, ils se donneront la possibilité de se faire entendre du Gouvernement qui a parfois l'oreille un peu dure. Ils auront la possibilité de participer à une coconstruction peut-être plus ambitieuse.

Répétons-le, les marches budgétaires que l'on retrouve dans l'ancienne et la nouvelle LPM montrent bien que le Gouvernement se livre à une sorte de bonneteau : la marche est la même alors que l'inflation est beaucoup plus importante que lorsque la précédente LPM a été adoptée, ce qui implique une baisse du pouvoir d'achat des armées.

Si la prochaine LPM est reportée de deux ans, nos collègues auront le temps de la réflexion et pourront proposer au Gouvernement de se remettre au travail pour présenter un texte plus abouti.

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Le calendrier de la LPM est bien choisi, compte tenu des changements géopolitiques et technologiques qui ont lieu en ce moment. Nous commettrions une erreur si nous attendions plus, laissant une longueur d'avance à nos compétiteurs. Toutes les personnes auditionnées ont d'ailleurs souligné l'intérêt de faire une LPM en ce moment, compte tenu de l'actualité. Avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Sébastien Lecornu, ministre des armées

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous avons entendu notre collègue Saintoul faire l'apologie du Gosplan tout à l'heure, et nous en voyons ici l'un des premiers effets, à savoir la procrastination : la LPM commencerait en 2026 plutôt qu'en 2024. Nous devons débattre sérieusement d'un texte sérieux, car des femmes et des hommes se battent avec les moyens et les armes que leur donne la France. Venir ici débattre pour changer les dates, c'est ridicule. Évidemment, nous voterons contre ces amendements.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il est bien, ce député de la majorité !

Sourires.

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La France insoumise tient un discours contradictoire : tout en déplorant une baisse du pouvoir d'achat de nos armées, elle nous propose de reporter cet effort essentiel de deux ans. C'est incompréhensible. Proposer un tel report est sinon insultant, du moins délicat vis-à-vis de nos troupes qui sont engagées et qui ont besoin d'un soutien immédiat. Il convient évidemment de rejeter ces amendements.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.

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Évidemment, je n'ai pas fait l'apologie du Gosplan, monsieur Thiériot.

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J'ai fait l'apologie de l'idée de planification qui a été représentée, entre autres, par Jean Monnet – mais vous avez le droit de ne pas être partisan du gaullisme, cela vous regarde.

Quant à vous, monsieur Lefèvre, vous comprenez bien qu'il s'agit d'un amendement d'appel : s'il s'agissait de commencer une LPM dans deux ans, toutes les cibles seraient décalées et le texte perdrait en cohérence. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons que le Gouvernement se remette au travail et révise sa copie.

Vous ne m'avez pas écouté, car je vous ai bien dit que si la LPM n'était pas adoptée aujourd'hui, le budget serait tout de même en hausse de 3 milliards, la LPM en cours restant valide.

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Ne venez pas faire une espèce de chantage affectif ou patriotique – je ne sais pas comment il faut l'appeler – en nous expliquant que nous ne respecterions pas les militaires et les personnels civils de la défense.

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Pas de caricatures ni de procès d'intention de ce genre entre nous si vous voulez que les débats continuent de se dérouler de façon sereine.

Nous constatons que les marches budgétaires sont les mêmes dans le présent texte et la précédente LPM alors que les objectifs vont varier, ce qui signifie que vous reniez vos choix de 2018. Personnellement, je ne me sens pas particulièrement tenu, puisque nous avions voté contre la précédente LPM. Reconnaissez, en nous regardant droit dans les yeux, que vos choix de 2018 n'étaient pas les bons, que les objectifs n'étaient pas clairement définis, que la programmation n'était pas juste,…

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…mais ne venez pas nous dire que nous sommes incohérents. Nous observons que vous choisissez de vous renier, de renier vos choix. Dont acte.

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Pour faire simple, et afin de sortir de la polémique pour nous mettre enfin au travail, mon collègue Yannick Chenevard et moi-même avons rédigé un rapport d'information sur le bilan de la LPM 2019-2025. Il en ressort que si des progrès ont été réalisés, plusieurs éléments restent insatisfaisants. Au-delà du seul aspect financier – vous avez d'ailleurs raison de souligner que la marche de 3 milliards d'euros reste d'actualité dans la nouvelle LPM qui nous est proposée –, le texte prévoit plusieurs réorientations afin d'assurer une meilleure vie aux soldats et de tracer enfin la voie vers une réelle souveraineté de notre industrie et de notre défense.

Bref, le débat qui s'engage permettra, je l'espère – si le Gouvernement se montre capable d'écouter –, d'améliorer ces différents points et d'aller dans la bonne direction. Ne nous privons pas de ce débat et saisissons l'occasion qui nous est faite : arrêtons les polémiques et mettons-nous au travail dès maintenant. Le groupe Rassemblement national votera contre ces amendements.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.

Les amendements identiques n° 467 et 788 ne sont pas adoptés.

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Sur l'article 1er , je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Mansour Kamardine, pour soutenir l'amendement n° 164 .

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Je vous propose, monsieur le ministre, de vous rendre en outre-mer. Vous m'opposerez qu'il ne s'agit pas pour vous d'une terre de découverte, car vous connaissez ces territoires au moins aussi bien que moi,…

Debut de section - Permalien
Sébastien Lecornu, ministre des armées

Pas aussi bien !

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…mais, comme l'écrivait Nicolas Boileau, « Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, / Et les mots pour le dire arrivent aisément ». Nous estimons donc qu'il convient d'ajouter une précision d'une importance majeure à l'article 1er en indiquant que le titre 1er du texte concerne à la fois la France métropolitaine et l'outre-mer. Les élus du groupe Les Républicains voient en effet toujours la France en grand. Or la France ne serait pas la France sans ses départements et territoires d'outre-mer.

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Je partage votre attachement à l'outre-mer. Toutefois, la LPM concerne aussi les bases à partir desquelles nous menons des opérations à l'étranger. La rédaction que vous proposez risquerait donc de compliquer son application. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Sébastien Lecornu, ministre des armées

Nous aurons amplement l'occasion de creuser le volet outre-mer au cours de l'examen du rapport annexé, qui mentionne les moyens alloués, les contrats opérationnels, ou encore les enjeux liés au réchauffement climatique et à l'hybridité. Il se trouve que l'article 1er , qui crée du droit, encadre précisément les choses. En y prévoyant, comme vous le proposez, que « [le] présent titre fixe les objectifs de la politique de défense et la programmation financière qui leur est associée pour la période 2024-2030 en métropole et outre-mer ainsi que les conditions de leur contrôle et de leur évaluation par le Parlement », nous exclurions de facto toutes les bases installées à l'étranger, lesquelles font pourtant partie de notre modèle d'armée. C'est vrai de la base de Djibouti, que nous évoquions il y a quelques instants, mais aussi de celles situées au Gabon ou au Sénégal. Je crois par ailleurs savoir que votre groupe est attaché à l'avenir de ces accords de défense et à la qualité de la vie quotidienne dans ces bases.

À strictement parler, l'adoption de votre amendement tendant à modifier l'article 1er conduirait à exclure du champ de la LPM toutes les forces prépositionnées à l'étranger. Je vous demande donc de le retirer, étant entendu que nous reviendrons sur la question des outre-mer lors de l'examen du rapport annexé, dans le cadre duquel ces éléments devront être définis très précisément. Je précise d'ailleurs que plusieurs membres de la commission de la défense, siégeant sur divers bancs, ont proposé des amendements visant à revenir, par exemple, sur l'usage du mot « métropole ». Nous aurons l'occasion d'y revenir. Des précisions seront donc bien apportées, mais, en modifiant l'article 1er , nous ferions pire en voulant faire mieux.

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Nous comprenons le sens de cet amendement et la volonté de notre collègue Kamardine : les outre-mer ont trop longtemps été oubliés, voire méprisés. Néanmoins, la rédaction proposée conduirait effectivement à oublier les forces armées présentes dans les bases projetées, ainsi que les 5 millions de Français vivant à l'étranger : elle serait trop restrictive, raison pour laquelle les députés du groupe Rassemblement national s'abstiendront sur cet amendement.

M. Laurent Jacobelli applaudit.

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Dans un souci de construction œcuménique, j'accepte de retirer mon amendement, le ministre s'étant engagé devant la représentation nationale à revenir plus précisément sur cette question. Nous sommes en effet profondément attachés à l'avenir français des outre-mer. Or, quand je vois ce que nous refusons de faire aujourd'hui dans l'espoir de satisfaire quelques pays – notamment autour du département qui m'est cher, Mayotte –, je crains que nous ne regrettions, à terme, de ne pas avoir agi lorsque nous le pouvions. Je ne souhaite pas que nous léguions des regrets aux générations futures. Nous devons donc commencer à construire dès maintenant.

L'amendement n° 164 est retiré.

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La parole est à Mme Mélanie Thomin, pour soutenir l'amendement n° 1281 .

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Cet amendement de repli vise à rappeler un impératif inscrit dans le texte à l'initiative des parlementaires siégeant à la commission de la défense. Le texte initial, monsieur le ministre, était insuffisant, puisqu'il ne prévoyait aucun contrôle parlementaire de l'exécution des politiques de défense. L'amendement tend donc à réaffirmer l'attachement des députés du groupe Socialistes et apparentés au contrôle parlementaire de l'action du Gouvernement en toute matière, en particulier, ce soir et pour les jours à venir, pour ce qui relève de la défense nationale et des forces armées. Dans un contexte géopolitique complexe, nous exerçons ainsi pleinement nos prérogatives parlementaires, l'objectif étant de nous assurer du bien-fondé de vos ambitions stratégiques et budgétaires.

Vous avez promis, en vue de l'examen de ce texte, d'écouter le Parlement. Ne commencez pas cet après-midi à montrer le contraire en caricaturant les positionnements des oppositions : pour ce qui est des opinions exprimées par chacun en matière de défense, la France est un pays plein de nuances, à l'image du Parlement. Offrez donc à nos concitoyens un débat plein d'écoute à l'égard des oppositions.

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Nous avons travaillé sur cette question lors de nos travaux en commission, au cours desquels nous avons réalisé des avancées. Je comprends très bien l'objectif de ce qui constitue en quelque sorte un amendement d'appel, mais je vous demande de le retirer. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Sébastien Lecornu, ministre des armées

Vous êtes injuste lorsque vous affirmez que le texte initial était insuffisant. Comme je vous l'ai expliqué par le menu, c'est le Conseil d'État qui a conseillé au Gouvernement de retirer les dispositions qu'il avait initialement prévues en matière de contrôle du Parlement, car il revenait au Parlement d'introduire les mesures ad hoc. J'apporte cette précision dans un souci de sincérité des débats : je ne voudrais pas laisser penser aux députés ne faisant pas partie de la commission de la défense – et ils sont nombreux, ce qui n'est nullement un reproche – que le texte initial était insuffisant, alors qu'il respectait simplement le principe de séparation des pouvoirs. J'ajoute d'ailleurs que le même procédé avait été adopté lors de l'examen de la LPM précédente : c'est le Parlement qui enrichit le texte et l'améliore en y ajoutant les dispositions nécessaires.

S'agissant ensuite de l'écoute portée au Parlement, je crois avoir clairement fait part de l'état d'esprit qui m'anime. Il me semble d'ailleurs que de nombreux amendements du groupe Socialistes et apparentés, dont certains défendus par vous-même, parfois nuitamment, ont été adoptés, ce qui montre bien notre capacité à travailler tous ensemble.

Par ailleurs, sans caricaturer les positions des oppositions, il m'est impossible d'ignorer que les différentes composantes de la NUPES ne sont tout simplement pas d'accord. Vous devriez bien le vivre, puisque vous saviez, en concluant cet accord, que vous étiez en désaccord sur la dissuasion nucléaire, sur l'Otan, sur l'opportunité de se doter d'un deuxième porte-avions, ou encore sur les exportations d'armes – autant de questions très lourdes pour la République. Ceci étant dit, la NUPES n'est pas constituée d'un groupe unique. Je note donc qu'il faut travailler avec chacun des groupes, et ce n'est pas caricaturer que de souligner que vous n'êtes pas d'accord entre vous. Sans me mêler de ce qui ne me regarde pas, j'ai d'ailleurs, en tant que citoyen, mon avis sur la question.

L'amendement propose de revenir sur l'utilisation du mot « contrôle » à l'article 1er . Or, en toute rigueur, au regard de la Constitution, les membres de la commission de la défense exercent bien un contrôle.

Debut de section - Permalien
Sébastien Lecornu, ministre des armées

Lorsque vous auditionnez le ministre des armées en tant qu'ordonnateur principal, ainsi que les chefs d'état-major, le DGA et le DGSE en tant qu'ordonnateurs secondaires ; quand vous posez des questions écrites ; quand vous déposez une motion de censure sur les questions de défense, comme cela s'est déjà vu depuis le début de la Ve République, y compris assez récemment, en 2008, à l'initiative de votre groupe, après la décision du président Sarkozy d'envoyer des renforts militaires en Afghanistan –, il me semble que le mot « contrôle » correspond bien à la réalité que nous vivons au quotidien.

Enfin, on peut certes se demander si le contrôle prévu dans le texte sera suffisant, mais puisque vous aimez les références à François Hollande et à François Mitterrand – et je vous comprends –, je tiens à souligner qu'il sera toujours plus poussé que lors de l'examen des LPM adoptées du temps de ces présidents, le Parlement étant alors plus en retrait que dans le texte qui vous est proposé aujourd'hui.

Avis défavorable.

L'amendement n° 1281 n'est pas adopté.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 100

Nombre de suffrages exprimés 91

Majorité absolue 46

Pour l'adoption 91

Contre 0

L'article 1er est adopté.

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La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

La séance est levée.

La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.

Le directeur des comptes rendus

Serge Ezdra