Intervention de Catherine Colonna

Réunion du mercredi 10 mai 2023 à 17h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Catherine Colonna, ministre :

Je suis ravie et honorée d'être la première ministre de l'Europe et des affaires étrangères à participer au printemps d'évaluation. En effet, Jean-Baptiste Lemoyne avait représenté le Quai d'Orsay lors des éditions 2020 et 2021. Le sujet de notre rencontre, qui est l'exécution budgétaire 2022, est certes assez aride, mais je suis heureuse de l'occasion qui m'est donnée de répondre à vos questions et de revenir sur certains faits marquants de l'année écoulée.

La mission Action extérieure de l'État se décompose en trois programmes, à savoir le 105, le 151 et 185.

Le programme 105 Action de la France en Europe et dans le monde a fait l'objet, au 31 décembre 2022, d'une consommation de 94 % en autorisations d'engagement et de 97 % en crédits de paiement, l'exercice 2022 ayant été compliqué par plusieurs facteurs. D'abord, la forte inflation a entraîné une hausse importante de nos dépenses d'énergie et de transport, et ceci au sein du ministère où les missions des agents sont intrinsèques à leur métier. Ensuite, la dépréciation de l'euro par rapport au dollar a entraîné une perte de change, que nous avons réussi à réduire grâce au paiement anticipé de certaines contributions, comme les contributions obligatoires, opérées dès février. Enfin, la guerre en Ukraine a aussi engendré, pour le programme 105, une hausse des dépenses du centre de crise et de soutien du ministère.

Le programme 151 Français à l'étranger et affaires consulaires a vu, pour sa part, son taux de consommation se situer, au 31 décembre 2022, à 98,5 % en autorisations d'engagement et à 97,5 % en crédits de paiement. L'année 2022 aura été marquée par deux faits principaux pour ce programme. D'abord, il y a eu l'organisation des élections présidentielles et législatives, avec le succès notable du vote par Internet pour les élections législatives avant la présidentielle. Le vote par Internet représente 76 % des votants au second tour, ce qui a permis une augmentation de la participation, qui est passé de 16,6 % au second tour des législatives 2017 à 24,8 % au second tour de 2022. Ensuite, la poursuite de nos projets de modernisation a constitué un deuxième fait marquant avec, en particulier, le déploiement du registre de l'état civil électronique et l'extension du service France Consulaire. Ces deux chantiers font l'objet d'une attention de nos plus hautes autorités dans le cadre des politiques prioritaires du Gouvernement.

Le programme 185 Diplomatie culturelle et d'influence fait état d'un taux de consommation record égal à 99,8 % en autorisations d'engagement et crédits de paiement. L'année dernière a été marquée par la forte reprise des mobilités étudiantes, avec pour conséquence une gestion dynamique de l'enveloppe des bourses en faveur des étudiants étrangers. 400 000 étudiants étrangers ont été comptabilisés à la rentrée 2022, dont 11 100 boursiers, contre 9 900 l'année précédente. L'année 2022 a par ailleurs été marquée par le renforcement de notre réseau l'Institut français avec, pour la première fois, la création d'un Institut français en Arménie ainsi que l'ouverture de nouveaux locaux pour l'Institut franco-allemand de Ramallah. Vous constatez donc que la mission Action extérieure de l'État fait l'objet d'une exécution satisfaisante, et cela en dépit des nombreux aléas liés à un contexte international de plus en plus instable et malgré la rigidité d'une part significative de nos dépenses. C'est d'ailleurs ce que remarque la Cour des comptes dans son relevé d'observations provisoires.

La mission Aide publique au développement est quant à elle composée du programme 209 Solidarité à l'égard des pays en développement, qui relève du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, et du programme 110 Aide économique et financière au développement, qui relève de Bercy.

Au 31 décembre 2022, la consommation des crédits du programme 209 s'élevait à 99,6 % en autorisations d'engagement et à 99,8 % en crédits de paiement. L'agression de l'Ukraine par la Russie a fortement influencé l'exécution budgétaire 2022, avec plusieurs effets. D'abord, il y a eu le financement de deux engagements présidentiels au titre de l'aide humanitaire à l'Ukraine, soit 100 millions d'euros puis 100 millions de dollars lors de la dernière conférence internationale. Ensuite, il y a eu la mobilisation de 75 millions d'euros au profit de la sécurité alimentaire dans le monde afin de contribuer à l'atténuation de l'effet de la hausse des coûts des produits alimentaires pour les pays en développement et d'accompagner la livraison de céréales à des pays qui en avaient besoin.

Outre l'Ukraine, il faut avoir à l'esprit les différentes crises : en Syrie, au Sahel, en Irak, en Afghanistan et dans la Corne de l'Afrique. Ces crises se sont traduites par des dépenses croissantes au titre de l'aide humanitaire, s'élevant à 23 millions d'euros en 2022. La provision dite pour crises majeures inscrite dans la loi de finances pour 2022 s'est révélée aussi utile qu'insuffisante, justifiant sa forte augmentation votée dans le cadre de la loi de finances pour 2023. Vous vous souvenez sûrement que nous avons réalisé un saut qualitatif autant que quantitatif en 2023. C'est le programme 209 qui a financé les 973 millions d'euros de contributions multilatérales, incluant les contributions volontaires aux Nations unies et à d'autres organisations internationales ou fonds multilatéraux, comme les fonds mondiaux contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Comme pour l'action extérieure de l'État, je me réjouis que la Cour des comptes ait relevé une exécution conforme en dépit des très nombreux aléas qui caractérisent par essence l'action diplomatique.

Le premier enseignement que nous tirons de l'exercice budgétaire 2022 est que le Quai d'Orsay a su faire preuve d'adaptabilité et de réactivité pour faire face aux nombreuses crises survenues en 2022. C'est ce qui nous a incités à reconduire la provision pour crises majeures, dont 120 millions d'euros sur les 270 millions d'euros budgétés pour l'année 2023 sont dépensés à ce jour : 52 millions d'euros pour l'Ukraine, 28,5 millions d'euros pour la Syrie et la Turquie à la suite des séismes qui ont frappé ces pays, 20 millions d'euros pour la République démocratique du Congo, 17,25 millions d'euros pour le Soudan – cette crise est toute récente et ce montant est peut-être amené à croître –, un million d'euros pour le Chili et un million d'euros pour Haïti. Cette provision pour crises majeures a fait ses preuves pour gérer notre aide humanitaire avec souplesse et célérité. Son rythme de consommation est notable.

Le deuxième enseignement est que pour continuer à progresser dans la gestion des crédits qui nous sont confiés, il nous faut poursuivre et renforcer notre transformation dans le contexte de déficit budgétaire et d'augmentation de notre dette publique. Des transformations sont déjà engagées en matière d'aide humanitaire ainsi que concernant la politique culturelle et l'administration consulaire afin de nous rapprocher des Français et de leur apporter un meilleur service. Après la pandémie, la reprise des déplacements s'est souvent traduite par un relatif engorgement de nombre de nos services consulaires.

Les États généraux de la diplomatie ont consisté en une large consultation des agents et des partenaires de ce ministère. Cette consultation a été menée tambour battant entre la fin octobre et la fin du mois de janvier. Elle a montré qu'il fallait aller plus loin dans les réformes. C'est une aspiration de la majorité de nos agents, qui ont été très nombreux à participer à cette consultation inédite, ouverte et transparente. Au-delà de la situation des agents, il s'agit d'une demande de nos principaux partenaires, qu'il s'agisse des élus, de la société civile, des entreprises ou de la presse. Annoncés par le Président de la République et la Première ministre lors de la dernière conférence des ambassadrices et des ambassadeurs le 1er septembre, les États généraux ont été suivis de près par nos plus hautes autorités et le Président de la République s'est, à leur suite et sur la base des conclusions, rendu au Quai d'Orsay le 16 mars dernier, pour parler des diplomates – geste inédit – et annoncer sa décision de nous demander de mener à bien quatre principales transformations :  nous adapter plus rapidement encore aux changements du monde en renforçant nos capacités d'anticipation et d'analyse politique ;

 investir pleinement le champ de l'influence en développant la communication stratégique et en musclant nos réseaux d'Instituts français ;

 prendre plus encore le tournant des enjeux globaux, qui se multiplient, pour pouvoir davantage créer et entraîner des coalitions sur des enjeux majeurs – climat, biodiversité, alimentation, éducation, santé, cyber ;

 rapprocher la diplomatie des Français en modernisant notre action consulaire et en travaillant davantage avec les élus et les représentants sur place des Français dans les conseils consultatifs.

Pour mener à bien ces transformations, le Président de la République a souhaité que le ministère de l'Europe et des affaires étrangères soit doté de moyens supplémentaires avec un budget qui atteindrait, à l'horizon 2027, 7,913 milliards d'euros et avec la création de 700 équivalents temps plein. Vous vous souviendrez qu'en termes d'emplois, l'année 2023 a été la première année caractérisée par des créations d'emplois dans le ministère en trente ans, avec 106 emplois si on tient compte du retour de la compétence tourisme à Bercy. La transformation du Quai d'Orsay passera également par une profonde adaptation de la gestion de nos ressources humaines. Un certain nombre de réformes internes sont d'ailleurs lancées avec le nouveau directeur général de l'administration et de la modernisation. Nous avons un vaste chantier devant nous et je compte sur la motivation et l'engagement de nos diplomates pour le mener à bien, comme je compte sur les encouragements et le soutien des parlementaires, qui connaissent bien ce ministère et suivent son action ainsi que l'exécution de son budget de près.

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