Intervention de Agnès Firmin Le Bodo

Réunion du mercredi 17 mai 2023 à 17h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée :

Concernant l'AME et plus largement le programme 183, les écarts entre la loi de finances initiale et l'exécution 2022 ne s'expliquent pas, comme on pourrait le croire, par une baisse du nombre de bénéficiaires, qui a au contraire augmenté de 6,3 % entre 2021 et 2022. Au 31 mars de cette année, l'AME bénéficie à 388 320 personnes contre 403 144 au 30 septembre 2022. La variation entre les crédits votés en LFI pour 2022 et la consommation s'explique par une annulation de crédits de 64 millions décidée lors du collectif budgétaire de fin d'année 2022, dans un souci de mise en cohérence avec les dernières prévisions d'exécution pour 2022.

L'Irdes a publié des travaux de recherche sur l'accès à l'AME dans des structures de Paris et de l'agglomération de Bordeaux susceptibles d'accueillir des personnes sans titre de séjour. Sur plus de 1 200 étrangers en situation irrégulière interrogés en 2019. 51 % des personnes éligibles à l'AME y ont effectivement recours. Ce taux dépendait en premier lieu de la durée de la présence sur le territoire : seuls 24 % des bénéficiaires ont recouru à l'AME lors de la première année de présence, contre 70 % pour ceux séjournant en France depuis trois à cinq ans. Le recours augmente également avec la maîtrise de la langue française.

Plus généralement, la mesure du non-recours à l'AME est un exercice complexe, puisqu'elle suppose d'identifier les personnes éligibles au dispositif – c'est-à-dire les ressortissants étrangers en situation irrégulière sur le territoire depuis au moins trois mois et disposant de ressources inférieures au plafond d'accès à l'AME. Or, ces personnes sont peu ou pas connues des administrations. Elles ne se manifestent pas non plus auprès des caisses primaires d'assurance maladie, de sorte qu'il est difficile de les contacter pour comprendre les raisons de ce non-recours.

Le panier de soins a déjà été revu dans le projet de loi de finances de 2020, à la suite du rapport et des préconisations de l'Igas. Néanmoins, en raison des deux années de crise sanitaire que nous venons de traverser, les conclusions que nous pourrions tirer d'une analyse de la consommation du panier de soins en 2020, en 2021, voire, en 2022 seraient totalement biaisées. L'année 2023 pourrait toutefois nous permettre de vérifier l'impact de la modification de ce panier de soins sur les bénéficiaires de l'AME.

Entre 2020 et 2021, le délai d'instruction est passé de trente à trente-trois jours, en raison de la spécificité de la période, mais aussi des modifications du panier de soins, des nouvelles réglementations et des nouveaux contrôles. La création d'un quatrième pôle d'instruction permettra de réduire ce délai et de renforcer les contrôles. L'amélioration de l'outil de gestion devrait aussi permettre de diminuer ces délais pour revenir à vingt-quatre jours environ.

L'objectif devrait rester de 14 % de dossiers contrôlés. Néanmoins, il faut noter que les indicateurs portent uniquement sur les dossiers d'instruction et non pas sur tous les autres contrôles qui sont menés, notamment en cas de suspicion de soins abusifs.

Plusieurs d'entre vous m'ont demandé quel était le type de recours aux soins. En 2021, les dépenses hospitalières représentaient 64 % du budget total de l'AME. La moitié des séjours des bénéficiaires hospitalisés dans le secteur public relève du champ de la médecine, essentiellement en hépato - gastro-entérologie – 15 % –, en pneumologie – 13 % –, et en neurologie – 8 %. Plus d'un séjour sur quatre est réalisé en obstétrique, et un sur cinq relève de la chirurgie. Près d'un quart des séjours sont des séjours longs, présentant certaines complications ou comorbidités associées.

Vous dites que la prise en charge est différente dans les autres pays européens. Voici quelques exemples sur la couverture des soins non urgents essentiels. En Allemagne, une autorisation préalable des autorités de santé est nécessaire ; en Belgique, elle est laissée à l'appréciation du médecin ; pour le panier de soins, en Italie, la prise en charge des soins de premier recours se fait dans les mêmes conditions que pour les citoyens italiens ; le Royaume-Uni ne tient pas compte de la régularité du séjour ; en Espagne, l'accès aux soins gratuits se fait dans les mêmes conditions que pour les citoyens espagnols. Notons toutefois que la France est le seul pays d'Europe capable de fournir le montant des dépenses et le nombre exact de bénéficiaires d'une aide publique aux soins aux étrangers en situation irrégulière.

Monsieur de Courson, vous n'êtes pas sans savoir qu'il n'y a pas d'AME à Mayotte. La prise en charge est effectuée par le centre hospitalier, qui considère que 40 % de sa file active est constituée de non-affiliés sociaux, qui ne sont pas nécessairement en situation irrégulière.

Je veux conclure en rappelant notre conviction forte : cette mission Santé reflète notre engagement envers les plus démunis, qui est au cœur de la promesse républicaine. Au-delà de constituer une politique de santé publique essentielle à la protection des populations, l'aide médicale de l'État répond à cette exigence de solidarité et de générosité. N'oublions pas en outre la prévention, qui, bien qu'elle soit moins débattue que l'AME, est un enjeu majeur de santé publique : nous aurons peut-être l'occasion d'en parler plus longuement l'année prochaine.

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