Intervention de Éric Dupond-Moretti

Réunion du jeudi 25 mai 2023 à 17h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice :

C'est un grand plaisir pour moi que de rendre compte devant vous de l'utilisation des moyens en forte hausse du ministère de la justice en 2022. Ce renforcement massif des moyens est ma priorité : l'héritage des trente dernières années n'est pas soldé, la route sera longue ; mais le cap est clair, sous l'autorité du Président de la République et de la Première ministre : donner à la justice les moyens d'être plus rapide, plus efficace, plus proche – bref, à la hauteur des attentes de nos concitoyens.

La loi de finances initiale pour 2022 a octroyé 8 862 millions d'euros à la mission Justice, soit une hausse supérieure à 8 % par rapport à 2021 : 659 millions supplémentaires sont venus abonder le service public de la justice. Cette hausse continue des crédits confirme la volonté du Gouvernement d'un effort significatif en faveur des fonctions régaliennes, en l'occurrence en faveur de la construction de la justice du XXIe siècle.

Ces crédits ont été exécutés à 99,2 %, soit 8 792 millions ; ce taux est en hausse par rapport à 2021, où il s'est élevé à 98,2 %.

La non-consommation de crédits est principalement due à l'application de la réserve de précaution du ministère : c'est là une obligation interministérielle, chaque ministère étant invité à mettre de côté un certain pourcentage des crédits votés afin de faire face à d'éventuels imprévus, au niveau ministériel voire interministériel. C'est une règle de bonne gestion des finances publiques. Le reste de la sous-consommation provient d'un décalage calendaire de certaines dépenses immobilières, soumises à des aléas liés notamment à la conjoncture internationale.

Ces crédits inemployés ont été en partie affectés, en cours de gestion, à la couverture de dépenses en tension, notamment les dépenses de restauration de la direction de l'administration pénitentiaire (DAP), affectées par l'inflation, et les frais de justice de la direction des services judiciaires (DSJ).

En outre, 17 des 70 millions non consommés en 2022 ont été reportés vers la gestion 2023.

Ces moyens importants ont permis d'alimenter les trois grandes directions métiers : 3,1 milliards sont allés aux services judiciaires, soit une hausse de 4,9 % ; 3,6 milliards à l'administration pénitentiaire, soit une hausse de 10,4 % ; et 831 millions à la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), soit une hausse supérieure à 7,7 %. Je tiens à renouveler toute ma gratitude à la représentation nationale qui a accordé des moyens au service public de la justice.

S'agissant des emplois, 1 334 recrutements supplémentaires, en équivalent temps plein (ETP), ont été effectués en 2022 : 533 pour l'administration pénitentiaire, 722 pour les services judiciaires, 51 pour la protection judiciaire de la jeunesse et 28 pour le secrétariat général. L'objectif était de 1 496 ; parmi les 162 recrutements non effectués, 149 sont imputables à l'administration pénitentiaire, au titre des personnels de surveillance.

Oui, le métier de surveillant pénitentiaire est difficile, peu attractif : l'administration a du mal à recruter. Pour cette raison, avec le soutien du Président de la République, de la Première ministre et du ministre de la transformation et de la fonction publiques, j'ai annoncé le 21 février dernier, à l'École nationale d'administration pénitentiaire (Enap), qu'à compter du 1er janvier 2024, le corps des surveillants pénitentiaires passera en catégorie B, tandis que celui des officiers passera en catégorie A. C'est pour cette troisième force de sécurité de notre pays une avancée historique, demandée et méritée depuis longtemps.

Je voudrais maintenant dresser un bilan des réalisations permises par le budget historique accordé au ministère de la justice en 2022.

Les justices de proximité ont reçu des moyens supplémentaires qui leur ont permis de commencer à résorber les stocks nés notamment de la crise sanitaire. Les 2 000 personnels contractuels embauchés depuis 2021 ont été pérennisés, à la demande des juridictions. Actuellement, 935 juristes assistants travaillent au sein des tribunaux judiciaires et des cours d'appel, contre 189 seulement en 2017 : cela représente une multiplication de près de cinq.

En matière pénale, les procureurs de la République ont pu s'appuyer sur 1 106 délégués du procureur, qui se déplacent dans les 2 000 points justice répartis sur tout notre territoire, ainsi que dans les tribunaux de proximité. À l'échelle nationale, en 2022, 119 920 décisions pénales ont été rendues hors les murs des tribunaux judiciaires. Des juristes assistants affectés aux parquets font le lien entre les procureurs de la République et les élus, les maires en particulier ; ils recherchent en particulier les suites données aux dossiers signalés par les élus et répondent ainsi à leurs interrogations légitimes.

En matière civile, ces renforts ont notamment permis de diminuer les stocks de plus de 30 %. C'est la première fois que les stocks diminuent !

Nous avons également poursuivi la transformation numérique de la justice, grâce au plan de transformation numérique lancé en 2018.

Le ministère s'efforce de dématérialiser la demande et le traitement de l'aide juridictionnelle. À la fin de l'année 2022, 141 bureaux de l'aide juridictionnelle étaient dotés du nouveau système d'information de l'aide juridictionnelle (SIAJ), soit une progression annuelle supérieure à 166 %. Le délai de traitement des demandes d'AJ est passé, en moyenne, de 45 jours à 8 entre 2021 et 2022 – à Saint-Brieuc, par exemple, on passe de 38 jours à 1,9.

En matière civile, le projet Portalis se poursuit. La nouvelle application est expérimentée dans plusieurs conseils de prud'hommes, avant sa généralisation à tous les conseils de prud'hommes de métropole et des outre-mer à la fin de l'année 2023.

En matière pénale, le programme Procédure pénale numérique (PPN) constitue l'une des priorités du plan de transformation numérique, dont l'enjeu est de rendre la justice pénale plus efficace en la modernisant grâce à l'abandon du papier et à la signature électronique. Toutes les juridictions métropolitaines sont maintenant en mesure de traiter les petites procédures contre X de manière dématérialisée. Ce périmètre est en train d'être étendu aux procédures avec poursuite correctionnelle dans cinquante-deux juridictions.

Les efforts d'équipement des agents se sont poursuivis. Les fournitures d'ordinateurs portables ont notamment augmenté de 90 % en deux ans. Toutes les juridictions sont fibrées, ce qui a permis le développement des accès wifi. Le parc de visioconférence atteint 3 300 équipements.

L'année 2022 a aussi vu l'entrée en vigueur du code de la justice pénale des mineurs et la mise en œuvre du « bloc peines ». Il a été observé un net infléchissement du délai de traitement entre l'arrivée de l'affaire au parquet et le premier jugement mettant fin à la procédure concernant le mineur : alors qu'en 2021 le délai moyen de ces affaires pénales était de 17,9 mois, il s'établit à 10,9 mois en 2022.

Le programme de création de vingt centres éducatifs fermés progresse, avec trois CEF mis en service, à Épernay, Bergerac et Saint-Nazaire.

Trois établissements pénitentiaires, situés à Caen, Montpellier et Koné, dans la province Nord de la Nouvelle-Calédonie, ont été livrés : ce sont des structures d'accompagnement vers la sortie. Nous en reparlerons dans la seconde partie de cette réunion.

Voilà pour l'exécution budgétaire 2022. En 2023, la loi de finances initiales a poursuivi l'effort, en renouvelant pour la troisième année consécutive la hausse de plus de 8 % des crédits accordés en 2022 et 2021. Cette hausse historique de 710 millions a fait passer le budget du service public de la justice à 9,6 milliards d'euros.

J'aurai l'honneur de vous présenter très prochainement un projet de loi d'orientation et de programmation du ministère pour la justice pour les années 2023 à 2027 qui permettra de sanctuariser la trajectoire budgétaire du ministère pour l'ensemble du quinquennat, en crédits comme en emplois, avec notamment 10 000 emplois supplémentaires par rapport à 2017. Les effectifs du ministère auront ainsi progressé de plus de 20 %, passant de 84 000 en 2017 à 101 000 en 2027.

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