Intervention de Laurence Boone

Réunion du lundi 25 juillet 2022 à 20h00
Commission des affaires étrangères

Laurence Boone, secrétaire d'État :

Madame Clapot, la guerre en Ukraine a des conséquences dramatiques sur la sécurité alimentaire, notamment pour les pays en développement et les pays les plus vulnérables. Outre l'initiative FARM et d'autres initiatives internationales pour les régions les plus affectées, nous avons poursuivi nos efforts en vue d'aider l'Ukraine à exporter les céréales et les oléagineux. Près de 2,5 millions de tonnes de céréales ont été exportées en juin. Sur le plus long terme, des accords ont été signés le 22 juillet à Istanbul sous l'égide de l'ONU mais leur mise en œuvre reste incertaine.

Nous devons contrer le narratif russe, qui s'apparente à de la désinformation : les denrées alimentaires ne sont pas sous sanctions. Il y a eu des réassurances de la part de l'Union européenne et de ses États membres.

Au-delà des programmes cités, toute une coopération est menée avec l'Afrique pour augmenter la production agricole et lui permettre de subvenir plus largement à ses besoins alimentaires.

Monsieur Pfeffer, la défense européenne est une réalité inscrite dans les traités, et non une politique dont la Commission déciderait arbitrairement de s'emparer. Nous souhaitons renforcer la politique de sécurité et de défense commune car nous pensons être plus forts à plusieurs. Nous devons nous coordonner pour affronter les crises et défendre la liberté de circulation dans les espaces stratégiques contestés, notamment dans l'Indo-Pacifique.

S'agissant de la base industrielle et technologique de défense, nous voulons être en mesure de faire face à la guerre en Ukraine et de soutenir nos partenaires, en particulier les pays baltes et les pays frontaliers de l'Ukraine. Par ailleurs, nous avons créé un fonds européen et une plateforme commune d'achats, afin d'inciter à acheter européen et de lutter contre la fragmentation de notre industrie de défense. Vous savez que des projets avec l'Allemagne et l'Espagne, comme le SCAF, sont en cours.

Madame Soudais, la France est très préoccupée par le drame survenu à Nador et à Melilla. Nous avons exprimé notre confiance dans la volonté des autorités espagnoles et marocaines de faire toute la lumière sur les faits et d'établir les responsabilités. L'Espagne a ainsi ouvert une enquête. Assurer la sécurité des migrants et des réfugiés, éviter l'usage excessif de la force et respecter les droits fondamentaux constituent des priorités. Cette tragédie montre à quel point il est nécessaire de renforcer notre coopération en matière de lutte contre les réseaux de criminalité organisée impliqués dans le trafic de migrants et la traite des êtres humains, de même que notre partenariat avec l'Union africaine. Nous devons mener une véritable politique de développement pour permettre au continent africain de croître et de subvenir à sa sécurité.

Monsieur Dumont, 4 millions d'emplois en France dépendent des exportations européennes. Comme la guerre en Ukraine et la crise du covid l'ont montré, la diversification et la sécurisation de nos chaînes d'approvisionnement mais aussi la défense de nos normes doivent être au cœur des projets d'accords commerciaux. Pas de naïveté : nous aurons toujours besoin d'échanger avec nos voisins mais plus il y aura de transparence, de sécurité et de diversification en ce qui concerne nos approvisionnements, plus nous serons forts.

Nous avons proposé durant la PFUE d'instaurer des clauses miroirs dans les accords commerciaux pour rétablir une concurrence plus juste et pour imposer nos normes environnementales et industrielles. L'accord conclu avec la Nouvelle-Zélande est le plus ambitieux de ce point de vue puisqu'il reflète entièrement l'accord de Paris sur le climat et fera l'objet d'une évaluation tout au long de son application. Cet accord représente des opportunités pour nos filières agricoles. Il protégera notamment 550 indications géographiques françaises. Le CETA a quant à lui permis une hausse de 32 % de nos exportations agricoles et agroalimentaires vers le Canada entre 2017 et 2021. La politique commerciale contribue non seulement à la défense mais aussi à la promotion de nos filières.

Le Parlement a été associé à la PFUE, notamment lors de la réunion avec la conférence des présidents du Parlement européen, le 9 décembre, lors de la réunion des présidents de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires, les 13 et 14 janvier, et lors de la conférence sur la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), qui s'est tenue au Sénat ; je pourrais dérouler une longue liste de réunions, jusqu'au 16 mai. Certes, nous pouvons toujours faire mieux, mais je pense que la coopération a été excellente.

Madame Gatel, il s'agit désormais d'« opérationnaliser », si je puis dire, la Boussole stratégique en travaillant sur plusieurs points : la création, d'ici à 2025, d'une capacité européenne de déploiement rapide, pour des opérations militaires et civiles, l'accompagnement au combat des États volontaires, comme le Niger, le renforcement de notre résilience, notamment dans le domaine de la cybersécurité, qui a fait l'objet d'un exercice grandeur nature, ou encore la présence maritime coordonnée dans l'Indo-Pacifique. Concernant l'investissement dans la défense, le fonds d'urgence de 500 millions d'euros permettra de reconstituer les stocks d'équipements militaires et de munitions, notamment ceux des petits pays. Il serait bon de pérenniser ce fonds pour qu'il serve de base à un plus grand développement de l'industrie de défense en Europe. Enfin, il convient d'approfondir l'articulation avec l'OTAN.

Le plan REPowerEU fait partie des mesures prises pour faciliter et accélérer la transition énergétique. Dans l'hypothèse d'une situation très difficile cet hiver, qui nécessiterait de faire preuve de plus de solidarité, il faudrait se montrer ouvert. On pourrait envisager d'utiliser des mécanismes d'endettement commun qui existent déjà, afin de venir en aide aux pays les plus affectés, ou d'accélérer les investissements ; après tout, nous avons un marché unique de l'énergie.

Monsieur David, nous souhaitons renforcer l'autonomie européenne dans les domaines financier, humain, industriel et culturel. Pour ce faire, nous travaillons avec les industriels afin de créer des alliances, notamment en ce qui concerne les achats de matières premières, l'hydrogène et les batteries, et nous nous attaquons aux pratiques commerciales déloyales. Enfin, nous voulons flécher les investissements vers des objectifs stratégiques.

Madame Kochert, la décision du Tribunal fédéral social allemand du 3 novembre 2021 confirme la position de la France au sujet de l'imposition des travailleurs transfrontaliers. Un Conseil des ministres franco-allemand se tiendra après l'été. Nous souhaitons parvenir à un accord avec le gouvernement allemand pour remédier au plus vite à cette discrimination, dans l'intérêt tant de nos concitoyens que de nos finances publiques. N'hésitez pas à revenir vers moi à ce sujet.

Par ailleurs, la pandémie a conduit à l'adoption, au titre de la force majeure, de mesures de flexibilité en matière de télétravail pour les transfrontaliers, afin d'éviter un changement dans la législation applicable à leur couverture sociale. Cette flexibilité dans l'application des règles européennes a été prorogée jusqu'au 31 décembre. Nous souhaitons en profiter pour préparer une éventuelle adaptation des règles qui permettrait de ne pas défavoriser ceux qui font plus de télétravail, celui-ci étant bon pour le climat et en matière de consommation énergétique.

S'agissant de l'évolution du pacte sur la migration et l'asile, Madame Sebaihi, un volet relatif à la solidarité, qui repose sur une déclaration politique, a été adopté durant la PFUE. Les États membres méditerranéens devraient en bénéficier car l'accueil des migrants pourra se faire dans l'Europe entière, et non pas seulement dans les pays dits de première entrée, des contributions financières étant par ailleurs prévues.

Le règlement de Dublin vise à déterminer le pays responsable de l'examen des demandes d'asile, en somme celui de première entrée. Cette règle du jeu permet d'éviter le dépôt de demandes d'asile d'une même personne dans plusieurs pays et d'assurer au demandeur un examen juste et attentif de sa situation. Le travail réalisé pendant la PFUE permet en outre de mieux prendre en compte les vulnérabilités. Toutefois, le règlement n'est pas parfait, certains pays ayant une charge très importante. Nous avons réalisé une première étape durant la présidence française en traitant séparément les questions d'asile et d'immigration, qui étaient bloquées depuis très longtemps. D'autres phases seront nécessaires pour améliorer le bien-être des migrants et assurer une meilleure coordination entre les pays.

Monsieur Lecoq, la Commission européenne a publié, le 23 février 2022, une proposition de directive sur le devoir de vigilance, qui est largement inspirée par la loi française. J'en profite d'ailleurs pour rendre hommage à MM. Potier et Sapin. Nous continuerons à soutenir cette proposition de la Commission et nous veillerons sur son ambition. J'ajoute que les consommateurs y veillent aussi.

S'agissant de la paix, le président Macron a beaucoup agi pour tenter d'éviter la guerre en Ukraine, ce qui lui a parfois été reproché. Personne ne s'arme massivement de manière spontanée. L'objectif est de se protéger et de créer un espace où les gens sont en sécurité. Les plus allants en la matière et s'agissant des sanctions sont les pays baltes et les pays de l'Est, qui se sentent très menacés. Il est nécessaire d'être fort et dissuasif si l'on veut accélérer le retour de la paix.

Madame Youssouffa, la France est très engagée sur les questions de coopération régionale, en particulier dans le cadre de la COI. Notre ambassadeur délégué à la coopération régionale dans l'océan Indien assure une coordination en la matière. La France se mobilise aussi à Bruxelles, l'Union européenne étant la principale partenaire de la COI.

S'agissant de Mayotte, aucun département n'est fondé juridiquement à adhérer à une organisation internationale : c'est la France, en tant qu'État de la région, qui est membre de la COI. Nous avons associé Mayotte aux travaux de la COI sur la surveillance épidémiologique régionale et nous veillerons, plus largement, à ce que ce département soit toujours bien inscrit dans son environnement régional, notamment pour la coopération avec les Comores en matière sanitaire et migratoire. Je tiens également à vous rassurer sur notre mobilisation en vue de l'approfondissement de la coopération avec tous les États de la région, y compris dans le cadre d'initiatives multilatérales.

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