Intervention de Danielle Simonnet

Réunion du mercredi 17 mai 2023 à 14h00
Commission d'enquête relative aux révélations des uber files : l'ubérisation, son lobbying et ses conséquences

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Simonnet, rapporteure :

Nous avons déjà auditionné de nombreux acteurs sur la question des conséquences de l'ubérisation sur le lien de subordination au travail. Il y a aussi eu des décisions de justice, et je suis très attachée à la directive européenne sur la présomption de salariat en préparation, qui repose sur le constat que la « plateformisation » du travail, dans la logique capitaliste, a pour but de maximiser les profits et de poursuivre un développement monopolistique. L'idée est de casser le coût du travail en faisant croire aux travailleurs qu'ils sont indépendants alors qu'ils ne le sont pas. Derrière ce phénomène se cache aussi une volonté culturelle et idéologique, qui prétend que les travailleurs sont leur propre patron alors qu'ils sont subordonnés à un algorithme dont ils ne maîtrisent pas les rouages.

J'ai deux questions à vous poser, qui sont davantage en lien avec vos travaux.

D'abord, quelle est la réalité de l'économie des données ? Uber a d'abord cherché à faire disparaître les taxis en subventionnant les courses pour tuer la concurrence et en faisant miroiter des gains élevés pour attirer de nombreux chauffeurs – elle inondait le marché des deux côtés : usagers et chauffeurs. Cet objectif n'a pas été atteint mais l'entreprise est en revanche parvenue à lever énormément de fonds et à capter beaucoup de données. On sait que les premières rencontres entre les dirigeants d'Uber et le ministre de l'Économie de l'époque, Emmanuel Macron, ont été organisées par l'entremise de Google. Ce genre d'entreprises, tout comme M. Xavier Niel par exemple, avaient intérêt à ce que les décideurs publics épousent non seulement leur logique technologique, mais également leur vision culturelle de l'évolution de la société française.

Si Uber ne fait pas de bénéfices en vendant des services grâce à un algorithme de mise en relation, qu'en est-il des données ? Pouvez-vous nous en dire plus sur le partenariat entre Uber et Amazon ? Quels profits Uber tire-t-elle de partenariats avec Google par exemple ? Existe-t-il des travaux sur l'économie des données et les profits des plateformes résultant de l'acquisition d'un capital de données considérable ?

Ensuite, indépendamment du statut – que l'on rétablisse, grâce à la directive européenne, le lien de subordination et l'existence d'une situation d'un salariat de fait ou que l'on échoue et que l'on confirme le retour à des tâcherons payés comme au XIXe siècle –, quelle est la bataille sur la transparence des algorithmes et les droits qui y sont afférents ? La question de la transparence des algorithmes renvoie à l'enjeu de leur compréhension : même si on me montrait l'algorithme dans son entier, je n'y comprendrais rien ! Or les consommateurs d'un service doivent savoir ce qu'ils paient et les travailleurs doivent connaître les fondements de leur rémunération et les conditions de son évolution. L'État de droit impose non seulement la transparence des algorithmes mais aussi leur caractère compréhensible. Qu'en pensez-vous ?

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