Intervention de Loïc Kervran

Réunion du mercredi 27 juillet 2022 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLoïc Kervran, président :

Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence du président Gassilloud, qui accompagne le Président de la République en Afrique.

Amiral Vandier, vous concluez notre cycle d'audition des chefs d'état-major. Vous êtes à la tête de la marine nationale depuis le 1er septembre 2020, après avoir été le chef du cabinet militaire de la ministre des Armées et auparavant, de 2013 à 2015, commandant du groupe aéronaval (GAN) Charles-de-Gaulle. Le monde parlementaire ne vous est pas étranger, votre arrière-grand-père Benjamin Vandier, lui aussi officier de marine, ayant été député puis sénateur de la Vendée. Vous êtes l'auteur d'un excellent livre sur le fait nucléaire comme déterminant majeur des équilibres stratégiques, dont je recommande particulièrement la lecture à l'aune de ce qui se passe en Ukraine, et dont le titre est « La dissuasion au troisième âge nucléaire ».

Dans un discours remarqué à l'École navale, vous avez rappelé aux nouveaux élèves qu'ils entraient « dans une marine qui va probablement connaître le feu à la mer », et qu'ils devaient s'y préparer. Alors que, dans les dernières décennies, la mer a principalement été perçue comme un espace de circulation et d'échanges, elle est clairement redevenue un espace de compétition et de confrontation entre puissances, où la guerre n'est plus exclue. S'y jouent des luttes pour l'exploitation des ressources naturelles, tel le gaz en Méditerranée, ou des stratégies de conquête territoriale, comme en mer de Chine. Dans la guerre en Ukraine, elle représente un front essentiel de la lutte pour le contrôle de la mer Noire. Partout dans le monde, la mer aiguise les appétits et redevient un lieu de conflit. L'effort de réarmement naval est massif, notamment de la part de la Chine, du Royaume-Uni, où il est prioritaire, et de l'Australie.

Dans ce contexte, et à la lumière des premiers retours d'expérience de la guerre en Ukraine, notre première interrogation est de savoir où en est la marine nationale. Elle a bénéficié, au cours des dernières années, d'un effort important en matière de capacités, grâce au lancement et à l'aboutissement de programmes majeurs – sous-marins nucléaires d'attaque (SNA), frégates de défense et d'intervention (FDI), patrouilleurs outre-mer (POM) – ainsi qu'à la mise à l'étude du sous-marin nucléaire lanceur d'engins de troisième génération (SNLE 3G) et du prochain porte-avions.

Si la France détient le deuxième espace maritime mondial, elle dispose de la septième marine en tonnage. Vous nous direz dans quelles conditions le format de la marine nationale est adapté aux enjeux stratégiques, à l'heure où est esquissée une nouvelle loi de programmation militaire (LPM) et où nous devons garantir la cohérence globale de notre outil de défense et des fonctions opérationnelles dont la France a besoin.

L'évolution du contexte stratégique a d'ores et déjà induit des inflexions dans la conduite de notre politique de défense maritime, au premier rang desquelles la définition récente d'une stratégie ministérielle de maîtrise des fonds marins, qui permettra à la France de se doter de nouvelles capacités militaires exploratoires ainsi que d'un commandement dédié. Bien d'autres domaines sont affectés par l'évolution du contexte stratégique, invitant à des inflexions dans la répartition des missions de la marine. Citons notamment la sécurisation des routes énergétiques, la lutte contre le pillage halieutique, la protection de la biodiversité, l'usage de l'espace extra-atmosphérique pour surveiller le trafic maritime, l'utilisation des données maritimes et la contribution de la marine aux politiques de cohésion nationale. Outre les moyens, nous serons attentifs à ce que vous direz de l'évolution et de la redéfinition des missions de la marine.

Enfin, il est un aspect de la marine qui a une importance majeure dans l'issue des combats qu'elle devra mener : les hommes et les femmes qui la composent ainsi que le caractère, la mentalité, la culture et le cadre conceptuel dans lequel s'exerce la force. Je sais que vous attachez une attention particulière à la formation des marins et à leur force morale, évoquée par le Président de la République dans son discours du 13 juillet, ainsi qu'à leur préparation intellectuelle. Vous nous direz le regard que vous portez sur cette culture et sur ses conditions d'évolution.

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