Intervention de Bérangère Couillard

Réunion du mercredi 27 juillet 2022 à 16h50
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Bérangère Couillard, secrétaire d'État :

Je répondrai à toutes les questions auxquelles il m'est possible de répondre. Je laisserai en revanche de côté celles qui relèvent de la compétence du ministre de l'intérieur, par exemple celles qui portent sur les effectifs de pompiers ou sur les bombardiers d'eau.

Madame Panonacle, l'adaptation des forêts au changement climatique est bien évidemment une priorité, confirmée à l'issue des assises de la forêt et du bois, qui ont contribué à la mobilisation de l'État, de ses services, de ses partenaires, des entreprises et des associations. Nous entendons effectivement favoriser la biodiversité et la diversification des essences, en recourant à des provenances plus méridionales. Nous débloquons des moyens supplémentaires : aux 200 millions d'euros prévus dans le cadre du plan France 2030 s'ajouteront 100 à 150 millions par an jusqu'en 2030.

La question des moyens de l'ONF et de l'OFB, éminemment importante, a été abordée au cours des dernières semaines dans les discussions budgétaires avec Bercy. Nous n'avons pas attendu les feux de forêt pour nous en préoccuper. Je précise que les moyens de l'OFB sont du ressort de mon ministère, tandis que ceux de l'ONF relèvent du ministère de l'agriculture.

Plusieurs d'entre vous l'ont souligné, ces moyens ont été considérablement diminués au cours des dernières années, voire des dernières décennies. Nous exerçons une vigilance particulière pour que ces moyens, notamment ceux consacrés aux missions de sécurité, soient préservés. Il n'est pas question de réduire les effectifs.

Monsieur Meurin, les récents feux de forêt mettent effectivement en évidence la nécessité de traiter la question du débroussaillement. Plusieurs ministres se sont exprimés à ce sujet dans l'hémicycle, et j'appuie leurs propos. Le ministre de l'agriculture M. Marc Fesneau, le ministre de la transition écologique M. Christophe Béchu et moi-même nous sommes entretenus ce matin avec des acteurs nationaux et locaux de la filière bois – ceux de la Gironde étaient en visioconférence – ainsi que des associations écologistes. Tous ont exprimé la volonté d'échanger et d'avancer sur la question, afin de mener des actions de débroussaillement concertées. Nous réfléchirons aux dispositifs. En tout cas, nous ne pouvons pas en rester à la situation actuelle, à savoir l'absence de débroussaillement dans plusieurs forêts.

S'agissant de la prévention, j'ai indiqué dans mon propos liminaire que nous allions relever le budget de sensibilisation de 1 million à 1,3 million d'euros, soit une augmentation de 30 %. La prévention est insuffisante en France, et il faut désormais communiquer de manière plus intensive auprès de nos concitoyens. Je le répète, neuf feux de forêt sur dix sont d'origine humaine.

Ce matin, M. Christophe Béchu a évoqué l'idée d'un « point météo forêt », comme il existe un point météo des plages. Il importe de rappeler à nos concitoyens qu'ils ne peuvent plus partir en forêt à tout moment. Ces derniers jours, il était par exemple impossible de fréquenter certaines forêts de Gironde, en raison des fortes chaleurs ; les risques d'incendie et le danger étaient trop élevés. Avec la probable multiplication, à l'avenir, des périodes de canicule et de sécheresse, je pense que ce type de point météo serait tout sauf anecdotique.

Ce matin encore, le Gouvernement a annoncé l'institution d'une journée nationale de la résilience, le 13 octobre. Organisée en lien avec le ministère de l'intérieur, elle sera l'occasion de mettre en valeur toutes les actions qui peuvent sauver des vies – sachant que la prévention ne se limitera pas aux incendies. Nous apporterons des précisions à ce sujet dans les prochaines semaines.

Vous avez évoqué la responsabilité des maires en matière de contrôle des opérations de débroussaillement. Nous devons effectivement mener une réflexion à ce sujet, à plus forte raison en ce qui concerne les petites communes. Il est en effet beaucoup plus difficile à un maire de vérifier que les parcelles sont bien débroussaillées s'il ne dispose pas d'une police municipale. Peut-être faudra-t-il, dans ce cas, imaginer une action au niveau intercommunal, sans supprimer pour autant la compétence du maire. À ce stade, je n'évoque que des pistes, et je suis ouverte à toutes les bonnes idées. En tout cas, il est clair que la prévention ne suffira pas : il faut s'assurer que le débroussaillement est effectivement réalisé. Toutes les mesures qui permettront un tel contrôle sont bienvenues.

Madame Stambach-Terrenoir, je le redis, il n'est pas question de revenir sur les moyens de l'ONF, ni sur ceux de l'OFB. Le ministère de la transition écologique et celui de l'agriculture ont été et seront vigilants à ce sujet. Les récents feux de forêt ont montré à quel point le travail des agents de l'ONF et de l'OFB était essentiel.

Monsieur Cosson, je rends hommage, comme vous, à l'adjudant-chef Martial Morin, sapeur-pompier décédé dans la Drôme.

Vous avez avancé l'idée d'un audit permettant de connaître les propriétaires forestiers. En France, 25 % des forêts relèvent d'une gestion publique ; toutes les autres sont des forêts privées. Il faut effectivement trouver une solution pour l'entretien de ces dernières. Nous avons des difficultés d'accès aux parcelles privées, et les maires manquent parfois de moyens pour contrôler le respect de l'obligation de débroussaillement. Il faudra peut-être, je l'ai dit, imaginer une action au niveau intercommunal. Il faudra en outre rappeler aux propriétaires leurs obligations et pouvoir sanctionner lorsque celles-ci ne sont pas respectées.

Dans mon propos liminaire, j'ai évoqué les outils numériques et les drones. Le contrôle quotidien des parcelles forestières est essentiel, car la priorité pour les pompiers est d'intervenir au plus vite en cas de départ de feu. Mais ils doivent aussi pouvoir intervenir pendant et après les incendies. On l'ignore souvent – je l'ai moi-même appris récemment –, dans le cas de feux de grande ampleur tels que ceux de Landiras ou de La Teste-de-Buch, deux à trois mois de surveillance sont nécessaires pour s'assurer que le feu ne repart pas. Il faut absolument détecter les feux souterrains et les points chauds, ce qui est très difficile à l'œil nu. Les drones pourraient être utilisés à cette fin. Or il est actuellement très difficile, du point de vue légal, de survoler une parcelle forestière privée. Nous menons en ce moment des discussions à ce sujet avec la CNIL, mais je vous avoue qu'elles ne sont pas simples.

Madame Jourdan, je l'ai dit, les moyens consacrés aux campagnes de prévention passeront de 1 million à 1,3 million d'euros, soit une augmentation de 30 %. Compte tenu du réchauffement climatique, le risque d'incendie concerne un nombre croissant de départements, comme l'ont montré les feux dramatiques en Bretagne. Il est désormais indispensable de communiquer sur l'ensemble du territoire national, et non plus seulement dans le sud de la France. Nous allons intensifier les campagnes de prévention, sachant que chaque campagne touche actuellement 6 à 7 millions de personnes.

Vous m'avez interrogée, madame Violland, sur les relations entre les différents acteurs. À l'échelle régionale, la commission régionale de la forêt et du bois organise la concertation entre les collectivités, les acteurs de la forêt, notamment ceux de la filière bois, et les associations. Elle est coprésidée par le président du conseil régional et le préfet. À l'échelle locale, la FNCOFOR développe la concertation et le dialogue grâce à des démarches de massif et à l'élaboration de chartes forestières de territoire. J'en profite pour saluer l'action des maires des communes forestières, acteurs clés de la médiation sur les enjeux de la forêt. Dans certains massifs domaniaux, l'ONF anime en outre des comités de concertation et développe des projets de territoire avec les élus et les parties prenantes.

Par ailleurs, conformément aux conclusions des assises de la forêt et du bois, le ministère de l'agriculture et celui de la transition écologique lanceront en commun un appel à manifestation d'intérêt pour accompagner les territoires forestiers qui veulent s'engager dans une démarche innovante de dialogue et de coconstruction. Un million d'euros est attribué à cette action.

J'en viens aux investissements de l'État. Depuis deux ans, le Gouvernement a mobilisé plus de 150 millions d'euros pour engager l'effort d'adaptation des forêts et soutenir le renouvellement forestier. En 2022, 78 millions d'euros supplémentaires ont été engagés pour accompagner les propriétaires forestiers.

Faire évoluer les forêts, les rendre plus résistantes aux sécheresses et aux parasites est un défi de long terme. On considère que, sur les 17 millions d'hectares de forêt métropolitaine, plus de 3 millions sont vulnérables à moyen terme à cause du déficit en eau. En outre, la croissance des forêts se déroule sur des périodes très longues, de l'ordre du siècle. Nous n'allons pas changer leur visage en quelques années !

Par exemple, on considère que la restauration des forêts de Gironde nécessitera soixante à quatre-vingts ans. Autrement dit, nous travaillons pour nos petits-enfants. Nous allons replanter dans certains endroits, accompagner la régénération naturelle dans d'autres. À terme, ces forêts seront ainsi constituées d'arbres du même âge, donc de la même hauteur, ce qui est propice à la propagation du feu. Nous étions déjà confrontés à ce problème dans la région : les arbres qui avaient repoussé après la tempête de 1999 avaient le même âge.

Le renouvellement forestier est un chantier de longue haleine, qui appelle un soutien dans la durée. C'est pourquoi le Gouvernement avait décidé, à l'issue des assises de la forêt et du bois, de mobiliser 200 millions d'euros dans le cadre du plan France 2030, effort qu'il s'est engagé à compléter, je l'ai dit, à hauteur de 100 à 150 millions d'euros par an jusqu'en 2030.

Le CNPF et l'ONF sont mobilisés sur la question de l'accompagnement des propriétaires pour la régénération des forêts. Ils travaillent en lien avec les chercheurs de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE). Des outils de simulation de l'impact du réchauffement climatique sur la forêt ont été développés. En 2022, 300 000 euros ont été débloqués pour faciliter leur diffusion auprès des propriétaires. En outre, des sessions de formation, cofinancées par le ministère de la transition écologique et celui de l'agriculture, sont déployées par le réseau mixte technologique « Adaptation des forêts au changement climatique » (RMT AFORCE).

Les professionnels et les ONG formulent des propositions. Le Gouvernement instituera, en septembre, une commission spécifique pour éclairer les décisions relatives au choix des essences à utiliser en plantation. Il ne faut pas se précipiter pour replanter, comme nous avons pu le faire par le passé. Il s'agit au contraire de prendre le temps nécessaire.

MM. Marc Fesneau, Christophe Béchu et moi-même nous sommes rendus ce matin dans l'Essonne, où la forêt de Sénart avait brûlé en 2018. Nous avons eu une discussion très intéressante avec l'ensemble des acteurs, notamment les agents de l'OFB et de l'ONF. Nous leur avons demandé comment ils avaient replanté, s'il s'agissait de plantations pures ou bien de régénération naturelle. Il est important de rencontrer les acteurs sur le terrain pour prendre la mesure de ce qu'il y a à faire, et imaginer ce qui peut être réalisé, demain, en Gironde ou en Bretagne, même si les sols et les espèces d'arbres sont différents.

Monsieur Thierry, ces incendies nous rappellent effectivement que la France est déjà affectée par le changement climatique. Cette nouvelle donne doit être intégrée à notre planification, notamment pour l'aménagement du territoire.

En la matière, la France promet des objectifs ambitieux tant au niveau national qu'au niveau européen. La Première ministre l'a rappelé dans son discours de politique générale, c'est sous l'impulsion de notre pays que l'Europe s'est fixé comme objectif d'être neutre en carbone en 2050 et de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 55 % d'ici à 2030. À l'automne sera lancé le troisième plan national d'adaptation au changement climatique.

La Première ministre a également précisé que, dès le mois de septembre prochain, le Gouvernement lancera une vaste concertation en vue de l'élaboration d'une loi d'orientation « énergie-climat ». Filière par filière, territoire par territoire, ces concertations permettront de définir des objectifs de réduction des émissions, des étapes et des moyens appropriés. Le ministère de la transition écologique a lancé plusieurs groupes de travail sur la thématique de l'adaptation au changement climatique, pour réfléchir aux mesures qui pourraient y être intégrées. J'encourage d'ailleurs votre commission à mener des réflexions qui pourraient nourrir le travail du ministère.

Notre priorité est de protéger les Français contre les événements extrêmes, dont la fréquence et l'intensité sont appelées à augmenter. Au-delà de la question des feux, l'aménagement du territoire, notamment l'implantation des villes et des activités économiques, devra mieux prendre en compte les enjeux de l'adaptation au changement climatique. Tous les secteurs sont concernés : la production agricole et forestière, mais aussi les industries.

MM. Nadeau et Bricout ayant dû partir prématurément, je me permettrai de leur faire suivre mes réponses.

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