Intervention de Bérangère Couillard

Réunion du mercredi 27 juillet 2022 à 16h50
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Bérangère Couillard, secrétaire d'État :

Je suis ravie que vous soyez aussi nombreux pour m'auditionner et que vous ayez autant de questions à me poser, alors que vous êtes également très sollicités par les débats dans l'hémicycle.

Monsieur Brosse, vous avez cité le travail des députés MM. Alain Perea et François-Michel Lambert. Ils ont eu raison de souligner le rôle de la sylviculture dans la prévention des feux de forêt. L'adaptation des peuplements forestiers vulnérables au changement climatique est efficace au regard du risque d'incendie. Un peuplement inadapté dépérit. Ce dépérissement, aggravé par des attaques parasitaires, augmente la quantité de biomasse sèche ou morte. La combustibilité des peuplements s'en trouve aggravée. A contrario, une forêt mélangée est plus résiliente et moins sensible au dépérissement ; elle offre moins de matière organique sèche, facilement inflammable. Une telle forêt dispose en outre de capacités de régénération naturelle renforcées après le passage du feu.

Le principe de diversification des méthodes de sylviculture et de sélection d'essences adaptées au climat futur a été testé par l'ONF, sous l'appellation de « forêt mosaïque ». Il sera progressivement généralisé à l'ensemble des forêts publiques, sous réserve de l'accord des maires pour ce qui est des forêts communales.

Les assises de la forêt et du bois ont débouché, en mars dernier, sur une feuille de route volontariste pour l'adaptation des forêts françaises au changement climatique. Les actions définies alors, en concertation avec la filière bois et les associations environnementales, seront mises en œuvre au cours de cette législature.

Je rappelle les chiffres que j'ai indiqués précédemment. En 2022, 78 millions d'euros sont déjà mobilisés pour soutenir l'effort de renouvellement des forêts. Par ailleurs, dans le cadre du plan France 2030, 200 millions d'euros accompagneront ces reboisements, à compter de 2023, l'ambition étant d'inciter à la diversification des techniques sylvicoles et des essences. L'engagement a été pris de prolonger ce soutien, à hauteur de 100 à 150 millions d'euros par an d'ici à 2030. Le soin apporté à nos forêts doit en effet s'inscrire dans la durée.

Madame Paris, l'engrillagement des forêts est un sujet qui nous intéresse non seulement du point de vue de la gestion des feux, mais aussi en rapport avec la chasse, qui relève également de mon périmètre de compétence. L'engrillagement de certaines parcelles privées empêche en effet le passage de la biodiversité, particulièrement celui des animaux, nombreux dans nos forêts. Je vous confirme que nous souhaitons avancer sur la question.

Vous l'avez évoqué, deux parlementaires ont réalisé chacun un très bon travail à ce sujet. Les deux propositions de loi sont néanmoins différentes. Je regarde avec attention celle du sénateur M. Jean-Noël Cardoux, qui me semble tenir un juste milieu : elle permettrait le passage des animaux et de la biodiversité entre les parcelles, sans supprimer la liberté, inhérente au droit de propriété, de clôturer celles-ci en partie. Cette solution est en outre susceptible de recueillir un large accord de principe, ce qui est intéressant en ce moment.

S'agissant de La Teste-de-Buch, monsieur Causse, il faudra réunir l'ensemble des parties prenantes, sous le pilotage de Mme la préfète, pour proposer des évolutions en matière de reconstruction. La question des sites classés et du littoral sera examinée de très près. Nous ne fermons pas la porte, s'il est utile, au rachat ciblé de parcelles par le Conservatoire du littoral, lequel sera associé aux réflexions. Néanmoins, nous laissons le dialogue s'établir : il est important que les acteurs locaux soient entendus, l'État ne pouvant pas prendre seul les décisions. Vous traitez ce sujet depuis un certain temps et vous savez qu'il n'est pas évident de trouver un consensus.

Madame Ferrer, vous avez dénoncé, avec des termes très forts, une exploitation selon vous trop importante de nos forêts par la filière bois. Or il ne faut pas opposer la sylviculture à la régénération naturelle des forêts et à la diversité des essences. Nous en avons eu la démonstration en Gironde : les forêts cultivées monospécifiques et les forêts mélangées en libre évolution ont brûlé avec la même intensité. Ces feux ne remettent pas en cause les activités de la filière bois. Je le répète, tous les modèles ont leurs avantages et leurs inconvénients. Ce qu'il importe d'éviter, c'est une trop grande homogénéité des paysages forestiers, sur de très grandes surfaces.

Il faut raison garder et, surtout, s'attacher à ce que les parcelles forestières soient rigoureusement entretenues. Nous devrons probablement prendre des mesures pour que le débroussaillage devienne une réalité. Il est en outre nécessaire de ménager davantage d'accès pour les pompiers.

Actuellement, nous laissons assez peu de forêts évoluer seules, de manière plus naturelle, avec une intervention humaine limitée. Notre objectif est que leur proportion atteigne 10 %. Toutefois, l'idée n'est pas de les abandonner à elles-mêmes. Nous avons besoin que les agents de l'ONF et l'OFB gèrent nos forêts, qu'ils mènent des actions précises pour favoriser le passage et la promenade des riverains ou pour accompagner le développement d'activités commerciales. N'oublions pas que la filière bois procure de nombreux emplois.

Monsieur Fugit, nous utilisons déjà Copernicus, le système de surveillance européen par satellites. Toutefois, il demeure un peu moins performant que les méthodes actuelles, françaises, de surveillance.

Quant à la recherche, elle est indispensable, notamment quand il s'agit de trouver de nouvelles essences qui résistent mieux au réchauffement climatique. Il est d'ailleurs illusoire de croire que l'on pourra replanter dès demain. Dans la forêt de Sénart, qui a brûlé en 2018, les premiers arbres ont été replantés l'année dernière seulement. Selon l'ONF, il faut au moins deux ans pour analyser les sols. C'est pendant cette période que la recherche intervient, pour adapter les espèces, en fonction des sols et des contraintes imposées par le changement climatique.

Madame Pochon, je l'ai dit, il ne faut pas opposer économie et écologie. Tel n'est pas en tout cas le discours que je tiens. Nous avons besoin de la filière bois, très utile pour mener à bien la décarbonation de l'économie. Elle est désemparée par les récents feux de forêt, et nous devons continuer à la soutenir, comme nous devons soutenir les autres modèles forestiers. Les acteurs de la filière, que j'ai rencontrés ce matin, veulent vraiment avancer, avec les associations écologistes, pour trouver le meilleur compromis. Cela fait des décennies que nous n'avions pas été confrontés à des incendies de cette ampleur. Il nous faut des forêts bien gérées, où les pompiers n'aient pas de telles difficultés à intervenir et où le feu ne se propage pas de cette façon.

Madame Meynier-Millefert, nous observons que les feux de forêt ont touché aussi bien des forêts publiques que des forêts privées. En Nouvelle-Aquitaine, 90 % des forêts sont privées, et 90 % des forêts qui ont brûlé sont privées ; la proportion est donc la même.

Les obligations légales de débroussaillement sont l'un des outils les plus efficaces pour protéger les forêts. Elles ont contribué à l'amélioration continue observée au cours des trente dernières années sur le front des incendies. Cependant, elles ne sont pas suffisamment respectées dans les parcelles privées, où les agents de l'ONF ne peuvent pas effectuer de contrôle. Je l'ai dit, cela tient parfois à un manque de volonté, mais plus souvent à un manque d'information. Nous devons réfléchir à un meilleur contrôle du débroussaillement, mais aussi à une meilleure information des propriétaires et locataires concernés.

Toutes les forêts sont confrontées aux incendies, quel que soit leur mode de gestion. En Gironde, je le répète, forêts cultivées monospécifiques et forêts mélangées en libre évolution ont brûlé avec la même intensité. Dans le sud-est du pays, où les modes de gestion sont différents, les forêts font face aux mêmes risques. Il importe d'éviter, je l'ai dit, une trop grande homogénéité des paysages forestiers, sur de grandes surfaces, qui favorise la propagation des grands feux et l'exposition aux ravageurs. En outre, le bon aménagement des forêts dans le cadre de la DFCI est essentiel, notamment pour pouvoir traiter un feu dès son départ.

Il ne faut pas opposer les modèles. Il faut réaliser les actions prévues dans les plans de gestion forestiers, en particulier celles qui sont nécessaires pour l'accès des pompiers. Si nous y parvenons sur l'ensemble du territoire, sachant que 75 % des parcelles forestières sont privées, nous aurons relevé le défi, et le nombre d'incendies diminuera très sensiblement. En raison notamment des conditions météorologiques, l'année 2022 est tout à fait exceptionnelle : 38 700 hectares de forêt ont d'ores et déjà brûlé, contre 13 000 hectares par an en moyenne auparavant. Nous devons travailler sur tous les points que j'ai mentionnés.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion