Intervention de Laurent Marcangeli

Séance en hémicycle du mercredi 28 juin 2023 à 15h00
Instaurer une majorité numérique et lutter contre la haine en ligne — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Marcangeli, rapporteur de la commission mixte paritaire :

Permettez-moi, avant d'ouvrir cette discussion, de me joindre aux propos de Mme la présidente. En tant que père de famille, je considère que la mort d'un jeune homme, quelles qu'en soient les circonstances, ne peut jamais laisser totalement indemne, et j'ai une pensée pour les proches du jeune Nahel.

Le temps est venu pour notre assemblée de conclure un processus législatif entamé il y a maintenant six mois. Lorsque j'ai déposé cette proposition de loi, je ne pensais pas qu'un tel consensus se ferait jour, aussi bien dans notre hémicycle que sur les bancs de la Haute Assemblée. Cela montre que le Parlement sait être, au-delà des clivages partisans, le lieu de l'intérêt général. La vitesse avec laquelle nous nous sommes saisis de ce texte est le signe d'un changement d'époque. Nous autres législateurs avons pris conscience des dangers liés aux usages précoces d'internet et sommes décidés à agir pour protéger les enfants. Un corpus juridique nouveau est en cours de construction, à l'échelle européenne avec l'adoption du règlement général sur la protection des données personnelles – RGPD –, du règlement sur les services numériques – DSA – et du règlement sur les marchés numériques – DMA –, et à l'échelle nationale grâce à la loi visant à encadrer l'influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux, à la proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants et au présent texte. Par ailleurs, les sénateurs examineront cet été le projet de loi visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique, qui contient des mesures ambitieuses pour faire d'internet un espace sûr : je pense notamment à la lutte contre l'exposition des mineurs aux contenus pornographiques.

Certes, internet est un progrès, ainsi qu'un formidable espace de liberté. Accès à la culture et à la connaissance, lieu d'échanges et de rencontres : les opportunités qu'il offre sont nombreuses, nous le reconnaissons tous. À ce titre, je salue l'introduction d'une disposition visant à exclure du champ d'application de la présente proposition de loi les encyclopédies en ligne et à but non lucratif, telles que la plus connue d'entre elles : Wikipédia. Mais comment ignorer, pour reprendre les mots de la rapporteure au Sénat, « les promesses non tenues d'internet », les risques qu'il fait courir et que j'ai exposés en détail : fausses informations, cyberharcèlement, addiction, désocialisation, baisse de l'estime de soi et d'autres encore ? Les suicides de jeunes adolescents exposés sur les réseaux sociaux à la moquerie, à la calomnie, au déchaînement des passions les plus sordides, se multiplient : Marion, Chanel, Lucas, Lindsay… Combien de prénoms de jeunes collégiens cyberharcelés par leurs pairs devrons-nous encore lire dans les gros titres ? Et je ne parle même pas des invitations à des défis dangereux ou à atteindre des standards de beauté inatteignables et donc sources de mal-être.

Nous ne pouvons plus regarder ailleurs. Nos concitoyens ne le comprendraient pas. Notre devoir de législateur est de protéger les enfants d'eux-mêmes en commençant par mobiliser les parents, premiers responsables de leur sécurité et de leur bien-être. C'est là tout le sens de la démarche adoptée dans ce texte : responsabiliser les parents et les impliquer dans la vie numérique de leurs enfants, alors que près de 80 % d'entre eux déclarent ignorer ce que ceux-ci font réellement sur internet. L'article 2 de la proposition de loi prévoit donc que les entreprises de réseaux sociaux devront recueillir le consentement de l'un des parents lors de l'inscription à leur service. De même, l'un des parents pourra par la suite réclamer si nécessaire la suspension du compte du mineur de moins de 15 ans. Un principe simple, une règle simple.

À quelques modifications rédactionnelles près, nous nous sommes accordés en commission mixte paritaire (CMP) sur le texte issu des délibérations du Sénat, dont je salue la qualité du travail. Ce texte me paraît équilibré et préserve pleinement le niveau d'ambition initiale. Je suis bien conscient qu'il ne pourra suffire à lui seul à mettre fin aux dérives d'internet : nous devons ainsi avancer sur les techniques de vérification de l'âge en ligne et investir massivement dans l'éducation numérique des parents, des enfants ou encore des enseignants. Je sais que le Gouvernement est conscient de ces enjeux, et nous aurons d'ailleurs l'occasion d'en débattre lors de l'examen du projet de loi présenté par le ministre chargé de la transition numérique.

Aussi, mes chers collègues, je vous invite à adopter cette proposition de loi aussi largement qu'en première lecture et vous en remercie par avance.

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