Intervention de Marietta Karamanli

Séance en hémicycle du lundi 11 juillet 2022 à 21h30
Veille et sécurité sanitaire en matière de lutte contre la covid-19 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

Ce projet de loi intervient dans un contexte particulier, celui d'une pandémie qui dure et se renouvelle, et d'une flambée des cas de contamination dans le cadre de ce que l'on nomme déjà la septième vague de la covid. Ces rappels ne sont pas uniquement une figure de style : voilà deux ans et demi que nous discutons du régime juridique applicable en matière de crise sanitaire, de la sortie de ce régime et de sa prolongation. Je l'ai dit en commission, depuis mars 2020, nous avons débattu successivement du régime juridique de l'état d'urgence sanitaire, créé par la loi du 23 mars 2020, puis du régime juridique de gestion de la sortie de crise sanitaire, créé par la loi du 31 mai 2021. Ces deux régimes juridiques s'éteindront en l'absence de prorogation le 31 juillet 2022 : le Gouvernement ne pourra plus prendre une série de mesures, et le comité de scientifiques prévu à l'article L. 3131-19 du code de la santé s'éteindra lui aussi. Seul demeurera le régime juridique qui permet au ministre de la santé de prendre des mesures face aux menaces sanitaires.

Le présent projet de loi vise à proroger, d'une part, le système d'information et de pilotage de l'épidémie et, d'autre part, un mécanisme de passe sanitaire pour les voyages ayant comme point de départ ou d'arrivée la France, sans créer un nouveau régime de droit commun qui serait sous le contrôle resserré du Parlement et bénéficierait d'un éclairage scientifique. Alors que le texte vise à établir une prolongation de dispositions importantes, nous ne disposons ni d'une évaluation des mesures prises et encore applicables ni d'un bilan épidémiologique. Le Gouvernement ne profite pas non plus de ce texte à l'objet resserré et aux mesures limitées pour améliorer la transparence des dispositifs de sécurité sanitaire ou assurer une meilleure association de la représentation nationale à des décisions ayant pour effet indirect mais réel de limiter nos droits et libertés fondamentaux.

La position des députés du groupe Socialistes et apparentés consiste à faire preuve de vigilance vis-à-vis à la fois du texte et du Gouvernement.

S'agissant du Gouvernement, nous avons noté l'attachement affiché de la Première ministre, cheffe du Gouvernement, à la concertation et au compromis en matière d'évolution de la politique de santé – dont la sécurité sanitaire fait partie. Pourtant, les mesures prises dans ce domaine depuis de nombreux mois n'avaient pas tenu compte des propositions alternatives. L'objectif, à savoir la veille et la sécurité sanitaires, ne doit pas nous conduire à abandonner l'idée de mécanismes de contrôle effectifs, pouvant être réactivés en période de crise. C'est le sens des amendements que nous avons déposés et que nous défendrons tout à l'heure dans l'hémicycle. La commission des lois a d'ores et déjà revu à la baisse le délai de fin de recours à ces nouvelles mesures. Elle a aussi posé le principe de l'information de la représentation nationale sur la base d'un rapport présenté devant l'Assemblée, assorti d'un avis d'experts.

Nous avons fait plusieurs autres propositions d'amélioration. Ainsi, toute décision instituant un mécanisme de contrôle sanitaire et limitant, même de façon sélective, les droits de nos concitoyens doit faire l'objet d'une expertise publique préalable. C'est ainsi que nous proposons de conditionner le recours à un passe sanitaire pour les déplacements internationaux à un avis d'experts. Nous demandons de définir dès aujourd'hui le cadre du comité de scientifiques qui aura pour tâche non seulement de conseiller et de délibérer de façon collégiale et contradictoire, mais aussi de dialoguer avec le Parlement. Monsieur le ministre, lors de votre audition, vous avez renvoyé la création de cette nouvelle institution à un décret, ce qui donne au pouvoir exécutif le droit de créer un tel organisme sans que le Parlement n'exerce sa compétence. Cela n'est pas opportun si on veut renforcer la confiance de nos concitoyens ; cela n'est pas acceptable dans le contexte politique présent où une majorité de nos concitoyens a souhaité un meilleur équilibre entre les pouvoirs exécutif et législatif.

Par ailleurs, le passe sanitaire ne doit être rendu possible qu'en fonction d'une gravité objectivée de la situation, sur un territoire précisément déterminé.

Depuis 2020, nous ne cessons d'exiger un meilleur contrôle du Parlement sur les décisions de sécurité sanitaire, qui doivent être prises sur avis d'une expertise collégiale, contradictoire et transparente. Nous sommes constructifs et soumettons à la discussion plusieurs pistes d'amélioration. Cependant, nous resterons vigilants : si nos propositions ne sont pas retenues, le groupe Socialistes et apparentés ne votera pas le texte.

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