Intervention de Erika Bareigts

Réunion du jeudi 25 mai 2023 à 14h10
Commission d'enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la constitution

Erika Bareigts, maire de Saint-Denis de La Réunion, ancienne ministre des outre-mer, ancienne députée :

Le sujet du pouvoir d'achat, des prix dans les outre-mer et les difficultés que nos concitoyens éprouvent pour faire face à leurs besoins les plus élémentaires n'est pas nouveau. Les expressions peuvent différer selon les niveaux de progrès des territoires ultramarins, de la période postcoloniale à la départementalisation. Ces territoires peuvent être affectés par une grande pauvreté en l'absence de travail rémunéré, associée à moins d'aménagements ou d'écoles. La question de l'accès à de meilleurs revenus et de meilleurs droits demeure patente dans certains territoires, en particulier à Mayotte, qui a obtenu son statut de département plus tardivement que les autres.

Différentes approches ont été adoptées au fil du temps pour traiter ces problèmes. Des lois spécifiques ont été adoptées en matière de création de richesse, en partant du principe que le développement de l'activité économique et donc de l'emploi permettrait de fournir une solution. Des étapes ont été franchies de ce point de vue, notamment à travers les grandes lois outre-mer, qui ont permis de créer des emplois et d'extraire un certain nombre de populations de la très grande pauvreté.

Cependant, aujourd'hui encore, la pauvreté est encore plus marquée dans nos territoires et la cherté de la vie entraîne des différentiels inouïs avec l'Hexagone. Les chiffres de 2016 à La Réunion témoignent ainsi d'un différentiel de 36 à 37 % dans le domaine alimentaire.

Au cours de la mandature 2012-2017, je me suis efforcée d'agir, d'abord en tant que députée et rapporteure du projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives à l'outre-mer, dit loi Lurel, puis en tant que ministre, sur le projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, dit loi Érom. Différents aspects ont été abordés, notamment en matière stratégique, comme le plan convergence, la stratégie du bon d'achat ou les mesures dans le domaine de la transparence et la concurrence contenues dans la loi Lurel. La loi Érom mettait quant à elle en lumière les injustices et des écarts d'accès au droit et cherchait à les corriger à travers un certain nombre de mesures, concernant la structure concurrentielle de ces économies captives, mais également l'approche stratégique du développement, à travers notamment les contrats de convergence.

Humblement, je considère que la mandature 2012-2017 a permis d'accomplir une partie du chemin. Nous avons apporté une pierre à l'édifice. Selon nous, la prime d'activité a contribué à améliorer les revenus des travailleurs pauvres et, partant, leurs conditions de vie. Les contrats d'avenir ont également agi sur l'accès des jeunes au travail, en leur permettant d'acquérir de l'expérience. Je pense également à la garantie jeunes et à la suppression de la première tranche d'imposition sur le revenu.

Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) a quant à lui a contribué à donner les moyens à notre tissu économique, composé à 90 % de très petites entreprises (TPE) et de petites et moyennes entreprises (PME), de se développer sur nos territoires. Ces mesures ont permis d'agir sur le chômage. Selon l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), de 2012 à 2017, le taux de chômage est ainsi passé de 36 à 21 % à La Réunion. En Guadeloupe, il est passé sur la même période de 29 % à 22 % et de 26 % à 17 % en Guyane.

Nous avons donc agi autour de ces trois axes, à travers les deux grands textes que furent la loi Lurel et la loi Érom. En tant qu'ultramarins, nous sommes singuliers à différents égards. Nous vivons loin du marché hexagonal et européen, dans des bassins océaniques connaissant des accords économiques internationaux qui ne défendent pas forcément nos intérêts. De plus nos marchés sont restreints et captifs ; et l'histoire économique postcoloniale est marquée par les monopoles. Cette singularité a été largement entérinée par l'Union européenne, qui nous reconnaît comme des régions ultrapériphériques. De même, elle accompagne bien volontiers les démarches d'exception, quand les démonstrations sont faites. De fait, l'essence même de l'Europe repose sur la diversité.

Mais, en tant que députée et ministre, le travail est compliqué lorsqu'il faut toujours faire la démonstration que l'exception est bien justifiée. En plus d'être structurellement différents du territoire continental, nous sommes aussi divers entre nous. L'exception, pour être acceptée, doit remplir un certain nombre de conditions. Par conséquent, la créativité et l'innovation relatives à nos situations diverses doit guider le travail parlementaire et ministériel, afin de proposer de nouvelles pistes. En effet, si nous effectuons toujours les mêmes propositions, nous sommes condamnés à utiliser des « pansements », qui s'usent et ne changent pas le fonctionnement de nos territoires, de notre marché économique et de notre marché de l'emploi.

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