Intervention de Patrick Fabre

Réunion du jeudi 25 mai 2023 à 14h10
Commission d'enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la constitution

Patrick Fabre, président du groupe CréO :

Le constat que nous pouvons tirer est le suivant : il n'y a pas un responsable de la vie chère outre-mer. Cela aurait été plus simple, mais ce n'est pas le cas. Les raisons des prix élevés sont essentiellement structurelles. Notre proposition consiste à nous concentrer sur tout ce qui est prioritaire pour tous nos compatriotes.

Deux fortes inégalités doivent être corrigées à court terme selon nous. La première proposition concerne les prix des produits alimentaires de base ou produits de première nécessité. Il est vrai que le différentiel de prix sur ces produits alimentaires entre l'Hexagone et La Martinique est en général de 32 % : nous vendons dans la distribution alimentaire 32 % plus cher qu'en métropole.

Mais en réalité, ce différentiel est beaucoup plus important sur les produits alimentaires de base, où il atteint ainsi 45 % en moyenne. Cependant, il convient de faire très attention sur les chiffres que l'on invoque, car moyennes dissimulent souvent les des écarts très importants. Malgré tout, nous estimons que ce différentiel de 45 % est inacceptable.

De manière très concrète, laissez-mois prendre l'exemples de produits alimentaires de base : une brique de lait UHT (stérilisé à ultra haute température), des pâtes alimentaires, du riz et des conserves de petits pois et de maïs. Les coûts d'importation de ces produits, c'est-à-dire les coûts d'approvisionnement associés à la fiscalité locale, augmentent nos prix d'achat pour former le prix de revient. En conséquence, les produits de base alimentaire arrivent sur les ports de nos territoires avec des prix de revient affectés des augmentations suivantes :

 53 % pour le lait ;

 63 % pour les pâtes alimentaires ;

 46 % pour le riz ;

 42 % pour les conserves.

En revanche, sur un ordinateur PC à 1 200 euros ou sur les téléphones portables, le coût d'augmentation n'est que de 2 %. Notre proposition consiste à réduire de moitié les coûts d'approvisionnement de ces produits alimentaires de base sur toute la chaîne d'approvisionnement et de répercuter cette baisse sur les autres produits qui sont importés. En effet, ces produits de base représentent moins de 10 % de l'ensemble des produits que nous importons. Si nous enlevons la moitié des coûts et si nous les répercutons sur les 90 % restants, les effets seraient massifs. Nous ne demandons aucun effort financier aux différents opérateurs, mais simplement de réaliser une péréquation.

Notre deuxième proposition concerne le tarif des produits de grande marque. Notre demande consiste à retrouver les tarifs export qui existaient dans les années 1990. Dans la composition du prix de vente des produits de grande marque, il existe deux types de coûts : les coûts de fabrication du produit et les coûts liés à la commercialisation du produit (publicité, force de vente, marketing, logistique, de transport).

Les coûts de commercialisation ou coûts de mise en marché sont payés en métropole, mais aussi sur nos territoires. Puisque nous sommes des territoires captifs, nous payons deux fois les coûts de commercialisation. Or il n'y a aucune raison qu'il en soit ainsi. En effet, les coûts publicitaires, de sponsoring et de force de vente en métropole ne nous concernent pas. Nous demandons que les industriels remettent en place sur nos territoires ultramarins des tarifs export, généralement 20 à 25 % moins chers, comme cela fonctionne pour le monde entier.

Notre troisième proposition consiste à libéraliser le commerce régional. Tout d'abord pour des impératifs écologiques : il vaut mieux acheter le même produit à 200 kilomètres que de l'acheter à 8 000 kilomètres. Toutes les grandes marques nationales sont vendues dans la zone Caraïbes ou dans les îles autour de nous. Il serait plus simple de nous approvisionner directement sur ces zones. Ensuite, pour des raisons tarifaires : le prix des produits de grande marque au Surinam, au Brésil, en Jamaïque ou à Saint-Domingue sont beaucoup moins chers qu'en France. Il faut libéraliser le commerce régional et lever les contraintes administratives. Il s'agit là d'un aspect législatif.

Notre quatrième proposition est en réalité une contribution, pour ce que nous pensons être un secteur prioritaire dans nos territoires, en tous les cas en Martinique. Pour renforcer les filières agricoles locales et faciliter l'installation de jeunes agriculteurs, nous proposons de les aider significativement dans les deux premières années d'exploitation, à travers deux aides. D'abord, en leur accordant chaque mois une ristourne de 10 % du chiffre d'affaires réalisé avec eux. Ensuite, en leur payant leur marchandise avant réception, c'est-à-dire une semaine d'avance au moment de la commande. La première proposition les aiderait à consolider leur structure financière et la seconde les aiderait en matière de trésorerie, qui constitue la plus grande difficulté que rencontrent les jeunes agriculteurs dans les premières années d'activité.

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