Intervention de Jean-Félix Acquaviva

Séance en hémicycle du mercredi 12 juillet 2023 à 15h00
Accompagnement des élus locaux dans la lutte contre l'artificialisation des sols — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Félix Acquaviva :

Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires partage la volonté de lutter contre l'artificialisation massive des sols, qui contribue au déclin de la biodiversité et au dérèglement climatique. L'objectif est louable, absolument nécessaire, mais difficile à traduire concrètement – reconnaissons-le.

Tel qu'il était décliné dans la loi « climat et résilience », chacun en conviendra, l'objectif zéro artificialisation nette était peu opérationnel. Construit selon nous de manière trop centralisée, par le haut, il était peu en phase avec la réalité des territoires, lesquels se caractérisent par des dynamiques d'artificialisation très différentes, qui dépendent notamment d'évolutions démographiques et économiques sur lesquelles les collectivités ont parfois peu de prise. D'où l'initiative sénatoriale. Issu du compromis trouvé en CMP, ce texte procède à des ajustements nécessaires pour tenter de concilier la sobriété foncière avec le développement des territoires.

Notre groupe a accueilli cette proposition de loi avec intérêt, d'autant qu'elle tente d'apporter des réponses à deux sujets de préoccupation majeurs pour les collectivités territoriales – j'espère qu'elle apportera effectivement des solutions, dans son application concrète.

D'une part, elle prend en compte les grands projets nationaux, grâce à la création d'une enveloppe nationale. Nous redoutions que certains projets d'ampleur soient décomptés de l'enveloppe des territoires qui les accueillent, au risque de grever leur capacité à mener d'autres projets essentiels. Le compromis trouvé sur la mutualisation à l'échelle des régions devrait permettre, nous l'espérons, un meilleur partage des efforts.

D'autre part, le texte crée un mécanisme de garantie de développement pour les communes rurales, en instaurant une surface minimale de développement communal, mutualisable – rappelons-le – au niveau des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Elle devrait éviter aux zones les plus rurales de devenir une sorte de variable d'ajustement et d'être ainsi entravées dans leurs projets de développement.

À titre plus personnel, je me réjouis sincèrement du dialogue fructueux conduit avec MM. les rapporteurs et avec M. le ministre que je salue. Ce dialogue a permis de cheminer vers l'adoption de dispositions spécifiques indispensables à la Corse dans le cadre de la révision prochaine de son Padduc – plan d'aménagement et de développement durable de Corse. Je pense à la clarification juridique de la déclinaison territoriale du ZAN dans le Padduc ou encore à l'incitation forte à l'adoption de documents d'urbanisme dans les communes corses, lesquels font grandement défaut et dont l'absence a historiquement abouti à des aberrations urbanistiques dans des zones littorales sujettes à une spéculation effrénée.

Toutefois, des membres de mon groupe souhaitent exprimer leurs craintes relatives en particulier à des projets de décret qui semblent aller, pour eux, dans le mauvais sens. C'est notamment le cas du décret « nomenclature » au sujet des surfaces végétalisées herbacées à usage résidentiel, qui seront considérées comme artificialisées alors qu'elles peuvent abriter la biodiversité au sein des villes ; nous pouvons d'ores et déjà annoncer que ces zones, dans les villes ou dans les communes insulaires soumises à une forte pression foncière, risquent d'être bétonnées. De même, se pose la question des « dents creuses » : seront-elles aussi considérées comme artificialisées en cas de construction ?

Nous pouvons également évoquer le retentissement de la lutte contre l'artificialisation des sols sur la fiscalité locale et sur le prix des logements. Le montant de la DGF – dotation globale de fonctionnement –, par exemple, est corrélé de manière directe à la croissance et au développement d'une collectivité : plus elle dispose d'infrastructures, de voirie, de services, plus elle perçoit de DGF. De la même manière, plus une commune possède de bâti, plus elle perçoit de taxe foncière. À ce jour, aucune mesure fiscale n'est prévue pour limiter en la matière les effets des évolutions en cours. C'est pourtant un sujet crucial.

Hormis ces craintes, notre groupe ne s'opposera pas à ce texte. Certains voteront pour – ce sera mon cas –, d'autres s'abstiendront.

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