Intervention de Pieyre-Alexandre Anglade

Réunion du mercredi 12 juillet 2023 à 9h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes :

Je tiens d'abord à remercier le président Bourlanges d'avoir bien voulu reprendre cette proposition de résolution européenne, qui a été adoptée très largement par la commission des affaires européennes il y a un peu moins d'un mois.

Dans notre rapport d'information et notre proposition de résolution, Julie Laernoes et moi avons voulu réfléchir aux suites à donner à la conférence sur l'avenir de l'Europe, qui s'est déroulée l'an passé à Strasbourg. Pendant près d'un an, des parlementaires européens, des parlementaires nationaux, des membres de la société civile et des citoyens européens tirés au sort ont travaillé à l'élaboration de recommandations et de mesures. Un grand nombre d'entre elles ont déjà été mises en œuvre mais d'autres nécessitent une renégociation des traités européens. C'était, au fond, l'objet initial de notre proposition de résolution européenne.

Pourquoi cette proposition de résolution demande-t-elle une révision des traités ? Ce n'est pas un objectif en soi mais un instrument au service de la mise en œuvre et de la redéfinition d'objectifs politiques de notre Union. Il s'agit d'abord de renforcer son caractère démocratique en donnant davantage de prérogatives aux citoyens et à leurs représentants au Parlement européen. Nous pensons qu'il faut achever la mue du Parlement européen en un vrai Parlement, doté de véritables pouvoirs budgétaires et du droit d'initiative législative. Il convient aussi renforcer la démocratie européenne, à travers le lancement des fameuses listes transnationales, grâce auxquelles un certain nombre d'eurodéputés seraient élus sur la base d'une circonscription européenne unique.

Les modalités de prise de décision en Europe doivent par ailleurs être réformées sans tarder. Au moment de la crise économique et financière du début des années 2000, au moment de la crise sanitaire puis de la crise géopolitique provoquée par la Russie, l'Europe a su montrer qu'elle était capable de réagir, et même de dépasser certains dogmes. Mais elle a aussi montré qu'elle réagissait parfois trop lentement dans sa prise de décision. Alors que les Américains ont été capables, en seulement quelques semaines, de décréter un embargo sur le pétrole russe, il nous a fallu plusieurs mois pour le faire. La nécessité de prendre des décisions à l'unanimité sur les questions touchant à la fiscalité et à la politique étrangère est, à nos yeux, un facteur bloquant. De même, il est problématique qu'une question comme l'immigration, au sujet de laquelle des décisions pourraient être prises à la majorité, continue d'être régie par l'unanimité. Il me semble que les deux domaines où l'unanimité doit rester la règle sont la politique d'élargissement de l'Union, qui doit continuer d'obtenir l'assentiment de l'ensemble des États, et les changements que certains voudraient instaurer au sujet des valeurs fondamentales de notre Union.

Il convient, enfin, de préparer l'avenir et de répondre aux bouleversements récents ; je pense en particulier à la guerre en Ukraine. La question n'est plus de savoir si nous devons élargir l'Union, ni même quand nous devons le faire, mais comment. L'Europe de 2030, celle qui comptera plus de trente États membres, ne sera plus celle d'aujourd'hui. Deux erreurs doivent être évitées. La première consisterait, alors même que la situation se dégrade dans notre environnement immédiat, à ne rien faire et à laisser les Balkans, l'Ukraine ou la Moldavie patienter, en nous contentant de leur donner des perspectives assez lointaines. Cela reviendrait à laisser la clé à ceux qui veulent nous déstabiliser. Je pense qu'il vaut mieux se mettre autour de la table avec ces États plutôt que de nous exposer à des conflits larvés aux frontières extérieures de l'Union.

La deuxième erreur consisterait à élargir l'Union européenne sans condition et sans la réformer, au prétexte que c'est notre intérêt géopolitique ou que nous le devons à la Moldavie ou à l'Ukraine, du fait de leur combat acharné pour leur liberté, leur souveraineté et les valeurs européennes. Élargir sans réformer, ce serait nous condamner à l'impuissance et aggraver les pesanteurs que nous connaissons. On ne peut pas se payer le luxe de fonctionner à trente ou trente-cinq comme nous peinons déjà à fonctionner à vingt-sept.

L'heure est à la clarification de notre Union européenne. Elle doit s'élargir, repenser très profondément sa gouvernance et ses grandes politiques historiques – la politique de cohésion, le fonctionnement du marché intérieur, la politique agricole commune –, intégrer davantage les politiques économiques et avoir plus d'exigences encore sur l'État de droit.

Telles sont, madame la présidente, les bases de la proposition de résolution européenne qui a été adoptée en commission des affaires européennes et qui est aujourd'hui reprise par le président Bourlanges.

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