Intervention de le général Alain Pidoux

Réunion du mercredi 12 juillet 2023 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

le général Alain Pidoux, chef de l'Inspection générale de la gendarmerie nationale :

S'agissant de la gendarmerie, il est apparu qu'il n'y avait pas de problème avec les contrôles d'identité. Ce n'est pas moi qui le dis, ce sont les chercheurs – notamment M. Sebastian Roché. Comme je l'ai dit à Mme Claire Hédon, la Défenseure des droits, je suis opposé à la délivrance d'un récépissé sous la forme d'un papier. Cela n'empêche pas de faire des vérifications sur la manière dont ces contrôles sont effectués, notamment grâce aux outils numériques. C'est ce que nous avons fait lorsque la Défenseure des droits a été saisie par une mère qui estimait que son enfant avait été victime d'un contrôle parce qu'il était originaire du Mali : nous avons pu prouver que quarante-deux contrôles d'identité avaient été réalisés durant le même laps de temps et qu'ils étaient représentatifs de l'ensemble de la diversité française. La Défenseure des droits a conclu qu'il n'y avait pas eu de contrôle au faciès. Chaque contrôle est répertorié et laisse une trace dans les fichiers.

Je suis un fervent défenseur des moyens de force intermédiaire. Tout l'enjeu réside dans la maîtrise de leur utilisation. C'est la raison pour laquelle nous avons placé un superviseur auprès de celui qui tire avec un LBD : à deux, on a plus de retenue. Tout cela est un problème de formation et de commandement. Il revient au chef de proximité de décider s'il faut agir et d'utiliser ces moyens avec proportionnalité. Si on les supprime complètement, le gendarme n'aura plus d'autre choix que d'utiliser son arme à feu – soit exactement ce que l'on souhaite éviter.

Nous avons été associés à la réflexion sur le nouveau collège de déontologie du ministère de l'intérieur et j'ai, en effet, émis des réserves. Je vais en faire part à la représentation nationale en présence de mon successeur, Jean-Michel Gentil, magistrat de l'ordre judiciaire. La rédaction retenue rend possible le fait qu'aucun gendarme ne siège au sein ce collège. J'y suis opposé : qui imaginerait un collège de déontologie de la médecine sans médecin ? C'est incompréhensible, notamment pour le gendarme de terrain. Nous avons donc fait des propositions précises et je ne doute pas que nous serons entendus.

Je remercie Monsieur Rambaud pour son hommage aux forces de l'ordre. Sa question était de savoir comment nous pouvions mener des enquêtes en prenant de la distance, alors même que des gendarmes sont blessés. Quelqu'un a tué Mélanie Lemée en la percutant avec son véhicule, dans le Lot-et-Garonne. J'ai vu les images. C'est atroce. Comment les gendarmes peuvent-ils enquêter sur de tels faits avec réserve, maîtrise et impartialité ? Cela tient en un mot : le professionnalisme, qui dans une démocratie s'impose à nous. Lorsque nous intervenons, c'est avec distance et maîtrise, et sous le contrôle des magistrats. Je peux le dire : ma toute petite équipe de 117 personnes, c'est la crème de la crème, et c'est un bonheur.

Madame Obono, vous évoquez les modèles étrangers. Bien sûr, nous les étudions – un séminaire organisé avec la Défenseure des droits y a été consacré – mais pour ma part, je n'ai jamais vu aucun système idéal. S'agissant du Royaume-Uni, je n'oublie pas la stupéfiante corruption de la police londonienne, et le modèle danois n'est pas forcément à prendre en exemple. Pourquoi lâcher la proie pour l'ombre ? Je suis partisan de contrôles à plusieurs niveaux, en particulier celui exercé par le Défenseur des droits. Mais notre dispositif est opérationnel. N'essayons pas d'importer un modèle qui ne correspondrait pas à notre identité.

En ce qui concerne la Ligue des droits de l'homme, j'ai entendu M. Patrick Baudouin, son président, soutenir beaucoup d'affirmations avec une grande assurance. J'ai été surpris que l'on puisse écrire plus de 140 pages sur les événements de Sainte-Soline. Je ne sais rien et ne veux rien savoir de l'enquête judiciaire. De notre côté en revanche, quatre enquêtes sont en cours.

Nous analysons en particulier des heures d'enregistrements vidéo, que nous avons saisis. Car tout est filmé : la LDH utilise des drones – alors que la gendarmerie, elle, n'en a pas le droit. Nous n'avons pas vu une seule image d'un gendarme bloquant une ambulance. En revanche, nous avons vu des prospectus incitant les manifestants à ne pas faire appel aux secours sur place ; nous avons vu la personne la plus gravement blessée, prénommée Serge, être déplacée à plusieurs reprises, contrairement à toutes les règles d'usage en pareille situation. Certains voudraient-ils éviter une mise en cause ? En tout cas, je suis serein dans l'attente des conclusions des enquêtes menées sous le contrôle du procureur de la République.

Quant aux attaques subies par les gendarmes et les gendarmeries, moi aussi, je suis inquiet. Ce sont les familles des gendarmes qui peuvent être mises en danger. Au sein de l'IGGN a été créée la mission sûreté de la gendarmerie, chargée d'œuvrer à la protection des unités de gendarmerie – celle des locaux des gendarmeries, bien sûr, mais aussi celle des logements concédés par nécessité absolue de service.

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