Intervention de Sabrina Sebaihi

Réunion du mercredi 19 juillet 2023 à 9h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabrina Sebaihi :

Nahel a été tué le 27 juin dernier dans ma circonscription, à Nanterre, par un officier de police, lors d'un contrôle routier faisant suite à un refus d'obtempérer. Depuis, le Gouvernement ne semble pas prendre la mesure des secousses qui ont traversé notre pays : l'unique réponse apportée à ces nuits de violence a été la répression. Comme en 2005 après la mort de Zyed et Bouna, comme en 2007 à Villiers-le-Bel, comme en 2017 après la mutilation de Théo lors de son arrestation, c'est le tout-sécuritaire qui a été choisi.

Bien sûr, vous ne trouverez personne chez nous pour approuver les violences, les pillages, les destructions d'édifices notamment publics. Mais votre réponse est un peu courte, vous le reconnaîtrez : la matraque pour les quartiers, le chéquier pour les dégâts, ce n'est pas suffisant. Tant que nous nous bornerons à répondre seulement aux conséquences, les causes continueront de produire les mêmes effets encore et encore.

Depuis des années, la politique de la ville est en état de mort cérébrale : aucune vision politique, ni même le souffle d'une idée nouvelle, face à ce problème qui dément chaque jour la devise de notre pays. Pourtant, près de 5 millions de personnes vivent dans un des 1 500 quartiers estampillés « politique de la ville ». Depuis le plan Borloo, nous n'avons rien appris : près de 40 % de ces habitants sont toujours en situation de pauvreté ; ces quartiers comptent toujours deux fois moins de médecins généralistes, moins de bureaux de poste, moins de transports publics, moins de maisons de justice.

L'État, non content d'abandonner les populations, abandonne les municipalités elles-mêmes : de loi de finances en loi de finances, la dotation globale de fonctionnement (DGF) connaît une baisse drastique, alors que c'est elle qui permettrait de mener des politiques ambitieuses dans les communes, de combler les lacunes de l'État afin que chacun, qu'il habite le 15e arrondissement, la cité des Pablo à Nanterre ou de l'Ariane à Nice, se sente égal et lié par un destin commun, afin que chacun puisse s'émanciper et vivre à égalité.

Il est urgent de reconstruire nos écoles, nos mairies, nos commissariats, nos commerces de proximité, nos centres sociaux, pour que les habitants puissent en bénéficier au plus tôt. Oui, ces dégradations ont eu lieu dans les quartiers où les habitants ont le plus besoin de ces services. Mais ne nous contentons pas d'un coup de ciment par-ci, de quelques briques par-là : ce sont les fondations même de la République au sein de nos quartiers et de nos banlieues qu'il faut réexaminer.

Il ne faut pas seulement reconstruire vite, il faut aussi reconstruire mieux : l'état énergétique du parc public comme privé ne répond pas aux normes environnementales les plus performantes ; nous devons reconstruire des bâtiments résilients. Attaquons-nous au chantier de l'accessibilité des services publics, car aujourd'hui les personnes en situation de handicap luttent parfois pour franchir les portes d'un bureau de poste.

Dans une France qui n'a jamais été aussi antagoniste, en proie aux chimères sécuritaires et discriminantes de l'extrême droite, investissons massivement dans l'éducation et dans l'emploi – bref, dans l'émancipation.

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