Intervention de Stéphanie Rist

Réunion du mercredi 19 juillet 2023 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphanie Rist, rapporteure :

Je profite de mon intervention pour témoigner de mon soutien à Marc Ferracci et pour ajouter que chaque fois qu'un député est attaqué personnellement, tous les députés sont attaqués collectivement. La place des élus dans la population diminue à chacun des attaques personnelles que nous lançons les uns envers les autres.

J'ai le plaisir de vous restituer aujourd'hui les conclusions de notre mission « flash » portant sur les téléconsultations sur abonnement que nous avons menée avec Pierre Dharréville. C'est l'occasion pour nous de faire toute la lumière sur ces offres commerciales qui ont légitimement suscité de vives réactions ces dernières semaines. Je reviendrai rapidement sur l'objet de cette mission et sur les discussions que nous avons eues dans le cadre des auditions, qui nous ont permis d'aborder de manière transversale les enjeux soulevés par l'essor des téléconsultations.

Comme vous le savez, le nombre de téléconsultations s'est envolé ces dernières années sous l'effet de la crise sanitaire du covid-19. Nous sommes passés de 80 000 téléconsultations en médecine générale en 2019 à 13,5 millions en 2020. Malgré un recul lié à la sortie de la crise sanitaire, ce sont désormais près d'un million de téléconsultations qui sont prises en charge par l'assurance maladie chaque mois en moyenne. C'est beaucoup et peu à la fois puisque cela ne représente que 2 % des actes de médecine libérale. Pour autant, cette pratique est entrée dans les mœurs et va se pérenniser dans les années à venir, du fait du progrès technologique, d'une aspiration croissante des professionnels de santé, mais également des demandes et des besoins en santé auxquels l'offre médicale présente dans les territoires ne répond pas toujours.

Depuis septembre 2018, les téléconsultations sont, dans l'immense majorité des cas, télétransmises à l'assurance maladie avec une prise en charge par la solidarité nationale si plusieurs conditions sont respectées. Un moyen de vidéotransmission et une connexion sécurisée doivent en effet être utilisés et les principes posés par la convention médicale doivent être garantis : respect du parcours de soins coordonné, alternance de consultations et de téléconsultations, etc.

Je rappelle par ailleurs que dans le cadre de la convention entre médecins et assurance maladie, ceux-ci ne peuvent pas réaliser plus de 20 % de leur activité par téléconsultation.

Pour autant, en dehors du cadre conventionnel, il n'est pas interdit de proposer aux usagers des abonnements permettant d'accéder à un certain nombre de téléconsultations, mais elles excluent de fait une prise en charge par l'assurance maladie obligatoire.

Ainsi, depuis juillet 2022, un groupe de santé privé à but lucratif a lancé, en partenariat avec une plateforme, une offre de téléconsultations 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 en contrepartie d'un prix forfaitaire mensuel de 11,90 euros.

Dans ce cadre, le bénéficiaire peut, sans engagement de durée, consulter un médecin, généraliste ou spécialiste ou un autre professionnel de santé – sage-femme, psychologue, etc.

Il convient de relever qu'il peut s'agir de consultations téléphoniques comme de consultations vidéo en fonction des besoins. Si ces consultations ne sont pas prises en charge par l'assurance maladie, elles peuvent donner lieu à des prescriptions médicales qui elles, le sont. En revanche, cette offre stipule qu'elles ne peuvent déboucher sur la prescription d'arrêts de travail.

Plusieurs mois après sa commercialisation, cette offre a suscité de vives réactions qui peuvent facilement s'expliquer. Tout d'abord, elle s'inscrit en dehors de la logique de parcours de soins qui est au cœur de l'organisation du système de santé, le bénéficiaire ne pouvant demander à s'adresser à un médecin en particulier. Ensuite, elle peut conduire à accentuer les inégalités d'accès aux soins, entre les individus disposant de moyens financiers leur permettant de souscrire l'abonnement et ceux qui ne le peuvent pas, d'autant plus qu'elle contribue à capter de la ressource médicale en permettant à des médecins d'exercer une activité plutôt lucrative dans n'importe quel endroit du monde.

Je souligne que la présentation de l'offre peut donner l'illusion à des patients peu avertis d'un accès illimité, à tout moment, à des professionnels de santé puisque « toutes les téléconsultations [seraient] incluses ». Or, les conditions d'utilisation prévoient un plafond à vingt téléconsultations par an, ce qui garantirait un « usage raisonnable » de l'abonnement. De plus, la souplesse offerte par ce type d'abonnement entretient une certaine confusion entre ce qui relève davantage du conseil en santé d'une part et d'un examen clinique à distance d'autre part. De plus, l'encadrement de la pratique médicale, via l'interdiction de délivrer des arrêts de travail, interroge sur l'autonomie inhérente à l'activité des médecins à laquelle nous sommes tous attachés.

C'est pour cela que dans le cadre de cette mission « flash », nous proposons que les plateformes de téléconsultation soient obligées à mieux distinguer ce qui relève du téléconseil et ce qui relève des téléconsultations.

L'offre que j'évoquais à l'instant n'est pas sans rappeler celle proposée par le secteur assuranciel et mutualiste depuis quelques années. En effet, plusieurs offres de mutuelles et assurances intègrent dans leurs garanties d'accès, l'accès à un certain nombre de téléconsultations chaque année, qui pour autant ne relèvent pas tout à fait de la même démarche. En effet, elles s'intègrent dans une panoplie de services et ne font pas nécessairement l'objet d'une souscription spécifique.

Je passe la parole à Pierre Dharréville, que je remercie pour la qualité de nos échanges et du travail que nous avons réalisé en commun.

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