Intervention de Didier Lallement

Réunion du jeudi 6 juillet 2023 à 8h00
Commission d'enquête sur la structuration, le financement, les moyens et les modalités d'action des groupuscules auteurs de violences à l'occasion des manifestations et rassemblements intervenus entre le 16 mars et le 3 mai 2023, ainsi que sur le déroulement de ces manifestations et rassemblements

Didier Lallement :

Il faut intervenir rapidement, en effet. C'est pour cette raison que j'ai été à l'origine des brigades de répression de l'action violente motorisées, ce qui m'a été reproché. Les motos permettent d'arriver jusqu'à des manifestations, régulières ou irrégulières, où des troubles se produisent. Au contraire, avec trente kilogrammes sur le dos, on court moins vite qu'un jeune adulte en baskets. Pour faire débarquer des compagnies républicaines de sécurité de leur camion, pour déployer soixante ou quatre-vingts fonctionnaires ou militaires, il faut du temps. J'ajoute que circuler dans Paris avec des véhicules à quatre roues est de plus en plus difficile : l'aménagement urbain doit être pris en considération, on le sait depuis au moins le baron Haussmann. Dès lors que l'on réduit les espaces de circulation, on permet à des manifestations plus ou moins régulières de se glisser dans la ville.

Votre question amène à évoquer l'interdiction administrative de manifester, qui a été censurée par le Conseil constitutionnel. Il est dommage qu'un outil juridique qui existe dans les stades ne soit pas à disposition pour les manifestations. Une évolution juridique serait souhaitable, mais je dépasse ma condition en le suggérant. Un tel dispositif aurait néanmoins ses limites : le black bloc est, par construction, difficile à identifier ; il est fait pour cela ! S'agissant d'un problème de libertés publiques, il faudrait disposer d'éléments suffisants pour interdire. Un supporter sportif est beaucoup plus facile à tracer, l'interdiction bien plus facile à motiver.

Il y a aujourd'hui une demande de pénalisation de la manifestation : on fait intervenir le juge pour sanctionner ceux qui ne respectent pas la loi. C'est nouveau. Avant le milieu des années 2000, les choses ne fonctionnaient pas de cette façon. L'action de police visait à mettre fin à la manifestation qui posait des problèmes ; personne ne croyait nécessaire d'interpeller des casseurs et de les présenter au juge. Il y a aujourd'hui une volonté populaire, sociale, de pénalisation. Le juge veut se mêler de la manifestation. Cela contraint fortement l'action des services de police. L'interpellation de quelqu'un qui a cassé pourrait servir de justification pour lui interdire de manifester par la suite, mais ce qui compte, c'est de l'interpeller et de le présenter à un juge. Cela oblige les policiers et les gendarmes à créer tout un dispositif de procès-verbaux, de preuve, de garde à vue, qui est assez lourd. Il faut par exemple des norias pour emmener les gens vers les lieux où ils seront placés en garde à vue, il faut des permanences des parquets. Rien de cela n'existait ne serait-ce qu'il y a vingt ans.

Je vous rejoins : il faut, je crois, un peu plus de sanctions contre ceux qui ne respectent pas la règle du jeu collective.

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