Intervention de Sébastien Leurquin

Réunion du jeudi 6 juillet 2023 à 8h00
Commission d'enquête sur la structuration, le financement, les moyens et les modalités d'action des groupuscules auteurs de violences à l'occasion des manifestations et rassemblements intervenus entre le 16 mars et le 3 mai 2023, ainsi que sur le déroulement de ces manifestations et rassemblements

Sébastien Leurquin, auteur de l'ouvrage L'Affrontement qui vient :

Notre livre fait apparaître que, sur certains dossiers, l'État ne respecte pas le droit de l'environnement. Le grand contournement ouest de Strasbourg est à ce titre révélateur. Il y a eu plus de dix décisions défavorables, depuis l'enquête publique aux études environnementales en passant par un jugement déclarant les travaux illégaux. Malgré tout, le chantier s'est poursuivi jusqu'à son terme. L'autoroute a été déclarée illégale un temps, empêchant les voitures d'y circuler quelques semaines. Finalement, devant cette situation ubuesque, la justice a fini par donner l'autorisation d'ouverture.

Cet épisode a eu un impact sur des organisations modérées comme France Nature Environnement. L'ancien président de l'association, Arnaud Schwartz, nous l'a confié : « J'ai envie de dire à l'État : travaillez davantage avec nous, respectez le droit, sinon la désobéissance civile va définitivement prendre le pas. On alerte sur ce risque depuis des années. Aujourd'hui, certains se disent : ‘puisque le dialogue ne mène à rien, il faut faire autrement. Et quand l'État ne respecte pas le droit, pourquoi respecter l'État ? » Antoine Gatet, le président actuel de France Nature Environnement, évoque de son côté « une tension globale qui s'est mise en place. Aujourd'hui, le gouvernement, par ses actions, radicalise le combat. Et je suis surpris qu'il n'y ait pas déjà̀ eu plus de drames. Il y a tous les ingrédients pour. » Ces hommes ne sont pas des militants radicaux qui cherchent à durcir la situation. Ils sont portés sur le combat juridique. Leurs propos témoignent des schémas à l'œuvre dans le durcissement des militants écologistes. Ils sont pris d'un côté par une urgence climatique et de l'autre par un État qui ne respecte parfois pas lui-même le droit de l'environnement. Certains militants en ressentent une injustice profonde, qui les entraîne à s'engager dans des actions encore plus radicales que celles des Soulèvement de la Terre.

Notre enquête a été l'occasion de nous entretenir avec des experts du renseignement. Certains craignent de voir apparaître un phénomène de poupées russes, c'est-à-dire l'émergence de nouveaux groupes avec des revendications et des modes d'action toujours plus violents. Les Soulèvements de la Terre, bien que n'ayant pas de forme légale en tant qu'association constituée, représentent un mouvement identifié et identifiable. Certains des militants ont effectivement maintenant des discours radicaux. Glisseront-ils vers des formes d'action radicale ? On ne peut pas le certifier mais on peut le supposer. Il s'agit en tout cas d'une des craintes des services de renseignement.

Un agent des services nous a indiqué : « Je ne crois pas que ce soit le groupe Extinction Rebellion ou un autre qui va du jour au lendemain passer à l'action terroriste. En revanche, c'est au sein de ce type de groupe qu'on peut voir se structurer de toutes petites cellules de trois à cinq personnes qui vont fomenter un projet d'action clandestine », qui pourraient entrer dans le giron éventuellement écoterroriste. Nous n'y sommes pas encore en France. Mais la dissolution des Soulèvements de la Terre peut éventuellement présenter ce risque.

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